Les titres des journaux parus lundi et mardi ont été particulièrement révélateurs de l’onde de choc créée dimanche par le braquage scandaleux intervenu à l’aéroport International Gnassingbé Eyadema de Lomé.
Pour tout dire, c’était un scandale, un vrai. Au-delà des deux morts et blessés graves, les braqueurs se sont aussi emparés d’une bagatelle somme avoisinant les 3 milliards de fcfa.
En moins de deux mois, la capitale togolaise, y compris l’intérieur du pays a déjà été victime de 5 coups analogues. C’est sans doute trop et naturellement inquiétant surtout que ces braquages sont menés à l’aide des armes de guerre, des AK47.
D’abord le consul du Liban au Bénin lâchement tué à Avépozo, ensuite la boutique Fontana au grand marché de Lomé, puis la nationale n°1. Et dimanche, telle une consécration du crime, viennent les coups de l’aéroport International Gnassingbé Eyadema de Lomé et l’attaque des bouviers d’Adéticopé.
Tout cela constitue de toute évidence, un sérieux cocktail qui doit interroger sur la capacité effective de nos forces de l’ordre et de sécurité à tenir devant des interventions de ce genre contre la vie et les intérêts du peuple togolais.
Il faut d’abord retenir qu’aucune de ces attaques n’a eu lieu de nuit. Tout s’est fait en plein jour et en zone de forte agglomération sauf peut-être le braquage à la hauteur de Datcha et dans une moindre mesure celui d’Adéticopé.
Mais alors quelles leçons tirer de ces braquages répétitifs ?
La première, c’est que le Togo est vulnérable, aussi vulnérable que les libériens, les Sierra Léonais ou les guinéens le sont face au ravageur virus d’Ebola qui a déjà décimé plus de trois mille morts dans ces pays de l’Afrique de l’Ouest.
De même que l’attaque du 11 septembre 2001 des deux tours jumelles de Washington avait révélé toute la vulnérabilité de la plus grande puissance militaire au monde, ces braquages de Lomé et notamment celui de l’aéroport International Gnassingbé Eyadema ont montré combien le système sécuritaire tant vanté au Togo, comporte d’évidents creux.
Comment peut-on comprendre qu’un aéroport qui constitue la seule et vraie porte d’entrée sur le territoire togolais peut être aussi vulnérable au point où l’on braque allégrement un convoyeur d’argent dans le parking de cet aéroport après des tirs nourris qui ont duré près d’une trentaine de minutes ?
Quelques lâches petits esprits ont eu la tentation, dès ce triste évènement, de soutenir que le braquage n’est pas intervenu à l’aéroport et que de ce fait, ce n’est pas l’aéroport de Lomé qui a été attaqué. Baliverne !!!
L’aéroport ne serait-il pas là où il est qu’un parking serait construit à cet endroit ? Pourquoi la Société Aéroportuaire de Lomé Tokoin encaisse-t-elle alors de l’argent à tous ceux qui garent leurs véhicules dans ce parking ?
Il est évident que le fait qu’un tel braquage ait pu être effectif et facilement opéré dans le parking d’un aéroport que l’on dit très sécurisé, est une illustration parfaite de la porosité sécuritaire de cet aéroport.
« La très haute sécurisation » de l’aéroport Gnassingbé Eyadema que Gnama Latta, le directeur de l’Agence Nationale de l’Aviation Civile, a toujours vendue à qui veut l’entendre, n’est donc qu’un leurre.
Il restait de peu pour que ce dimanche, les quelques rares compagnies qui desservent le Togo annulent leurs vols sur Lomé et de Lomé.
Mais ce qui est encore plus choquant, c’est que cet aéroport est bombardé du nom du général défunt, général de son état qui, lui aussi, n’avait pour slogan que la paix et la sécurité au Togo.
Au moins son fils-héritier aurait pu, pour honorer la mémoire de celui-ci et lui témoigner sa reconnaissance pour un si succulent gâteau à lui laissé, prendre des dispositions exceptionnelles pour que l’aéroport Gnassingbé Eyadema incarne véritablement le nom et la vie du vieux défunt.
Mais hélas, là aussi l’on observe un léger, une légèreté qui laisse filtrer les malfrats de tout acabit qui attaquent, tuent et volent à leur guise…
La deuxième leçon tient de la mollesse ou même de l’indifférence de nos forces de l’ordre et de sécurité.
L’on est quasiment fondé, en l’état actuel des choses, de conclure que les militaires de la CETAP, les policiers et gendarmes postés à l’aéroport, les bérets verts de Lomé II, ont entretenu exprès une forme déconcertante d’indifférence face aux feux nourris allumés par les malfrats.
Il faut en réalité combien de secondes à un militaire pour réagir face à des tirs de balles qu’il entend à quelques mètres de lui ?
Le fait que les braqueurs de dimanche aient pu réussir leur coup dans l’environnement immédiat de l’aéroport, puis partir sur des motos, sans avoir été inquiétés, indique clairement que nos forces de sécurité ont tout simplement laissé faire, probablement par indifférence ou par peur de mourir.
Il y a alors lieu de s’interroger sur la bravoure et la dextérité dont on nous parle souvent concernant les troupes que le Togo envoie ici et là sur les théâtres de conflits en Afrique.
Si pour une simple opération de braquage qui a été entretenue par des tirs ayant duré autant de temps, nos forces de sécurité n’ont pu neutraliser les malfrats, ni même les poursuivre, qu’en serait-il d’un commando qui chercherait à attaquer le Togo comme ce fut le cas un 23 septembre 1986 ?
Les togolais ont des raisons sérieuses de s’inquiéter et Faure Gnassingbé en premier.
Est-il vraiment sûr que ce que lui disent les Katanga et consort sur leur capacité à sauver sa peau en cas d’attaque éventuelle est vraie et vérifiable ?
A-t-il aujourd’hui l’assurance sur la fiabilité et la viabilité de la force brute qu’il a toujours utilisée pour accéder au pouvoir, ensuite refuser les réformes... embastiller ceux qu’ils soupçonne d’être susceptibles de convoiter son fauteuil ?
Est-il si convaincu que si "ça chauffe" réellement il peut compter sur de braves inconditionnels autour de lui qui seraient prêts à mourir pour lui sauver la vie ?
Tout compte fait, l’on observe avec désarroi que l’engagement réel des forces de l’ordre et de sécurité ainsi que des militaires à agir encore avec motivation et zèle même au prix de leur vie, pour protéger la vie et les intérêts des togolais, reste manifestement à démontrer.
La troisième et dernière leçon que nous tirons de ces sempiternels braquages tient de l’élection présidentielle à venir. Faure Gnassingbé et sa bande d’accaparateurs des pouvoirs au Togo doivent montrer aux togolais qu’ils sont à la hauteur de leurs attentes légitimes.
Avec deux ou trois AK47, des malfrats ont pu tenir en respect nos forces de sécurité pendant plusieurs minutes ; il nous est même raconté que plusieurs policiers et gendarmes avaient bien pris la fuite ou avaient vite fait de ramper sous les chaises et à même le sol à l’attaque de dimanche.
Mais alors, que feraient-ils si l’énorme magot emporté ce jour servait à en acheter encore d’autres armes pour d’autres attaques plus organisées ? C’est grave.
Il apparait clairement qu’à la veille de cette élection présidentielle si cruciale, des armes de guerre ont commencé à circuler au Togo.
Comment ces armes rentrent-elles dans notre pays alors que l’on affirme et réaffirme au quotidien la vigilance et l’efficacité de nos forces de l’ordre et de sécurité ainsi que des douaniers postés à toutes les portes d’entrée au Togo ?
Tout le monde sait en effet, que le terrorisme se nourrit du blanchiment, de la corruption et de l’argent issu de la criminalité etc.
C’est dire que ces phénomènes qui ont engendré l’évaporation illicite de plus de 8233 milliards de fcfa sous Faure Gnassingbé, selon le rapport de GFI, ont commencé à laisser leurs traces nuisibles au Togo. Le rebond de ces sorties illicites d’argent commence à être réel et manifeste.
Il faudrait vite trouver les moyens idoines d’arrêter cette hémorragie qui assombrit l’espoir des togolais de vivre dans la paix et la quiétude.
Faure Gnassingbé a manifestement une épreuve. Celle de donner aux togolais, la preuve que, comme il aime bien le réaffirmer béatement à chacun de ses discours, il a effectivement réussi à stabiliser ce pays aussi bien sur le plan économique que sécuritaire….
La triste évidence, aujourd’hui, c’est que cette équation n’est toujours pas résolue. Que fera-t-il à 5 mois de la fin de son mandat pour la résoudre ? La question reste entière…..