Les autorités religieuses sortent enfin de leur silence, pour se prononcer sur la situation politique qui devient depuis quelques temps très tendus quant à ce qui concerne la matérialisation des réformes politiques souhaités, non seulement par l’opposition, mais aussi par la Communauté Internationale qui exige, à travers le représentant de l’UE au Togo, ces réformes avant la Présidentielle 2015.
La sortie des autorités religieuses est particulièrement appréciée par la classe politique surtout celle de l’opposition qui pense que leurs pressions morales peuvent inciter les autorités togolaises à accélérer l’exécution de ces réformes prévues dans l’Accord Politique Global, même si M. Gilbert BAWARA a déjà exprimé l’avis des tenants du pouvoir en disant la page des réformes est déjà tournée. En clair, pour eux, pas question de le faire avant la Présidentielle.
Cependant, la réaction des autorités religieuses peuvent-elles influer sur les donnes politiques, si l’on sait que le pouvoir ne tient guère souvent des avis du Clergé qui publie régulièrement des lettres épiscopales.
Certains continuent de penser que cette réaction vient très tard. Ils justifient leur argumentation par le fait que les acteurs politiques semblent accorder leurs violons sur la recomposition de la Cour Constitutionnelle et la CENI, même si certains parmi ces acteurs de l’opposition maugréent en décriant cette forme de réforme qui est en train de se faire à la suite, paraît-il, comme une compromission politique.
Pour d’autres cette réaction a son sens dans ce débat politique, car cette tendance pense que les autorités religieuses sont, avant tout, citoyens du pays. Quand, comme le chantait ZAO dans son album « Ancien Combattant », quand la balle siffle, il n’y a pas d’autorités religieuses. C’est dire que dans les violences postélectorales qu’a connues notre pays, ces religieux et les membres de leurs familles aussi en étaient victimes. «Pourquoi doivent-elles adopter une attitude complaisante à l’égard des acteurs politiques, les principaux instigateurs de ces crises répétées ? », s’interrogent-ils.
Peut-on parler de l’engagement politique pour le disciple de Jésus Christ aujourd’hui ? Si tel est le cas, ne doit-on pas commencer déjà à réfléchir sur quel engagement politique pour le disciple de Jésus Christ aujourd’hui ? L’engagement politique du chrétien, à en croire le philosophe béninois Albert GANDONOU, c’est s’engager au service de l’homme en agissant pour son épanouissement aussi bien dans la joie que dans l’oppression. Le chrétien, pour lui, se définit par son engagement en faveur des pauvres, de la vérité et de la justice. Il ajoute que l’engagement politique du Chrétien doit passer par une révolution bourgeoise qui puisse permettre aux pauvres d’avoir leur salut.
Il n’y a pas de paix sans la justice, car une paix qui entretient la corruption et les inégalités sociales, et repose sur l’impunité, Mgr Helder Camara, mort également il y a dix ans et qui aurait eu cent cinq ans cette année, appelle une telle paix « la paix des marécages » : c’est tout propre à la surface et tout pourri à l’intérieur. Et ces autorités religieuses des églises catholiques, méthodistes et protestantes le savent. C’est la raison pour laquelle, les Togolais doivent plutôt saluer leur courage pour tirer la sonnette d’alarme, afin que les acteurs politiques se ressaisissent. C’est dommage que certaines églises oublient que le chrétien est libre.
Et chaque homme est appelé à choisir librement entre Mammon et Dieu. Servir Mammon, c’est penser à soi jusqu’à la mort des autres si nécessaire. C’est le choix de ces églises qui critiquent la réaction de ces autorités religieuses, arguant que ces dernières font la politique, comme si ces chefs d’églises ne sont pas des citoyens qui ont aussi leur mot à dire sur la gestion de la cité. En somme, ces évêques et pasteurs qui, aujourd’hui veulent remettre la pendule à l’heure pour la préservation de la paix, peuvent-ils réellement servir Dieu, en pensant aux autres Togolais jusqu’au sacrifice de soi si nécessaire?
En définitive, c’est le message d’amour suprême que symbolise la croix pour le chrétien. Or, dans notre pays, que les dirigeants soient pasteurs ou non, la politique jusqu’à présent, c’est essentiellement le service de soi, le service de Mammon.
C’est dire que dans ce domaine le rôle des évêques et pasteurs doit se situer dans une mission prophétique. Nous n’espérons que l’implication morale religieuse et spirituelle de ces hommes d’églises dans la crise togolaise soit permanente et servirait de garde fous pour que les acteurs politiques transigent sur les questions de réformes, afin que la Présidentielle de 2015 ouvre la voie d’une nouvelle ère politique au Togo.
Pour cela, n’urge t-il pas que aux dirigeants africains dont font partie les nôtres s’inspirent du propos du Pape émérite Benoît XVI, lors de son voyage papale au Bénin : « Ne privez pas vos peuples de l’espérance, car la revanche des peuples peut être violente?»