Togo - La célérité dans le vote de la loi des finances 2014 avait fait craindre des inexactitudes dans son étude. Aujourd’hui, les faits donnent raison aux septiques. Le gouvernement a fait le constat jeudi dernier que « les recettes douanières ne seront pas réalisées à la hauteur des prévisions contenues dans la loi de finances du 8 janvier 2014 » parce que « ces recettes ont connu une réduction de 104,5 milliards de FCFA, ce qui équivaut à 31,6% de la prévision initiale ». Et l’Etat se préparerait à introduire une loi de finance rectificative à l’Assemblée nationale. De quoi donner du grain à moudre à ceux qui avaient émis des réserves lors du vote le 30 décembre 2013 et dont les autorités n’avaient pas tenu compte.
Pour compenser le manque de vision dont les députés du parti au pouvoir ont fait preuve le 30 décembre 2013 lors du vote de la loi des finances, le conseil des ministres du jeudi 16 octobre dernier s’est rattrapé en estimant que les recettes fiscales ont enregistré une légère hausse de 7,1 milliards de FCFA par rapport à la prévision initiale. Mais cette annonce est un épiphénomène à côté de l’information phare selon laquelle les recettes douanières ont été surévaluées. Selon le communiqué, ces recettes seront réduites de 31,6%, soit plus du tiers par rapport à ce qui avait été annoncé lors du vote de la loi le 30 décembre 2013. Les effets de cette réduction vont au-delà du simple communiqué qui a sanctionné le conseil des ministres.
Pour ceux qui ne disposent pas des budgets pour mieux apprécier l’ampleur de l’annonce, les analyses suivantes pourront leur être utiles. Au 31 décembre 2013, les recettes de la Douane avaient atteint 209,418 milliards de FCFA et les prévisions de 2014 qui tablaient sur 328,475 milliards de FCFA de recettes douanières selon les chiffres du budget –soit une augmentation de 56,85%-, donnaient aux autorités l’impression d’avoir réalisé des prouesses, surtout avec la mise en marche de l’Office togolais des recettes (OTR) qui, au vu des émoluments des uns et les avantages des autres, se trouve être un office « budgétivore ». Avec un « manque à gagner » de 104,5 milliards de FCFA, les nouvelles prévisions des Douanes en 2014 se chiffrent difficilement à 223,975 milliards. Et par rapport aux chiffres de 2013, ce montant ne représente que 6,95% d’augmentation. Une hausse à des années-lumière des 56,85% rêvés. Conséquence immédiate : le budget du Togo, exercice 2014 « dégringole » pour ne se situer qu’à 720,9 milliards de FCFA, loin des 830,4 milliards. Plus de 13% de baisse par rapport aux prévisions du ministre Adji Otèth Ayassor & Co.
Lorsqu’on se réfère à la loi des finances 2014, une comparaison avec l’exercice précédent a fait ressortir que l’augmentation dépassait les 19%. Mais face aux dures réalités de la mise en marche de l’OTR, on est obligé de constater qu’entre 694,02 milliards (budget 2013) et 720,9 milliards, le budget n’aura augmenté que de 26,88 milliards de FCFA. Soit moins de 4% de hausse pour un pays qui crie à l’émergence, aux excédents alimentaires, au port en eau profonde, à l’organisation d’élections sur fonds propres, etc. Le conseil des ministres a omis de dire les autres sources de recettes qui feront défaut puisque la différence entre le budget initial et celui qui sera introduit à l’Assemblée prochainement n’est pas la seule résultante du manque à gagner à la Douane. Mais si et seulement si, les autorités pourront équilibrer ce trou financier. Ce qui n’est pas le cas apparemment.
109,5 milliards, c’est la différence négative. Et pourtant, les actes des autorités n’indiquent pas qu’elles prennent la mesure du problème. Il suffit pour s’en convaincre de revisiter les émoluments octroyés aux agents de l’OTR, à commencer par le Commissaire général qui côtoie les 25 millions de FCFA mensuel et loge dans un hôtel dont la nuitée est de 200.000 FCFA. Ou de demander à comprendre les contours de la rénovation de l’aéroport international de Lomé dont le ministre des Travaux Publics et des Transports, Ninsao Gnofam avait dit que les travaux coûteraient 75 milliards, mais qui se retrouvent à 98 milliards et pourraient atteindre les 212 milliards, selon certaines sources. Comment en est-on arrivé à ces extrémités sans que les contribuables ou leurs représentants ne soient informés ? Et pourtant, le ministre de l’Economie et des Finances, lorsqu’il soutenait ce budget en décembre 2013, avait laissé entendre que « le gouvernement utilisera rationnellement les moyens que l’Assemblée nationale vient de mettre à sa disposition pour une observation encore plus rigoureuse des procédures budgétaires en matière d’exécution des dépenses publiques ». Nous y voilà, et Adji Otèth Ayassor gagnerait à se mettre à la disposition des élus du peuple pour un débat sans complaisance. Mais connaissant les pratiques moyenâgeuses des élus du parti Unir, ce ne sera pas demain la veille.
La présidente du groupe parlementaire Anc-Addi, Me Isabelle Ameganvi avait déploré avant le vote ce budget qui consacrait 23,3% des ressources à l’axe 2 de la Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi (SCAPE) relative au renforcement des infrastructures économiques, contre 10,2% comme le prévoit l’initiative, et ceci, aux dépens de la prise en compte des revendications sociales dont la satisfaction pourrait donner un coup de pouce à la croissance. Mais qui d’entre les élus d’Unir/Ufc l’avait écoutée ? Aussi longtemps que certains Togolais ne chercheront pas à voir au-delà du bout de leur nez, leur amateurisme et leur incurie seront étalés au grand jour par dame nature. Selon les chiffres du budget 2014, les recettes douanières en 2013 étaient de 209,418 milliards de FCFA. Mais d’autres sources croient savoir que ce chiffre serait falsifié, un dossier sur lequel nous reviendrons très prochainement pour démontrer si oui ou non, les ressources du pays sont siphonnées.