« L’imposture est le masque de la vérité; la fausseté, une imposture naturelle; la dissimulation, une imposture réfléchie; la fourberie, une imposture qui veut nuire; la duplicité, une imposture à deux fins » ( Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues, Introduction à la connaissance de l’Esprit humain )
En mars 1992, Me Apollinaire Yawovi Agboyibo débarque dans la ville de Bassar pour rencontrer les militants du Comité d’action pour le renouveau ( CAR ) et animer un meeting d’information. Ce jour-là, le stade était archicomble en dépit des tentatives de sabotage orchestrées par les barons du RPT et les potentats locaux. Beaucoup de personnes ont pris d’assaut le terrain pour écouter le message de ce leader qui a eu le courage de défier le Général Gnassingbé Eyadema qu’il avait servi pendant plusieurs années. A l’époque, ce combattant pour la démocratie et défenseur des libertés publiques avait le vent en poupe.
Mais 22 ans après, l’avocat ne peut même pas réunir 10 moutons sur le même stade. Le parti qui s’était implanté sur toute l’étendue du territoire, s’est vidé au fil des années. Aujourd’hui, il se résume à la seule préfecture de Yoto d’où est originaire le « Bélier noir ». En plus, beaucoup de cadres du parti ont dû prendre le large. Ceux qui ont voulu vivre bien à l’image du président fondateur ont fini par joindre le parti présidentiel. Le CAR est devenu le pourvoyeur par excellence de militants à l’Union pour la République ( UNIR ) de Faure Gnassingbé. L’exemple de George Aïdam, ancien directeur de cabinet du Premier ministre Agboyibo, devenu 1er vice-président d’Unir, est là.
Deux raisons principales expliquent ces situations :
la «ouatchisation» à outrance du parti et la fourberie légendaire de son président national. Bien qu’ayant inspiré quelques organisations de lutte contre le tribalisme, Me Yawovi Agboyibo n’a pas pu se démarquer de ce phénomène dévastateur. Conséquence, il a fini par créer un parti dans le parti, c’est-à-dire qu’il existe la structure officielle qui répond à la Charte du parti politique et le shadow cabinet où le gourou se retrouve souvent avec ses frères ouatchi pour prendre les grandes décisions et sceller toutes les combines politiques.
Mais dans ce cabinet de l’ombre, il y a encore un petit groupe composé uniquement des Ouatchi de Yoto, les « vrais frères » de l’avocat quoi ! C’est le cercle par excellence des coups bas, de la délation et des commérages. Ce sont eux qui épient les faits et gestes des autres et les rapportent à qui de droit lors de leurs petits conciliabules. C’est à l’une de ces réunions secrètes tenues récemment que les « vrais frères » ont sévèrement critiqué la gestion que fait Me Dodji Apévon du parti, se sont royalement moqués de son manque de charisme et ont suggéré la candidature de « Maître » à la prochaine présidentielle.
En outre, le manque de sincérité et les mauvais calculs du premier président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) ont eu raison du parti qui n’est que l’ombre de lui-même.
Inutile de ressasser ici les basses manœuvres de l’homme depuis le début du processus démocratique au Togo. Retenons qu’en voulant être plus intelligent que les autres, on finit par se faire prendre à son propre piège et tout perdre. Avant l’ouverture du conclave du CST et de la Coalition Arc-en-ciel, c’est le président du CAR Me Dodji Apévon qui a été désigné candidat de la Coalition à la candidature unique de l’opposition même si ce choix a été entre-temps contesté par ses pairs.
Mais dès que ce parti a compris qu’il n’aurait aucune chance de voir passer son président, il commence à crier sur tous les toits qu’il faudra arracher les réformes avant de penser à la candidature unique de l’opposition. Quelle fausseté ! Quelle inconséquence !
Le CAR a toujours fait le jeu du pouvoir et les agitations actuelles ne répondent qu’au vœu que son président d’honneur a fait au clan Gnassingbé. Que les Togolais prennent cette fois-ci leur responsabilité !