Il avait été pris la main dans le sac. L’histoire de ce chargé de mission à la présidence de la république togolaise est fabuleuse. Pris la main dans le sac, d’abus de confiance, d’escroquerie et de trafic d’influence. Cet ex-fonctionnaire de la Présidence dont nous taisons le nom, avait usé de son titre de proche du Président pour se remplir les poches de millions de FCFA auprès d’un Directeur de société dans l’objectif, selon lui, de participer à la campagne pour l’élection du Président.
Appelé à payer ses impôts, le Patron de cette entreprise est monté chez le Président pour lui confier avoir déjà versé sa part d’impôts : plusieurs millions à son conseiller en plus des engins roulants à quatre roues et à deux roues pour soutenir sa campagne électorale. Interpellé, cet ancien ami du Président a reconnu, tout penaud, avoir reçu voitures, motos et argent sans traces auprès de la société. Il sortira naturellement de la Présidence par une porte dérobée, après avoir été sommé de retourner la voiture à ses propriétaires. Les motos et l’argent, il les a dilapidés. La société en question s’en est sorti avec un redressement fiscal sans précédent.
Ce phénomène de démarcheur, fait du tort à l’économie surtout que des entreprises ne fonctionnent pas de façon régulière sur des règles et des statuts de redevance orthodoxes vis-à-vis des caisses de l’Etat. La confusion profite donc aux véreux. Eau trouble, gain de pêcheur. Un exemple, la zone franche togolaise en fait foi.
S’il existe une politique économique qui a endeuillé l’économie togolaise pendant plusieurs années, c’est bien celle de la zone franche industrielle. Cette initiative du feu Président Eyadéma des années 89, avait consisté à faire la cour aux entreprises dans des périodes où l’isolement international, conséquences d’une gestion villageoise secouait le régime. Aujourd’hui que la situation économique du Togo se normalise on doit pouvoir trouver une porte de sortie à cette initiative qui a fait des ressources du Togo une véritable vache à lait.
Le dernier conseil des ministres qui annonçait la reprise par l’Etat togolais de l’hôtel du 2 février avait introduit dans son appendice une décision qui ne semble pas être perçue par l’opinion.
Il s’agit pour l’Etat de réviser le statut fiscal des sociétés installées en zone franche afin de mobiliser des fonds pour restaurer ce patrimoine togolais.
Naturellement, le projet de loi voté par l’assemblée nationale ce vendredi de voir plus clair la situation de la zone franche provoque des grincements de dents.
Aucun pays au monde, en ce 21ème siècle ne saurait tolérer le statut actuel de la zone franche vis-à-vis de l’Etat.
Il est un peu trop arrogant et insultant pour une économie qui se respecte. Les articles 20 et 21 de statuts de la zone franche en sont les preuves (en bas de page).
Selon ces articles, les sociétés installées en zone franche sont pratiquement exonérées des taxes douanières et fiscales pendant dix ans. C’est donc à partir de la dixième année que les sociétés ont l’obligation de se conformer au statut normal d’entreprises. A cette étape, les entreprises, détenues pour la plupart par des expatriés se donnent le vilain plaisir de changer de titre et de dénomination pour recommencer l’arnaque des 10 ans des dans le pire des cas, plient bagages pour revenir sous forme d’avatar après avoir pillé pendant une décennie le pays.
L’article 20 des statuts est illustratif et stipule que « les entreprises agréées au statut de zone franche bénéficient, au cordon douanier, des avantages suivants : « Exonération de tous droits et taxes de douane, sur le matériel d’équipement, y compris le mobilier de bureau, les pièces de rechange, les matières premières, les produits semi-finis et les produits consommables nécessaires à l’installation et au fonctionnement de l’entreprise agréée Réduction de 50 % des droits et taxes de douane sur les véhicules utilitaires, tels que définis par le décret d’application Exonération de tous droits et taxes de douane lors de l’exportation des produits fabriqués en zone franche …»
Des avantages démentiels qu’aucune rigueur financière ne peut autoriser. L’article 21 en dit long sur le rapt de cette initiative sur l’économie togolaise.
Pire, les sociétés installées en zone franche pour la plupart ne respectent pas les cahiers de charges : le personnel et les ouvriers togolais travaillent comme des esclaves et sont continuellement licenciés abusivement avec des salaires à la limite du SMIG, très maigres, des accidents de travail récurrents sans indemnisation et le mépris du personnel par les patrons expatriés.
Au niveau des sociétés en question, toutes les magouilles sont permises : des fausses déclarations de production, des déversements frauduleux des produits destinés à l’exportation, etc.
Cette situation se perpétue avec la complicité des autorités qui transforment leurs poches en caisses de collectes des taxes tolérées à ces entreprises, comme le chargé de mission en question.
Depuis le début de cette semaine, des usines de fabrication de produits non biodégradables reçoivent la visite des autorités de l’environnement qui procèdent purement et simplement à leur fermeture pour respecter le délai d’interdiction de l’importation et de l’exportation des produits plastiques.
C’est le raz de marée chez ces sociétés installées en zone franche qui ne comptent pas se laisser faire, habituées au laisser aller.
Les reformes économiques qui sont d’actualité au Togo devront se pencher sur ces graves dérives.
La décision du conseil des ministres devraient aller plus loin que de la simple cotisation dans les sociétés de la zone franche devant servir à rénover les hôtels.
Il faut une bonne décision de révision de statut de la zone franche togolaise afin d’éviter que des individus se servent de ses sociétés pour se remplir les poches.
La croissance économique, les analyses macroéconomiques, la rigueur financière risquent de crever de malaise, si l’économie togolaise continue à tolérer ces dérives financières qui ont tenté l’ex chargé de mission de la Présidence qui aujourd’hui croise les doigts dans le but de se faire invité une fois encore au Palais. Sans doute pas pour éviter d’avoir les mêmes appétits un peu trop constipants…
Sarah-Jennifer
Loi portant statut de zone franche industrielle
Loi n°2011-18 du 24 juin 2011
Article.20.-
Les entreprises agréées au statut de zone franche bénéficient, au cordon douanier, des avantages suivants :
Exonération de tous droits et taxes de douane, sur le matériel d’équipement, y compris le mobilier de bureau, les pièces de rechange, les matières premières, les produits semi-finis et les produits consommables nécessaires à l’installation et au fonctionnement de l’entreprise agréée ;
Réduction de 50 % des droits et taxes de douane sur les véhicules utilitaires, tels que définis par le décret d’application ;
Exonération de tous droits et taxes de douane lors de l’exportation des produits fabriqués en zone franche.
Article.21.-
Les entreprises agréées au statut de zone franche bénéficient, à compter de leur date d’agrément provisoire, des avantages fiscaux suivants :
a) impôt sur les sociétés ou impôt minimum forfaitaire :
– stabilisation de l’impôt sur les sociétés au taux de 0 % pendant les 5 premières années ;
– paiement de l’impôt sur les sociétés au taux de 8 % sur le bénéfice imposable de la 6e à la 10e année ou paiement de l’impôt minimum forfaitaire proportionnellement correspondant ;
– paiement de l’impôt sur les sociétés au taux de 10 % sur le bénéfice imposable de la 11e à la 20e année ou paiement de l’impôt minimum forfaitaire proportionnellement correspondant ;
– paiement de l’impôt sur les sociétés au taux de 20 % sur le bénéfice imposable à partir de la 21e année ou paiement de l’impôt minimum forfaitaire proportionnellement correspond
b) impôt sur les dividendes ou impôt sur le revenu des capitaux mobiliers
– exonération de l’impôt sur les dividendes pendant les 5 premières années
– paiement de 50 % du montant de cet impôt calculé dans les conditions de droit commun de la 6e à la 10e année ;
– application du droit commun à partir de la 11e année.
c) taxe sur les salaires :
– stabilisation de la taxe sur les salaires au taux réduit de 2 % pendant la durée de vie de l’entreprise en zone franche, sous réserve des dispositions de l’article 22 de la présente loi.
d) taxe professionnelle :
– exonération de la taxe professionnelle pendant les 5 premières années ;
– paiement de cette taxe au taux de 5 % du montant de la taxe calculée au droit commun de la 6e à la 20e année ;
– paiement de cette taxe au taux de 15 % du montant de la taxe calculée au droit commun à partir de la 21e année ;
e) taxe foncière :
– exonération de la taxe foncière pendant les 5 premières années ;
– paiement de cette taxe au taux de 5 % du montant de la taxe calculée au droit commun de la 6e à la 20e année ;
– paiement de cette taxe au taux de 15 % du montant de la taxe calculée au droit commun à partir de la 21e année ;
f) taxe sur la valeur ajoutée :
– exonération de la taxe sur la valeur ajoutée sur les travaux et services réalisés pour le compte de l’entreprise bénéficiant du statut de zone franche.