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Togo : Nord-Sud, Est-Ouest “ Arguments” de campagne ?
Publié le mercredi 22 octobre 2014  |  letogolais


© aLome.com par Parfait
Le principal parti de l’Opposition togolaise, ANC, en congrès ordinaire à Lomé ce 10 octobre 2014, devant un parterre d`amis et d`invités de premier plan.


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Par Sénouvo Agbota ZINSOU

Je voyais en Kofi Yamgnane une dimension nationale et même africaine que je ne lui retrouve plus dans l’interview qu’il a accordée sur Togovision, le 18 octobre dernier, notamment lorsqu’il déclare être capable de prendre à Gnassingbé “ toutes les voix du Nord”. Non pas qu’il y ait quoi que ce soit à reprocher à Kofi Yamgnane lui-même pour ces propos, révélateurs d’un état d’esprit, qui ont dû lui échapper, sans un contrôle rationnel, mais parce qu’ils nous replongent dans une pensée commune qui nous colle au front ou à la tempe, si vous voulez.


Si Kofi Yamgnane est capable de rafler à Gnassingbé toutes les voix du Nord, il faudra trouver en plus de lui, le candidat á la présidentielle qui lui ravirait les voix du Sud, plus celui qui le battrait à l’Est et enfin celui qui le coincerait et ne lui laisserait aucune chance à l’Ouest. À cette allure-là, sans donner dans la caricature, il faudra même envisager un candidat de l’opposition par ville, village, ethnie, clan… pour battre Gnassingbé. Quelqu’un exigerait aussi du candidat de l’opposition de fournir la liste des officiers, sous-officiers et même, hommes de troupe de l’armée et de la gendarmerie, cousins, oncles, neveux sur lesquels il compte pour s’imposer en tant que président de la République.


Et même plus : quelles puissances étrangères, quels chefs d’État africains le soutiennent ? J’ai suivi, avant la déclaration de Kofi Yamgnane, celle d’Aimé Gogué sur les critères exigés de l’éventuel candidat unique de l’opposition. J’avoue que cette déclaration ne m’a pas plus enthousiasmé, venant d’un intellectuel que je respecte et de qui j’attendais une réflexion plus profonde.


On nous dirait que ce sont des réalités incontournables, mais des réalités fondées sur quelles raisons ? Essentiellement la pensée commune dans laquelle nous nous engluons de jour en jour, au lieu de tenter de nous en sortir.


Est-ce là notre logique ? Est-ce faute d’avoir trouvé ce candidat unique idéal que le prétendu conclave n’a abouti à aucun résultat concret ? Ce n’est pas, en ce qui me concerne, des déclarations de Gogué et de Yamgnane que les Togolais doivent être déçus, mais des résultats de toutes les actions conduites par les leaders de l‘opposition ces derniers temps : réformes, renvoyées aux calendes grecques ?candidat unique introuvable ?unité des actions irréalisable? Si la pensée commune n’est pas notre seul problème, elle occupe une place importante dans nos comportements collectifs. Or, à y regarder de près, nous ne sommes pas nous-mêmes, totalement maîtres de cette pensée commune.



Au lendemain de la mort d’Eyadema, j’ai suivi une émission sur la télévision française, kiosque, consacrée aux problèmes que poserait la succession.


Certains journalistes présents n’hésitaient pas à affirmer, de manière péremptoire, que le choix porté sur le fils du dictateur était le plus judicieux, parce qu’il représentait une chance de réconciliation du Nord avec le Sud, pour la raison que ses parents appartiennent l’un à la première et l’autre à la seconde région du pays. S’il y a une vérité certaine dans cette pensée commune ( car les pensées communes en ont toutes une, je ne le nie pas), c’est que le pouvoir précédent n’avait pas réalisé la réconciliation entre le Nord et le Sud, mais au contraire a joué sur les antagonismes régionaux et tribaux et que, par conséquent, le pays risquait d’imploser après la disparition de celui qui le menait d’une main de fer et imposait une paix et une stabilité de façade à des populations manipulées pour être hostiles les unes aux autres.

Peu de temps après l’accession au pouvoir de Faure Gnassingbé, un autre fils d’Eyadema jusque-là son allié et bras armé parmi d’autres, notamment dans le massacre des populations, et ensuite son ministre de la défense, qui, lui-même se présente comme étant « le fils 100% » livre bataille au « 50% » pour prendre sa place.


Combien y a-t-il eu de victimes dans cette bataille du « fils 100% » contre le « 50% », dans cette bataille basée sur la pensée commune, l’irrationnel, l’anti-démocratique ? Et si c’étaient les années de la colonisation, puis celles de la dictature, c’est-à-dire de régimes non démocratiques, qui avaient besoin d’user du principe de diviser pour régner, qui nous avaient appris à discriminer Nord et Sud etc. ? Je ne l’ai pas affirmé. Je risquerais de parler sans nuance. Mais je voudrais que nous y réfléchissions, pour tenter de nous sortir de la pensée commune.

Et, avant, et après cette bataille d’un irrationnel contre un autre irrationnel, combien de crimes, de bêtises…ont été commis au nom du Nord, du Sud, de l’Est, de l’Ouest…du hameau, du fleuve, du quartier ? Je suis vraiment navré que ce soit Kofi Yamgnane qui, peut-être sans le faire exprès, nous replonge dans cette pensée commune nuisible à la notion même de nation, car j’ai eu l’occasion d’assister à Paris, au Conservatoire des Arts et Métiers, en présence de Yamgnane, à une réunion panafricaine où beaucoup d’Africains qui ne sont, ni de Bendjéli, ni du Nord du Togo, qui ne sont même pas simplement citoyens togolais, parlaient de lui, non sans fierté, en tant qu’ancien ministre français.


Ce n’était, bien sûr pas la preuve parfaite d’une ouverture de l’esprit de l’intéressé lui-même. Mais Kofi Yamgnane n’a-t-il pas lui-même, au moins une fois, déclaré qu’il voudrait consacrer la deuxième partie de sa vie à l’Afrique, après avoir, dans la première partie, servi la France? Lorsqu’on aspire à un rôle de cette dimension-là, je suppose que ce n’est pas sur la conquête des voix du Nord du Togo qu’il faille baser son discours de campagne. Les voix n’ont pas une couleur différente selon la région, l’ethnie, la ville. Celui qui part à leur conquête doit les considérer comme pareilles et les vouloir toutes. Kofi Yamgnane n’a pas été élu maire et nommé ministre en France sur la base de ses origines au Nord du Togo ni même, de ses origines africaines. Il nous dit qu’il a un programme de gouvernement et un projet de société pour le Togo. C’est bien. Qu’il nous les expose, comme il les aurait exposés à ses électeurs français s’il s’agissait de ces derniers, qui ne sont, par principe, ni plus bêtes, ni plus intelligents que nous, Togolais.


C'est pour le contenu de ce programme que l’on voterait pour Kofi Yamgnane, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest. Kofi Yamgnane est un grand homme politique qui connaît la valeur et la portée des arguments de campagne qu’il utilise. Il les connaît trop bien à mon avis, pour savoir que, même si ces arguments lui permettent d’être demain élu président de la République togolaise (nous sommes encore très loin d’une telle éventualité), ils ne contribuent pas à élever le niveau de culture politique de nos populations. Que l’on cesse de nous infantiliser comme le faisait Eyadema. Moi je rêve d’hommes politiques qui nous parlent de citoyens à citoyens et non en ressortissants du Nord, du Sud, de l'Est, de l'Ouest..., de politiciens qui soient en même temps de bons pédagogues pour nous exposer leurs idées et nous convaincre. Ce n'est pas l’élection à gagner qu'il faut viser à tout prix et par tous les moyens.

Un homme a inventé un système politique basé sur l'irrationnel que constituent coups d'État, coups de force, violence, violation de la Constitution et régionalisme au Togo. Ces choses-là sont indéniablement liées. Nous peinons à en trouver un qui invente un système nouveau basé sur l'adhésion libre, lucide et réfléchie des citoyens. Nous comptions sur l'élite pour nous trouver ce système nouveau. Voilà notre problème.


A propos de Sénouvo Agbota ZINSOU

Sénouvo Agbota Zinsou est né à Lomé en 1946 est un écrivain et metteur en scène togolais. Zinsou a étudié en France le théâtre et la communication. En 1968, à la suite de son travail avec plusieurs groupes d'étudiants, il cofonde une troupe de théâtre universitaire. En 1972, au Grand Prix du Concours Théâtral Interafricain de Lagos, il reçoit le premier prix pour sa pièce On joue la comédie2 ; pièce pour laquelle il effectuera une tournée en France. De 1978 à 1990, Zinsou est directeur de la Troupe Nationale Togolaise, où il met en scène ses propres textes, comme L'Arc en Ciel et Le Club. La première de La Tortue qui Chante a lieu en 1966 lors du Sommet de la Francophonie à Lomé, et fut plus tard joué en France au Festival de Limoges de 1987. Zinsou est également l'auteur de nouvelles et de pièces courtes, publiées en France par Hatier. Parmi ses œuvres on peut citer Yévi et l'Éléphant Chanteur ou encore Le Médicament, des contes satiriques moquant les travers de la société togolaise.


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