L’un des maux les plus récurrents de l’Afrique reste le détournement des deniers publics vers les institutions financières internationales paralysant l’économie de bon nombre de pays. Le problème ne cesse d’aller crescendo. La rédaction d’Africa Rendez-vous revient sur cette peste qui endigue le développement des pays africains avec Cheikh Tidiane Ba de Forum Civil, la branche Sénégalaise de Transparancy International, rencontré à Dakar.
Africa Rendez-vous : Que doit-on réellement comprendre par transfert illicite de fonds?
Ba Cheikh Tidiane : D’abord il faut dire que la fuite des capitaux est une problématique internationale avant d’être africaine parce que c’est une préoccupation majeure des organismes internationaux, des Etats, mais surtout des citoyens qui devaient bénéficier les premiers de ces fonds qui sont destinés à être réinvestis dans les secteurs les plus attendus des nations tels que de la santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable .
Les pays africains sont touchés, du fait du détournement des deniers publics de leurs agents. Néanmoins, Il y a des solutions juridiques qui sont proposées sur le plan international mais qui rencontrent des difficultés dans leur mise en œuvre pour le recouvrement de ces avoirs.
Il y a notamment la compétence technique insuffisante des avocats et des magistrats sensés lutter efficacement contre ce phénomène. L’autre difficulté c’est les ressources financières insuffisantes des Etats spoliés, ce qui ne leur permet pas de faire face au problème. Il y a également les paradis fiscaux qui ne sont pas du reste sur la question et plus souvent un manque de volonté politique de la communauté internationale, du G20 et du G8 qui hébergent souvent les fonds de l’Afrique et qui n’aident pas le continent à les recouvrer.
Les présidents de ces pays n’ont pas une part de responsabilité dans le recouvrement de ces fonds ?
Oui ! Mais il faut faire la différence entre l’Etat et les politiciens. Quand vous êtes dans un Etat de droit il faut accorder une confiance aux institutions, la justice doit faire son travail parce qu’il y a certes certaines questions qui nécessitent une volonté politique des dirigeants de mettre en œuvre certaines dispositions ou de lancer le recouvrement des avoirs mais la justice également ne doit pas attendre pour faire des démarches afin de recouvrer les avoirs qui sont spoliés.
Si cela ne se fait pas aujourd’hui, demain avec l’alternance, un autre régime s’installera et s’engagera dans le recouvrement de ces avoirs. Il faut reconnaitre que c’est un phénomène qui prend de l’ampleur et qui a déjà touché des pays comme le Nigéria, le Mali, le Congo et aussi le Sénégal en 2012, où il y a un début de processus pour le recouvrement de ces avoirs. Rien n’est encore fait mais il y a quand même un mécanisme qui s’y atèle déjà.
Vous dites que sous l’ancien président Gnassingbé Eyadèma entre 1000 et 2000 millions de dollars US ont été détournés du Togo…
Des efforts ont été, néanmoins faits, pour disposer de ces fonds mais malgré toutes ces dispositions, il y a des obstacles qui plombent toutes les procédures parce que l’Etat à lui seul ne peut pas disposer de ces fonds. Il faut la coopération internationale, l’assistance technique , disposer de compétences et de ressources humaines. Il y a une lenteur dans le processus. Nous pouvons citer l’exemple du Nigeria qui a passé 10 ans pour disposer d’une partie des fonds dilapidés par l’ancien président Abacha. Le Mali, lui , est resté encore des années sans recouvrer ses fonds. Il y a donc un effort à faire aussi bien de la part des Etats mais aussi de la société civile.
La société civile a-t-elle un rôle pour le recouvrement?
La société civile doit jouer un rôle de veille et d’alerte et s’engager dans le bien être du citoyen ou qu’il se trouve, elle doit qu’en même faire l’évaluation de la politique publique des états.
Je donne l’exemple de la Guinée équatoriale, il y a une ONG française, Transparency International avec des ONG guinéennes qui ont porté plainte devant les institutions judiciaires françaises pour qu’il y ait un recouvrement des biens du fils de l’ancien président du pays.
Je pense qu’aujourd’hui dans la nouvelle dynamique du point de vue internationale, seuls les Etats ont compétences à ester en justice pour le recouvrement des avoirs mais pour la société civile, il y a une justice qui est là, donc il faut que cette société civile se mobilise pour que l’argent qui quitte l’Afrique, qui quitte leurs pays soit rapatrié, faire également un plaidoyer sur le plan international parce qu’il y a qu’en même la communauté internationale qui doit faire des efforts pour aider nos Etats à disposer de ces fonds parce que l’Afrique en n’a besoins .