L’Opposition togolaise s’active pour la présidentielle de 2015 dont la date précise n’est pas encore connue. Ainsi, après l’homme d’affaires Alberto Olympio, neveu de l’ex-opposant farouche Gilchrist Olympio, qui a été investi début août par son parti, le Parti des Togolais, c’était au tour de Jean Pierre Fabre d’être désigné par les militants de son parti, l’Alliance nationale pour le changement (ANC), samedi dernier, à l’issue d’un congrès, pour se lancer dans la course à la présidentielle de 2015.
Mais la véritable question que l’on se pose est de savoir si l’opposition togolaise saura tirer leçon du passé pour présenter une candidature unique à cette élection, d’autant plus qu’il semble de plus en plus certain que cette présidentielle ne se disputera pas seulement entre opposants. En effet, tout semble indiquer qu’après deux mandats successifs, en 2005 et en 2010, le président sortant se donnera les moyens d’être à nouveau sur la ligne de départ en 2015. En témoigne le rejet par la majorité parlementaire, du projet de loi prévoyant des réformes constitutionnelles pour limiter le nombre de mandats présidentiels. Aussi si l’opposition veut se donner des chances de l’emporter, elle n’a pas d’autre choix que d’aller à une union pour faire front. Autrement, ce serait la chronique d’une défaite annoncée pour elle, au regard de certains faits.
D’abord, en échouant à obtenir la limitation des mandats présidentiels d’une part, et le suffrage universel à deux tours d’autre part, elle se met dans une posture difficile, face à une candidature quasi certaine du président sortant. Même en cas d’union, la victoire ne serait pas assurée d’avance dans un scrutin à un tour. Mais cela aurait au moins eu l’avantage d’équilibrer le rapport de forces sur le terrain. Mais en allant en rangs dispersés, l’opposition togolaise creuse sa propre tombe pour un énième échec. Dans ces conditions, c’est Faure Gnassingbé qui s’en frotterait les mains.
Ensuite, tout semble indiquer que l’on est loin d’espérer le scénario de la candidature unique au sein de l’opposition, au regard des ambitions multiples. Pourtant, tout le monde est conscient de la nécessité d’une telle union. Malgré tout, les voies et moyens pour y parvenir semblent encore parsemés de beaucoup d’embûches.
Ce n’est pas demain la veille que l’opposition togolaise occupera le Palais de Lomé II
En effet, à écouter le candidat malheureux à la présidentielle de 2010, Jean Pierre Fabre, lui seul semble avoir le profil idéal pour être le candidat unique « naturel » de l’opposition, au regard, avance-t-il, de la qualité de l’implantation de son parti sur toute l’étendue du territoire et du nombre de députés dont il dispose à l’Assemblée nationale. C’est à se demander s’il ne se croit pas un destin messianique. Sans dénier à Jean Pierre Fabre la légitimité de ses ambitions, il faut reconnaître que dans la méthodologie, il a quelque peu manqué de finesse. La logique aurait voulu qu’avec ses pairs, au sein de l’opposition, ils s’accordassent d’abord sur les modalités de désignation du candidat unique, qui pourrait être une personnalité de consensus, avant de se lancer dans de telles déclarations. En manquant de le faire, Jean Pierre Fabre s’engage dans une approche bonapartiste qui peut s’avérer très dangereuse par la suite. En effet, cette façon insidieuse et inélégante de s’imposer aux autres pourrait être source de frustrations et de divisions au sein de l’opposition togolaise. Car, non seulement l’on a le sentiment qu’il s’autoproclame candidat unique de l’opposition, mais aussi que, de façon sibylline, il ne laisse d’autre alternative à ses camarades de l’opposition que de porter leur choix sur sa propre personne, toute chose qui indique que s’il n’est pas désigné, il fera cavalier seul dans cette aventure. Dans ces conditions, ce serait la division assurée, ce qui serait du pain bénit pour le président Faure.
Face à ses échecs répétés, l’on pourrait se demander si l’opposition togolaise ne se complaît pas dans son rôle de faire-valoir sur l’échiquier politique togolais. Bien que les voies et moyens démocratiques pour accéder à la magistrature suprême soient connus, au fil des ans, elle se montre toujours incapable de parler d’une même voix, de fédérer les énergies pour renverser la partie à son avantage. Elle s’engage ainsi dans une guerre d’ego, où les intérêts individuels semblent primer sur l’intérêt général, et où chacun, finalement, semble se satisfaire d’être plutôt tête de rat que queue de lion. Pourtant, sans cette nécessaire union, l’on ne voit pas comment, individuellement, chacun de ces opposants pourra faire le poids devant Faure Gnassingbé.
Par conséquent, ce n’est pas demain la veille que l’opposition togolaise occupera le Palais de Lomé II, après avoir maintes fois dénoncé le bafouement de la démocratie dans son pays. Ainsi, après les trente-huit ans de règne de Eyadema père, et déjà au moins dix ans du fils Faure, les habitants de ce petit pays de l’ouest africain jadis appelé la Suisse de l’Afrique, ne sont pas prêts de voir la fin du règne de la famille Gnassingbé. Dans tous les cas, l’héritier de l’émérite lutteur de Pya ne se privera pas de mettre en œuvre tous les moyens en sa possession pour réduire les ambitions de ses adversaires les plus farouches, à leur plus simple expression.
A ce moment, les opposants togolais n’auront plus que leurs yeux pour pleurer. Alors, leurs cris d’orfraie, s’ils ne se perdent pas dans l’océan atlantique, auront du mal à franchir la montagne d’Alejo.