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Me Jean Yaovi DEGLI, Avocat: ”Le problème de notre opposition n’est pas loin”
Publié le dimanche 9 novembre 2014  |  Le Médium


© aLome.com par Parfait
Me DEGLI dit que son impartialité lui vaut toujours des critiques


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La semaine dernière, l’actualité politique a été très riche au Togo et au Burkina Faso. Quelques partis de l’opposition ont pu finalement désigné un candidat unique après trois mois de conclave entre le Collectif Sauvons le Togo et la coalition Arc en Ciel. Jean Pierre, candidat de l’ANC été choisi comme celui qui devrait porter le flambeau de ces formations politiques pendant le scrutin de 2015. La fin de la semaine dernière a vu Blaise Compaoré fuir son pays après 27 ans de pouvoir, chassé par le peuple burkinabè qui ne voulait pas de la révision de la constitution que proposait l’ancien président de la république et son parti.
Sur toutes ces actualités, Me Jean Yaovi DEGLI, en observateur avisé, nous livre son point de vue.

Le conclave du CST et de l’Arc-en-ciel a finalement désigné Jean-Pierre Fabre comme le candidat unique de l’opposition, qu’en dites-vous ?


Rien d’autre à dire que de se féliciter de ce qu’une certaine partie de l’opposition ait finalement réussi à désigner un candidat unique même si toute l’opposition n’est pas à ce rendez-vous. Il faut regretter que ce processus n’ait pas été un processus franc de toute l’opposition togolaise au complet puisque nous savons combien l’émiettement de l’opposition est dangereux pour elle dans le cadre d’une élection qui est à un seul tour.

Le CAR, un poids lourd de la Coalition Arc-en-ciel et l’ADDI, allié de l’ANC à l’Assemblée Nationale, s’était retiré des discussions, n’est-ce pas un handicap pour ce candidat unique choisi ?


C’est dommage que toute l’opposition ne se soit pas retrouvée dans la dynamique pour désigner un candidat unique. Et sur ce point, l’absence du CAR et d’ADDI est un handicap de taille. Mais il n’y a d’ailleurs pas que ces deux partis même s’ils sont importants. Il y a d’autres entités de l’opposition comme OBUTS, comme le Parti des Togolais qui vient d’être créé, SURSAUT Togo de Koffi YAMGNANE, etc. On aurait souhaité que toute cette opposition se retrouve enfin dans une dynamique unitaire. Dommage donc une fois encore pour le Togo.

Le CAR et l’ADDI mettaient en avant la reprise des discussions sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles avant le choix du candidat unique de l’opposition. Ont-ils raison ?


A mon avis oui dans une certaine mesure. Il ne faut pas mettre la charrue devant les bœufs. Si on est pressé d’aller à des élections alors même que les règles ne sont pas claires, on court à la catastrophe ou à l’échec une fois encore. Il était donc important de ne pas se laisser embarquer dans une aventure qui débouchera une nouvelle fois sur des contestations parce que les règles n’ont pas été clairement définies au départ.


Au lieu de battre le pavé après les élections pour crier qu’on lui a volé sa victoire, l’opposition aurait donc pu s’entendre pour faire pression pour que les réformes constitutionnelles et institutionnelles qui sont indispensables au pays tout entier soient menées à terme. Dommage. On comprend cependant que certains sont pressés.



Espérons cependant que cette opposition qui a commis énormément d’erreurs et permis au pouvoir d’avoir l’occasion de ne pas faire les réformes en temps et en heure ne tourne pas définitivement le dos à ces réformes.

Sincèrement, vous qui connaissez cette classe politique de l’opposition, dites-nous pourquoi elle n’arrive pas à faire son union à des moments cruciaux de la vie du Togo ?
Le problème de notre opposition n’est pas loin. Il s’appelle intérêt personnel et problème de personne. Ajoutez-y les égos surdimensionnés de certains et vous avez presque tout.

Dans cette situation, Jean-Pierre Fabre a-t-il une chance de gagner en 2015 ?



Pour gagner les élections il faut un programme qui tienne compte des réalités du pays et des problèmes qui préoccupent les gens. Pour le moment, l’opposition qui a porté Jean-Pierre Fabre et le candidat lui-même ne nous ont pas encore montré ce sur quoi ils vont demander au Peuple togolais de voter pour eux, le contrat qu’ils entendent passer avec le Peuple. C’est beaucoup plus sur ça qu’il faut d’abord se prononcer si on veut parler de réussite aux élections de 2015.



En effet, s’il est vrai que la division de l’opposition va jouer contre elle, il est plus certain que s’il s’agit d’aller aux élections juste pour aller aux élections et en vendant aux Togolais comme par le passé juste la démocratie, l’opposition a perdu d’avance.



D’un autre côté, ratisser large et pour être représentatif, le candidat doit descendre de son piédestal de ” candidat naturel ” de l’opposition qui réunit ” tous les critères pour être désigné candidat unique ” pour se présenter avec plus de modestie et d’humilité et jouer au rassembleur. Aussi bien dans le langage que dans les actes, il faudrait que l’on ait cette dynamique.


Enfin, il faut que Jean-Pierre Fabre propose quelque chose de concret aux autres partis et responsables de partis politiques qui l’entourent ou le soutiennent. Ce sont là les éléments élémentaires de la réussite.

Me Dégli ! Parlons à présent du Burkina Faso ou le peuple a chassé son Président Blaise Compaoré. Un petit commentaire ?



Nul ne doit croire qu’il tient un peuple en main et qu’il peut en faire ce qu’il veut. Il faut savoir quitter le pouvoir avant que le pouvoir ne vous quitte. Une fois encore, les évènements nous prouvent qu’il ne faut pas ruser avec son peuple, qu’il faut respecter les règles et qu’il ne faut pas confondre son intérêt personnel avec l’intérêt d’un peuple. En gros, il faut savoir sortir…
Est-ce une nouvelle ère pour le peuple burkinabè ou une période d’incertitude d’autant que ce sont encore les militaires qui se sont accaparés du pouvoir ?



Espérons que ce soit une nouvelle ère plutôt qu’une période d’incertitude. Dans tous les cas, un peuple qui a renvoyé un dictateur qui a fait preuve à son égard de roublardise et de ruse pendant des décennies ne peut pas attendre autre chose qu’une nouvelle ère et acceptera difficilement que qui que ce soit lui vole la vedette. Et les militaires qui ont pris les rênes du pouvoir ne doivent pas confisquer la révolution.Ils devront composer avec les gens qui ont fait la révolution, organiser une courte période de transition et rendre rapidement le pouvoir aux civils au plus tard en novembre 2015 qui est normalement la fin du mandat de Compaoré.

Que dire de cette fin de règne de Blaise Compaoré après 27 ans au pouvoir ? Qu’est ce qui fait que les présidents africains n’arrivent pas à quitter aisément le pouvoir ?



Le fait de n’avoir pas compris que les pays qu’ils dirigent ne sont pas leur patrimoine ni leur champ de mil ou de maïs mais la chose de tous les citoyens.



Ils sont incapables de sagesse et de discernement ; refusent de respecter les règles ; de rendre compte de leur gestion ; pillent, tuent et finissent par se prendre au piège de se laisser quitter par le pouvoir au lieu de quitter le pouvoir. Le problème des chefs d’Etat de nos pays est de ne pas avoir de sagesse et de s’accrocher au pouvoir en espérant toujours être président à vie.

Une fois encore, un peuple a eu raison de son président, pourquoi ça n’a pas marché au Togo si on se réfère au soulèvement du 05 Octobre 1990 ?



Tout simplement parce que les politiques Togolais ont été mauvais calculateurs, accrochés à leurs intérêts égoïstes personnels au lieu de cultiver l’intérêt général. Chacun a préféré penser à lui tout de suite au lieu de penser au Peuple togolais et à sa libération. Ils ont préféré se tirer dessus et se faire des crocs en jambes au lieu de faire un bloc face à l’adversaire commun qu’était le dictateur.


Pendant ce temps, le PDG (président-dictateur-général) qui s’est appuyé sur son armée tribale s’est organisé pour tout reprendre à son compte en tuant, en blessant et en terrorisant et en usant de toutes sortes de ruses.

Sur les réseaux sociaux, certains Togolais ont commencé par fantasmer après le succès du peuple burkinabè. Pensez-vous qu’une telle chose puisse se passer aujourd’hui au Togo?
Oui et non!


Oui parce que chaque peuple que l’on pousse le dos au mur peut se rebeller à tout instant. En ce sens, les peuples que l’on ne respecte pas, avec qui l’on ruse ou dont on bafoue les droits sont comme un volcan donant ou une bombe à retardement.



Non parce que la situation au jour d’aujourd’hui n’est pas identique à celle du pays frère du Burkina Faso et on ne peut pas espérer exactement ce qui s’est passé dans ce pays.
Premièrement et sur un plan constitutionnel, la Constitution burkinabé avait un texte clair sur la limitation de mandat qui est l’article 37. Blaise Compaoré avait donc besoin d’une action offensive pour faire sauter ce verrou et se maintenir au pouvoir.


Au Togo, Eyadema avait fait le travail pour sa succession. Il a sauté le verrou de la limitation de mandat depuis décembre 2002. Il a ainsi créé un boulevard à son successeur qui n’a besoin d’aucune action offensive pour se maintenir ou se pérenniser au pouvoir. Faure Gnassingbé surfe sur des acquis qui sont là avant son arrivée. Il n’est pas possible de l’accuser de vouloir modifier la constitution pour y inscrire un mandat illimité.
Au contraire, c’est à l’opposition ou le peuple de l’obliger à inscrire une limitation dans la Constitution. Il est donc relativement plus à l’aise.



Deuxièmement, l’opposition togolaise n’a jamais su parler d’une seule et même voix comme ont su le faire les Burkinabé qui se sont mis d’accord et qui devant l’intérêt supérieur de leur pays ont laissé de côté leur égo et l’intérêt personnel pour s’entendre sur le minimum.
Troisièmement, l’armée burkinabé n’est pas une armée tribale. Il s’agit d’une armée nationale et républicaine de même d’ailleurs que les forces de l’ordre de ce pays qui ont su éviter de s’attaquer aux populations aux mains nues et de retourner les armes contre leurs propres populations.


Enfin, le tissu de l’autorité traditionnelle Burkinabé est bien en place. La chefferie traditionnelle joue un rôle très important et déterminant comme ce fut le cas le 30 octobre 2014 où les forces de revendications ont dû se rendre chez le Moro Naba pour solliciter son appui et son conseil.
Au Togo, le tissu de l’autorité traditionnelle a été complètement détruit par le régime Eyadema et continue d’être détruit. Aucun chef traditionnelle au Togo n’a assez d’autorité pour parler aux partis politiques, à la société civile et aux gouvernants dont le président de la République et être écouté.


La situation du Togo est donc loin du cas Burkinabé.
Propos recueillis par Crédo TETTEH

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