La situation au Burkina-Faso : une raison de vivre et d’espérer pour le peuple togolais
Déclaration liminaire des ODDH lors de la conférence de presse du 10 novembre 2014
Le Jeudi, 30 Octobre 2014, le peuple burkinabais, dans un sursaut patriotique, s’est levé comme un seul homme pour mettre fin à un pouvoir trentenaire et insatiable qui a voulu, pour la énième fois encore, faire sauter les barrières que la Nation burkinabé a librement érigé contre toute gestion calamiteuse, illimitée et prédatrice du pouvoir. Cette furie populaire savamment menée, a effectivement emporté, dans les cendres de la honte et en l’espace de deux journées, son Président, Blaise Compaoré, qui a voulu défié l’intégrité du peuple burkinabé et la communauté internationale.
C’est l’occasion pour la Synergie des ODDH du Togo, de saluer la bravoure, le génie, le courage, le sens élevé du patriotisme du peuple burkinabé, de son armée, de sa société civile, de son opposition, que les machinations du pouvoir et la guerre des intérêts partisans n’ont pu diviser.
Le pays des hommes intègres a su montrer à la face du monde que le pouvoir appartient au peuple et qu’il n’y a rien de plus puissant qu’une idée dont le temps est venu.
La Synergie des ODDH saisit également cette occasion pour rendre un hommage mérité aux vaillants combattants qui sont tombés lors de cette révolution et exprimer ses vives compassions aux familles éplorées. Elle sollicite auprès de leurs frères et amis burkinabés l’érection d’un monument en mémoire de ces martyrs.
A cet effet, la Synergie des ODDH rappelle avec insistance, au Président de la République, Faure Essozimna Gnassingbé et de son gouvernement, les dispositions pertinentes du 3ème Paragraphe du Préambule de la DUDH du 10 décembre 1948 : « Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par Un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression ».
I- SUR LE FAUX DEBAT DU MANQUE DE SIMILITUDE ENTRE LES SITUATIONS TOGOLAISE ET BURKINABE
Notre pays le Togo est une République et la démocratie ne doit pas s’accommoder avec la gestion illimitée du pouvoir.
Mais qu’on ne fasse pas l’amalgame, reposons clairement le vrai débat :2 On tendance à ma parler mal des autres pays comme le Burkina-Faso. Mais c’est au Togo qu’il y a eu le premier coup d’Etat sanglant et meurtrier avec l’assassinat, le 13 Janvier 1963, du premier président démocratiquement élu, Monsieur Sylvanus Epiphanio Elpidio Kwami OLYMPIO.
C’est également au Togo, le 31 décembre 2002, pendant que Faure GNASSINGBE était Président de la Commission des Affaires Etrangères à l’Assemblée Nationale, que le verrou de la limitation du mandat présidentiel a été sauté et l’âge de la candidature à l’élection présidentielle a été ramené à 35 ans pour avoir une Loi Fondamentale taillée sur mesure.
Le saut du verrou de la limitation du mandat présidentiel a remis fortement en cause la plus grande barrière que les forces vives de la nation togolaise ont placée contre une dictature, contre une dynastie, contre un pouvoir de père en fils, contre une domination forte et illimitée.
C’est en fait de cela que Blaise COMPAORE a voulu s’inspirer.
Monsieur Faure GNASSINGBE n’était donc nullement étranger à cette modification qui consacre un bail illimité. Il est plus qu’interpellé.
En tout état de cause, c’est la finalité qui compte et le principe est que le bon contrôle des institutions, intrinsèquement lié à l’idéal démocratique, exige une gestion limitée et alternée du pouvoir politique :
- Celui qui veut sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel veut s’éterniser au pouvoir.
- Celui qui se trouve dans une situation anormale consacrant le mandat illimité et qui veuille la conserver en refusant d’opérer les réformes veut également s’éterniser au pouvoir.
L’un pêche par action, l’autre pêche par omission. Ils poursuivent la même finalité et doivent être combattus de la même manière.
Faure Gnassingbé doit opérer les réformes ou s’abstenir d’organiser l’élection présidentielle de 2015.
II- SUR L’EPINEUSE QUESTION DES REFORMES POLITIQUES
La Synergie des ODDH réaffirme avec une insistance accrue que les réformes politiques ne relèvent pas de la seule volonté et des désidératas des seuls acteurs politiques ; mais bien plus, d’un impératif démocratique inéluctable qui fera tôt ou tard droit de cité et que la société civile a son mot à dire.
En mai 2012, lors de la réception du premier volume du Rapport de la CVJR, le Président FAURE avait déclaré : « C’est avec courage et lucidité qu’il nous faudra lire, avant de les tourner, toutes les pages de cette mémoire controversée pour éviter le retour des vieux démons. J’ai la ferme conviction que le processus enclenché n’a de réelle chance d’atteindre l’objectif d’apaisement, de réconciliation et de paix que s’il s’accompagne de réformes institutionnelles et sécuritaires renforçant les garanties de non-répétition des violences, des atteintes aux droits de l’homme du passé, à l’intégrité physique et à la dignité des personnes ».
En d’autres termes, pour le chef de l’Etat, sans les réformes, il n’y aura ni paix, ni réconciliation au Togo. Le Président Faure Gnassingbe en est donc conscient. Mais hélas ! Le constat est effectivement palpable : en lieu et place d’engager courageusement les réformes politiques, le chef de l’Etat se prends de militariser le pays avec la nomination d’un tortionnaire à la tête de la Gendarmerie Nationale et la création des camps militaires de trop.
A cet effet, la Synergie des ODDH réitère instamment leur demande de démettre le Lieutenant-colonel MASSINA Yotroféi de la tête de la Gendarmerie Nationale et condamne avec la dernière vigueur l’usage disproportionné de la force fait par les militaires du nouveau camp de ZOWLA qui a encore fait couler du sang humain sur la terre de nos aïeux : trop c’est trop.
Les auteurs de ses actes macabres doivent en répondre le plus tôt possible devant la justice.
III- LE PRESIDENT FAURE ESSOZIMNA GNASSINGBE NE DOIT PAS RESTER INDEFINIMENT SOURD ET INSENSIBLE A LA QUESTION DES REFORMES : IL EST TENU DE LES OPERER AU RISQUE DE SE DEJUGER LUI-MEME
Le Général de GAULLE disait que « Celui qui veut commander aux hommes doit se souvenir de leur souffrance et de sa propre faiblesse ».
Ceux qui supportent idéologiquement le Président Faure Gnassingbe doivent penser à la loi de la contingence, à la finitude de l’être humain et de ses projets. C’est ce qui a échappé à beaucoup de dirigeants, surtout africains, et bien plus récemment à Blaise Compaoré. Le Président Faure doit en tirer les leçons. Le peuple togolais tout entier aspire aux réformes.
Les Confessions religieuses en ont multiplié des démarches et déclarations. La communauté internationale les a clamées à plusieurs reprises. Faure Gnassingbé ne doit pas demeurer sourd et feindre de ne plus entendre et voir les profondes aspirations de son peuple. Il doit nécessairement tirer les leçons de son environnement politique immédiat, notamment de ce qui s’est passé au Burkina-Faso. S’il aime vraiment son pays et le peuple qu’il dirige, il doit, dans un sursaut patriotique, opérer ces réformes.
IV- SUR LES DIVERSES IMPLICATIONS POSITIVES DES REFORMES SUR LA VIE SOCIALE, POLITIQUE ET ECONOMIQUE DU TOGO
La Synergie des ODDH reprend en son compte tout le contenu de la Plateforme Citoyenne Justice et Vérité, produit avec l’appui technique et financier du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et de l’Union Européenne (UE), qui évoque les 12 raisons en faveur de la mise en œuvre des réformes politiques et institutionnelles au Togo.
Rappelons que la CVJR a recommandé que ces réformes doivent notamment viser la mise en place de mesures garantissant de meilleures conditions pour l’alternance démocratique. Il s’en suit que le mandat présidentiel devra être limité, avec un mode de scrutin garantissant l’élection du chef de l’Etat à la majorité absolue des votants. Il va donc sans dire que la mise en œuvre des réformes politiques reste et demeure :
1- Un engagement circonstancié du gouvernement togolais en 2004 ;
2- Un engagement renouvelé du gouvernement togolais, de la classe politique et de la société civile au terme de l’Accord Politique Global (APG) ;
3- Une recommandation de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) ;
4- Une condition pour rétablir la confiance et favoriser une alternance apaisée ;
5- Une base pour des élections apaisées et sans violences ;
6- Une garantie de stabilité sociopolitique ;
7- Une garantie du respect des Droits de l’Homme ;
8- Un gage du contrôle citoyen de l’action publique ;
9- Une base pour un développement économique ;
10- Un gage pour un développement à la base ;
11- Une valorisation de la participation de la diaspora au développement du Togo ;
12- Une mise en œuvre des engagements internationaux du Togo.
V- RECOMMANDATIONS : APPEL A LA FEDERATION DES ENERGIES ET A LA MOBILISATION
Au vu de tout ce qui précède, la Synergie des ODDH recommande fortement :
Au Président Faure Essozimna Gnassingbe et à son Gouvernement de se sentir concernés par les aspirations profondes du peuple en opérant les réformes politiques avant toute élection, en vue de préserver notre pays des situations sombres vécues de par le passé comme en 2005 et en 2010.
- Aux partis politiques de l’opposition, de mettre fin à leurs désir effréné des intérêts égoïstes, de tirer l’expérience des autres pays, notamment du Burkina Faso, et de constituer un contre-pouvoir réel et une alternative crédible pour traduire enfin en pratique les aspirations profondes du peuple togolais.
D’ores et déjà, la synergie encourage et apporte son soutien aux initiatives prises ici et là pour que ces réformes puissent avoir lieu avant toute élection.
Elle compte toujours sur le bon vouloir des uns et des autres en vue de fédérer les énergies dans ce sens.
- Aux partenaires en développement, à la Communauté internationale, de faire leur cette alerte précoce de la Synergie des ODDH et de maintenir la pression pour l’obtention desdites réformes.
- Aux Organisations de la Société Civile de rester soudées et mobilisées et de soutenir toute initiative crédible et légale entreprise dans le sens d’obtenir les réformes.
- Au peuple togolais, véritable détenteur de la souveraineté, de rester vigilant et mobilisé derrière les actions empreintes de patriotismes pour asseoir les réformes et poser un frein à la gabegie et au gaspillage des ressources et richesses nationales.
Pour cela, la Synergie des ODDH appelle les populations togolaises à une grande marche pacifique de protestation le 28 novembre 2014 et suivant un itinéraire qui leur sera communiquée sous peu.
Fait à Lomé, le 10 Novembre 2014
La Synergie des ODDH