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Togo : Qui contenter ?
Publié le mercredi 5 novembre 2014  |  letogolais


© Autre presse par DR
Sommet Etats Unis - Afrique : Concertation entre les présidents Faure Gnassingbé, Blaise Compaoré et Denis Sassou-Nguesso à Washington


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Par Sénouvo Agbota ZINSOU

La maxime de Septime Sévère, que Ernest Renan qualifie à juste titre de « logique détestable», n’est-elle pas l’une des plus importantes qui régissent nos sociétés africaines depuis l’époque coloniale à ce jour : „ Contente le soldat, moque-toi du reste“ ?[1]

Je n’entre pas dans les détails sur les abus, parfois criminels qu’un soldat est susceptible de commettre dans nos sociétés, se sentant craint, privilégié, puissant, impuni…Je connais un homme qui, sans être militaire, mais simplement policier, du fait qu’il porte un uniforme, dans ses discutions avec les membres de sa famille, évite rarement, de sortir la formule magique qui, lui donne forcément raison (du moins le pense-t-il), et dit, non sans une pointe d’ironie ( à sa manière) mêlée de mépris, réel ou joué : « Vous les civils… ».

Ce n’est pas sans raison qu’un de nos chanteurs, Fréjus Séwa Jacinthus, ironise sur cette prépondérance supposée de l’homme en uniforme dans notre société :

«Sōdja e va kōđƐ ŋua, ne agba to va, na va wō posoposo a nakpō be sōdja ma katcha woa (le soldat est arrivé, viens faire encore ton petit bruit. Tu verras comment le soldat te brisera.)

J’ai déjà la réputation de celui qui est à l’affût des déclarations, phrases, mots…pour les critiquer. Je ne veux pas ici me défendre, ni prouver que j’ai raison de nous amener à bien observer ce que nous disons, mais l’on doit convenir que nos paroles (ce qui sort de nous, dirait Jésus ) expriment notre être profond, ce qui, même si nous faisons parfois un effort pour le cacher, représente nos sentiments, craintes, pensées…

À la suite de l’évènement historique survenu au Burkina Faso, le renversement de Blaise Compaoré, par l’action du peuple burkinabé ( cela mérite d’être souligné), j’ai lu la déclaration du « Combat pour l’Alternative Politique en 2015 (CAP 2015)”, qui, nous dit-on , est dirigé par Jean-Pierre Fabre, candidat unique du nouveau-né sur la scène politique togolaise, « la bravoure du peuple frère burkinabé et le patriotisme de leurs sic forces de défense et de sécurité » dans un communiqué en date du 2 novembre 2014 paru sur icilome. Si la première partie de cette phrase nous paraît normale et même louable, dans la deuxième partie, par contre, il y a lieu de se demander si les rédacteurs du communiqué ne sont pas allés trop vite dans leur appréciation sans nuance du patriotisme de “ leurs forces de défense et de sécurité”.

Car, n’est-ce pas ce même jour que lesdites forces de défense et de sécurité, du moins les chefs de celles-ci se sont livrées à une rivalité assez brutale pour prendre la place de Compaoré ? Ces forces et leurs chefs, ne sont-ils pas d’accord que sur une seule chose : à savoir que c’est à eux que revient le pouvoir, puisque l’homme qui le concédait par sa démission est avant tout un militaire, et un militaire putschiste, c’est-à-dire un homme qui n’a du pouvoir qu’une conception bien étroite : il ne peut être exercé que par un soldat, ou du moins un homme que les soldats veuillent bien accepter pour l’exercer ?

La longue époque des coups d’Etat que nous avons connue en Afrique provient de là, appuyée par les « grands experts » de l’Occident qui avaient décidé que l’Afrique n’avait besoin de rien d’autre que de pouvoirs forts, c’est-à-dire de pouvoirs militaires. Tant d’années perdues pour l’Afrique, du fait de cette fausse idée du pouvoir. C’est dans cet esprit-là que les chefs militaires burkinabé n’ont eu qu’une préoccupation, je dirai même un réflexe pavlovien, après le succès de l’action du peuple : récupérer la révolution. Et, plus graves les interrogations suivantes : connaissons-nous le rôle de ces chefs militaires dans le soutien de ce règne dictatorial de 27 ans de Blaise Compaoré, dans les crimes et méfaits qui peuvent être reprochés à l’ancien capitaine devenu président du Faso après l’assassinat de Thomas Sankara ?

Savons-nous réellement ce que ces chefs militaires et Compaoré se sont dit avant que ce dernier ne quitte le pouvoir, ce qu’ils ont à cacher les uns et les autres au peuple burkinabé et au monde entier ? A quelle fin l’Assemblée Nationale, dont le président devrait assurer l’intérim en cas de vacance du pouvoir, a-t-elle été dissoute avant la démission de Compaoré ? Savons-nous le nombre de victimes tombées ou blessées dans cette insurrection du fait de ces militaires ? Qui est à féliciter et qui est à blâmer parmi eux ? Qui est vrai patriote et qui ne l’est pas ?

En réalité, et c’est mon avis personnel, en prenant le prétexte de s’adresser aux Burkinabé, c’est indirectement aux Togolais que le communiqué du CAP s’adresse et ce n’est pas une mauvaise chose. Nous aimerions voir les Togolais, un jour proche, se réveiller d’un certain état, pas différent de celui dans lequel les Burkinabé étaient plongés avant l’insurrection. Mais, en même temps, ne nous croyons pas obligés de flatter les forces de défense et de sécurité togolaises, d’avance, pour un « patriotisme » que nous sommes en droit d’attendre d’elles, mais dont jusqu’ici, elles n’ont pas encore fait preuve.


Le clin d’œil à l’armée (burkinabé ou togolaise) me semble un peu forcé . J’ai trouvé la vérité dans cette déclaration de la CDPA-BT, en date du 3 novembre, signée de son Premier Secrétaire Emmanuel Gu-Konu :
« Les armées des Etats néocoloniaux d’Afrique n’ont toujours pas compris que dans une République, qu’elle soit monarchique ou démocratique, l’armée doit obéissance à l’autorité politique comme tous les autres corps de la nation, et qu’elle ne saurait se mettre au-dessus de la loi. En tant qu’institutions néocoloniales, elles ne comprendront pas ».

L’armée du Burkina ( je veux parler de la nature des hommes qui la composent), à peu de choses près, n’est pas différente de celles du Togo, du Bénin, de Côte d’Ivoire, du Mali, du Tchad…

Autant le communiqué du nouveau CAP n’a rien de nouveau et révèle notre besoin de contenter à tort ou à raison le soldat, besoin né d’un vieux cliché datant, non seulement de l’époque coloniale, mais plus loin encore de l’époque des mercenaires de l’armée prétorienne romaine, autant la déclaration de la CDPA-BT part d’un esprit nouveau, celui de la nécessité d’avoir une vision nouvelle de l’armée soumise aux représentants élus de nos peuples.

Contre la maxime de Septime Sévère, je dirai : « Contente le peuple, seul souverain. Et le soldat fait partie du peuple, comme l’ouvrier, la revendeuse du marché, l’employé de bureau, le cadre…tous soumis aux lois de la République, tous égaux devant la Loi ».

Quant à ceux qui m’attribuent généreusement la réputation du chasseur à l’affût des déclarations, communiqués, phrases, mots...en vue de les scruter et de les critiquer, je les remercie d’abord et je leur dis humblement qu’il faut peut-être, dans notre pays, comme dans d’autres, des citoyens qui se dévouent à ce genre de tâche, qui ne paie pas dans l’immédiat, afin de contribuer à l’évolution de nos mentalités. Je me réjouis d’ailleurs de ne pas être seul à le faire.

Par Sénouvo Agbota ZINSOU

[1] [1] Cité par renest Renan, Oeuvres complètes, Calmann-Lévy éditeurs, 1952, p. 262

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LTG-22/10/2014

A propos de Sénouvo Agbota ZINSOU

Sénouvo Agbota Zinsou est né à Lomé en 1946 est un écrivain et metteur en scène togolais. Zinsou a étudié en France le théâtre et la communication. En 1968, à la suite de son travail avec plusieurs groupes d'étudiants, il cofonde une troupe de théâtre universitaire. En 1972, au Grand Prix du Concours Théâtral Interafricain de Lagos, il reçoit le premier prix pour sa pièce On joue la comédie2 ; pièce pour laquelle il effectuera une tournée en France. De 1978 à 1990, Zinsou est directeur de la Troupe Nationale Togolaise, où il met en scène ses propres textes, comme L'Arc en Ciel et Le Club.

La première de La Tortue qui Chante a lieu en 1966 lors du Sommet de la Francophonie à Lomé, et fut plus tard joué en France au Festival de Limoges de 1987. Zinsou est également l'auteur de nouvelles et de pièces courtes, publiées en France par Hatier. Parmi ses œuvres on peut citer Yévi et l'Éléphant Chanteur ou encore Le Médicament, des contes satiriques moquant les travers de la société togolaise.

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