La République, une Femme éternelle, qui a traversé les âges dans les rêves, dans les combats d’idées, dans les efforts des hommes et des nations pour créer un ordre répondant à leurs aspirations de justice, de paix, d’équité.
La République, une Femme aujourd’hui universellement reconnue comme l’une des meilleures formes d’organisation de la société. Une femme éternelle, qui élève pour un temps des prétendants humains éphémères, qu’elle est obligée d’éduquer à l’humilité pour qu’ils ne se considèrent pas éternelle comme elle .
Ainsi, quand on pense à un Président de la République, en fait on pense à un mari de la République, forcé d’être humble parce que non éternel sur la terre.
La mort physique ou l’’alternance sont les deux leviers qui permettent à la République de contraindre ses prétendants à l’humilité. Après avoir vécu le drame de la mort d’un de ses Présidents, qui a fait 38 ans au pouvoir, sans en tirer les leçons, les Togolais aujourd’hui s’efforcent de faire jouer le mécanisme de l’alternance. Mais ceux qui ont intérêt à voir l’alternance s’installer s’y prennent avec maladresse.
La République en tant que Femme représentée par le Peuple ne se laisse séduire que par les prétendants qui la rassurent, qui surmontent les épreuves à eux imposée par l’histoire.
Difficile et génial
L’une des épreuves pour l’opposition togolaise est la constitution d’un bloc unique, avec un programme commun de gouvernement incarné par un candidat unique, qui fait contrepoids à la machine de l’Union pour la République.
Saluons au passage ce trait de génie de la majorité présidentielle, qui a su séduire la Femme éternelle, en choisissant d’unir les Togolais pour elle. Reconnaître le mérite de l'autre invite à faire mieux que lui.
Face à ce génie gémit une opposition incapable de s’unir pour l’alternance, incapable de séduire la Femme éternelle. Il faut espérer que l’opposition ne cèdera plus aux sirènes des réformes avant le scrutin présidentiel. Car c’était déjà une aberration en mai. Cela le sera davantage aujourd’hui à quelques semaines de la compétition électorale.
Depuis quand a-t-on vu un homme qui veut séduire une Femme ayant déjà un mari, demander à ce dernier des facilités, son accord pour le faire ? Les négociations avec la majorité présidentielle pour créer les conditions facilitant la victoire de l’opposition relèvent de cette posture ridicule. L’opposition togolaise doit comprendre qu’il lui appartient d’imaginer les difficiles voies de l’accès à l’alternance en mettant entre parenthèses l’Union pour la République. L’entreprise est difficile mais pas impossible.
Il suffira que la lucidité des responsables de l’opposition les amène à créer un seul parti pour faire face à l’UNIR. Un seul ! C’est l’épreuve que l’histoire du Togo impose à l’opposition pour réussir comme les Américains, comme les Britanniques à forger un système politique stable dans l’alternance.
Vivre un rêve sans constitution
En 1968, un comité constitutionnel mis en place par le Président Eyadèma avait déjà souligné que le trop grand nombre de partis politiques au Togo dans les années 50 et 60 avait été un des facteurs des deux coups d’état de 1963 et 1967. Deux propositions furent faites au Président Eyadèma : soit une constitution qui consacre un parti unique, soit une constitution qui consacre deux partis comme aux Etats Unis. L’air du temps, un peu aussi ses préférences en bon militaire obsédé par la discipline, conduisit le Président Eyadèma à préférer le parti unique.
Quand en 1990, commencèrent les turbulences du passage au multipartisme, personne ne pensa à la sagesse des constituants de 1968. On ne pensa pas à inscrire dans la constitution la limitation du nombre de partis comme la limitation des mandats. Et pourtant la menace d’un parti unique, le Rassemblement du Peuple Togolais, riche, puissant, fort d’une expérience politique incontestable, qui se transformerait en parti dominant pour toujours était bien réelle. L’opposition aurait du penser à une telle formule pour recruter tous les aigris du parti unique et inaugurer une nouvelle ère pour le Togo.
Elle préféra laisser libre cours à ses ambitions et tenter le coup de force de la dissolution du RPT, s’avançant sur le terrain de la force, qui est le terrain privilégié d’un système mis en place par l’armée. Peut-elle après s’être fourvoyée pendant deux décennies retrouver les voies de la raison et se reconstruire comme une opposition fiable, séduisante pour la République? Il lui faudra s'unir. Sinon, l'UNIR a de très beaux jours devant elle.
A moins que le trop grand nombre de partis comme en 1960 ne crée une situation chaotique qui oblige l’armée à reprendre directement le pouvoir. Mais tout le système politique mis en place par le Président Eyadèma a été conçu pour encourager les divisions des forces qui peuvent se liguer contre le RPT hier et l’UNIR aujourd’hui, sans les laisser créer une situation qui tourne au vinaigre pour obliger l’armée à renverser ses propres enfants.
En attendant, il faut se résoudre, au rythme où vont les choses, à croire que pour 2015 les carottes sont cuites, et que l'opposition ne sera pas au festin.