Togo - Les braquages se succèdent et se ressemblent au Togo. S’il est reconnu que la sécurité et la protection des populations civiles relèvent du ministère en charge de ces secteurs, il est tout aussi vrai que « la tête ne peut pas grand-chose si le reste du corps ne s’y met pas ». Aujourd’hui, tout semble indiquer qu’un processus de fragilisation de ce ministère, avec à sa tête Yark Damehame, est enclenché. Et la série de braquages couplée aux dernières nominations ordonnées par le chef de l’Etat semblent acter le début de la fin de l’épisode Yark Damehame. Comme il en a été ainsi pour d’autres dans un passé récent, il en sera de même pour ceux qui, aujourd’hui, se croient « les plus aimés » de Faure Gnassingbé.
Rarement un ministre de la Sécurité et de la Protection Civile a été mis à contribution comme l’est l’actuel, Yark Damehame. 15 septembre 2012 au quartier Adéwui où des miliciens à la solde du régime ont passé à tabac des militants de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) à coups de gourdins cloutés, de cordelettes, de machettes et autres armes blanches. Assassinat d’Etienne Yakanou, d’Anselme Sinandare et de Douti Sinalengue lors des mouvements de protestation des élèves à Dapaong, du Consul du Liban du Bénin à Avépozo ; braquage à la boutique Fontana où 5,5 millions ont été emportés et un vigile abattu, hold-up sur les changeurs de billets à Assahoun avec une dizaine de millions emportés, braquage à l’aéroport international de Lomé pour un bilan de deux morts et près de 3 milliards emportés, suivi d’un autre à Adétikopé dont le butin avoisine les 11 millions, et samedi dernier, encore un braquage à Avéta où des commerçants ont été dépouillés.
Lorsqu’il y a trouble de la paix civile, on situe les responsabilités. Et dans tout ce qui a été listé plus haut, il apparaît que le premier responsable demeure le ministre. Soit. Mais que peut un seul ministre si les agents chargés de collaborer avec lui ont d’autres agendas cachés ? Car une chose est de donner des instructions, mais une autre est de les voir appliquées. En outre, lorsque des collaborateurs, au lieu de travailler en symbiose avec leur responsable, s’efforcent plutôt à surveiller celui-ci, à épier ses faits et gestes et à rendre comptes à quelqu’un haut placé, il ressort que le ministre « aura des problèmes ».
Suite à l’attaque des miliciens à Adéwui, on a entendu Yark Damehame dire que le rapport a été bouclé. Il nous revient que ce rapport a été remis à qui de droit, tout comme celui de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) qui l’avait été au chef de l’Etat. On apprendra plus tard que ce rapport avait été charcuté. Sur ordre de qui ? Suite aux incendies criminels des marchés, deux experts français avaient aussi investigué et produit leur rapport qui avait été remis au chef de l’Etat. Qu’est-ce que Faure Gnassingbé a aussi fait de ce rapport dont les citoyens ne connaissent pas à ce jour la teneur ?
Aujourd’hui le climat social du Togo rime avec des braquages. Comme si des esprits retors étaient tapis dans l’ombre et tiennent à instaurer un climat de terreur au sein de la population, peu importe la présence du ministre de la Sécurité et de la Protection Civile. Et pour qui connaît bien l’environnement politico-militaro-policier du Togo, à ce jeu, Yark Damehame sera perdant. Parce qu’en face, ce sont des « jusqu’au-boutistes » pour qui la valeur humaine a peu d’importance.
Au journal Liberté, ces scénarii étaient connus à l’avance, mais de peur d’être traités d’oiseaux de mauvais augure, nous avions tenu à attendre et à observer. Les faits ne nous ont pas démentis, du moins jusqu’à ce jour. Nous avions appris depuis quelque temps que l’actuel ministre verra sa gestion troublée et qu’il était surveillé depuis un moment. Des éléments de son entourage seraient chargés d’épier ses moindres faits et gestes pour les rapporter à qui de droit. Il aurait été même demandé de recenser tous les biens dont il dispose. A quelles fins ? Nous ne sommes pas dans les secrets des dieux pour le savoir, mais pour qui s’est suffisamment frotté à l’actualité politique togolaise, un regard dans le passé permet de deviner la suite qui sera donnée à ces séries de braquages et les dernières nominations le prouvent à suffisance. Hier, c’étaient Béréna, Titikpina puis Bodjona. Aujourd’hui, Faure Gnassingbé et son entourage cherchent à se débarrasser de Yark Daméhame. Et demain, à qui le tour ? Parce qu’il y aura un prochain sur la longue liste du Fils du père. Il appâte, presse, essore puis jette. Tous ces galonnés qui, aujourd’hui, se croient dans les bonnes grâces du « Prince », doivent prendre le temps de revisiter le passé du Togo sous celui-ci et modérer leurs ardeurs.
Les élections sont un processus dans la vie de toute nation qui aspire à la démocratie, et au Togo, c’est le ministère chargé de la Sécurité et de la Protection Civile qui a la charge de la sécurisation du processus. Mais en fin de semaine dernière, cette mission a été dévolue au ministère de la Défense. Or, c’est Faure qui est en même temps le ministre de la Défense. Conclusion, la police nationale avec à sa tête son ministre de tutelle n’aura plus droit de regard sur les élections et pourra aller compter les chrysanthèmes. Les élections futures seront « militarisées » à souhait.
En plus, il nous revient que la Gendarmerie est dorénavant placée sous la coupole du ministère de la Défense et des Anciens Combattants. Et en décidant de nommer le Lieutenant-Colonel à la tête de la Gendarmerie, le chef de l’Etat voudrait en finir avec l’influence de cet officier du Tône sur ce corps. Aujourd’hui, il n’y a que la Police qui semble sous la tutelle du ministre de la Sécurité. Mais là, rien n’est encore gagné. Le Colonel Yark est donc dépouillé de ses prérogatives.
Mais la question pour un champion est de savoir comment le chef de l’Etat s’y prendra pour aussi créer des problèmes à Yark Daméhame et surtout ce qui lui sera reproché. Malheureusement, il apparaît de plus en plus que pour qui connaît l’homme, « impossible n’est pas Faure Gnassingbé ».