De 62400 bénéficiaires en 1995, les institutions de micro-finance (IMF), évoluant au Togo sous la forme mutualiste d’épargne et de crédit et sous la forme associative, ont compté près de 1,5 million de membres au 30 mars 2014. Elles veulent, à présent, être plus performantes: toucher le plus grand nombre possible des exclus du système classique de la finance.
C’est par le Fond national de la finance inclusive (FNFI), un instrument financier étatique lancé en janvier 2014, qui a mis en œuvre depuis avril dernier le produit « Accès des pauvres aux services financiers-APSEF », que les IMF comptent relever ce défi de la finance inclusive. APSEF devra, avant fin 2014, toucher 300 000 personnes des couches vulnérables et atteindre un objectif d’au moins 2 millions de bénéficiaires parmi les populations vulnérables à l’horizon 2018, via des micro-crédits de 30 000 francs Cfa au taux d’intérêt de 5%. Un produit bienvenu pour la gent féminine, la plus éprouvée par la pauvreté, selon Ahoéfa Ekoué (photo), ministre de l'Action sociale, de la Promotion de la femme et de l'Alphabétisation, qui estime que la « pauvreté a souvent un visage féminin ». Le FNFI est, croit-elle, une « bénédiction » pour les femmes, en raison de la forte prévalence de la pauvreté dans les milieux ruraux mais aussi un « mécanisme gagnant-gagnant » pour les IMF et les populations pauvres.
Six mois après son lancement, le FNFI, placé sous tutelle du ministre du Développement à la Base, de l’Artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi des Jeunes, a touché, au 15 octobre dernier, 211 846 bénéficiaires avec le produit APSEF et devra s’ouvrir très prochainement, entre fin 2014 et au plus tard début 2015, par un produit spécifique au secteur agricole qui occupe près de 70% de la population active et contribue à près de 40% au PIB. Ce produit va accroître la consommation de la population et fait du FNFI un « levier du développement du Togo », à un moment où les autorités togolaises décident de doter le pays d’un « outil stratégique de pilotage de la transformation », a expliqué Kako Nubukpo, économiste et ministre de la Prospective et de l’évaluation des politiques publiques.
Ainsi, pour accompagner adéquatement cette dynamique, l’édition 2014 de la « Semaine nationale de la micro-finance » , la quatrième, s’est tenue du 13 au 18 octobre à Lomé sous le thème « Cap sur l’inclusion financière au Togo ». Il s’est agit de cinq jours de débat sur les nouveaux défis pour la mobilisation des ressources, la transparence et l’inclusion financière, la qualité des portefeuilles, l’assainissement du secteur et le développement de nouveaux produits en faveur des populations défavorisées et surtout des milieux reculés.
Ce rendez-vous des IMF a réservé une place de choix au processus Making Access Possible (MAP) qui permettra au Togo de faire le diagnostic complet de l’état de la finance inclusive du pays, dans la perspective d’une nouvelle stratégie nationale de développement de la finance Inclusive. A cette fin, les échanges ont abordé, entre autres, la question de la contribution des IMF à la promotion d’une finance accessible à tous, des stratégies nationales de micro-finance classique à l’approche MAP et le plaidoyer pour la mise en œuvre d’une feuille-de-route du MAP au Togo et de la finance inclusive dans la stratégie de développement du secteur financier.
Cette messe de mise en lumière des activités et de la performance des institutions de micro-finance du Togo s’est achevée, essentiellement, sur la nécessité de la pleine intégration des institutions de micro-finance dans le processus d’inclusion financière que Ange Ketor, président de l’Association professionnelle des institutions de micro-finance (APIM-Togo), qualifie de «micro-finance affinée».
A son analyse, la finance inclusive permettra aux IMF d’atteindre dorénavant les zones rurales et milieux réputés non bancables, au travers les nouvelles technologies et des alliances stratégiques avec les banques, la poste, les supermarchés et les réseaux de téléphonie mobile. Ce qui relancera la performance des 204 IMF opérant au Togo et qui, à fin mars 2014, comptaient 1,449 million de membres avec un encours de crédit de plus de 128 milliards Cfa et un encours d’épargne de plus de 140 milliards Cfa. Sur ce potentiel d’institutions de micro-finance, seulement 18 sont partenaires de l’APSEF qui est soutenue par les partenaires multilatéraux dont la Banque mondiale, la BCEAO, le PNUD, la BOAD, la BAD, APIM-Togo à côté de l’Etat togolais. Mais Victoire Sidémého Tomegah-Dogbé, ministre du Développement à la Base, reconnaît que la micro-finance a pu assurer des services d’épargne, de crédit, de micro-assurance et de transfert aux couches défavorisées du territoire même dans des milieux assez vulnérables.
Ceci, dans un contexte de mobilisation des populations à la base, pendant que le Togo s’est engagé dans les voies de la construction d’un vaste secteur financier inclusif accessible à tous et fonctionnant suivant les règles de bonnes pratiques, et surtout dédié aux plus pauvres. « Il a fallu une réforme institutionnelle pour répondre à une question fondamentale et des besoins réels de la population », a relevé Mme Sidémého Tomegah-Dogbé qui s’est, avec le gouvernement togolais, inspiré de l’expérience du Bénin où la mise en œuvre de cet instrument de l’inclusion financière s’est traduite en 2012 par un taux de pauvreté de 35,2%, contre une moyenne de 49,4% au sein de l’espace de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).
Le Togo, où la prévalence de la pauvreté est passée de 61,7% à 57,1% ces dernières années, serait très engagé à dupliquer cette réussite du Bénin. Il est, parmi les autres pays copiant sur le modèle béninois, celui qui a « le plus rapidement mis en œuvre certains instruments de la finance inclusive », d’après Reckya Madougou, ancienne ministre de la micro-finance du Bénin.
Déjà on s’accorde à reconnaître que des articulations fortes se font au sein du secteur financier togolais et redonnent un nouveau dynamisme à la micro-finance pour l’avènement d’une finance qui n’exclurait personne au Togo.