Tout est fin prêt. Le temps du dilatoire et de la fuite en avant semble fini. Sauf retournement de dernière minute, la Cour de justice de la CEDEAO devrait enfin pouvoir vider son délibéré mercredi dans l’affaire Kpatcha Gnassingbé et coaccusés. Après plusieurs reports, l’heure de la vérité semble enfin arrivée.
Les avocats de Kpatcha Gnassingbé s’apprêtent à quitter Lomé mardi pour Abuja. Là, ils suivront en live, la décision de la cour communautaire que préside dame Awa Nana, togolaise d’origine.
Mais prudence, les informations qui nous parviennent indiquent qu’il y a encore des pressions qui sont exercées pour un ultime report.
Les officiels togolais ne supporteraient pas la très probable humiliation attendue dans cette affaire, surtout à la veille des douloureuses élections législatives qu’ils sont en train d’organiser tête baissée.
Mais leurs gesticulations risquent d’être sans issue. Alassane Ouattara qui a toujours joué de son poids de président en exercice de la CEDEAO pour obtenir ces multiples reports ne serait plus prêt à intervenir.
Car il faut le dire, le soutien qu’il a toujours apporté à Faure Gnassingbé dans les dossiers pourris commence à lui causer de sérieux ennuis.
L’enfer qu’il vit actuellement avec le dossier Loïk Le Floch-Prigent est un exemple patent. Ce dernier a sérieusement écorné l’image du Togo et de la Côte d’Ivoire en étalant, à la face du monde, les actes mafieux qui ont entouré son transfèrement au Togo par Abidjan sans procédure d’extradition.
En bon démocrate, Ouattara ne souhaiterait plus se salir les mains en soutenant indéfiniment les dossiers noirs que le Togo traîne à tout bout de champ. Mais résistera-t-il longtemps aux éternelles supplications et flatteries de son homologue togolais ?
C’est très probable car au même moment que Faure Gnassingbé multiplie ses négociations aussi bien auprès des juges de la Cour Communautaire que chez le président Ouattara, d’autres pôles de pressions très sérieux s’exercent également pour que ce verdict soit enfin rendu.
« L’on est bien en matière de détention, et le dilatoire dans cette affaire ne saurait encore durer longtemps, la Cour de justice de la CEDEAO a tout intérêt à jouer son crédit dans ce dossier » a indiqué un membre influent de la FIDH à togoinfos.com.
Lors de son Assemblée Générale tenue en Turquie, la FIDH avait déjà recommandé à la Cour Communautaire de dire le droit dans ce dossier. Les pressions sont donc réelles et le pouvoir de Lomé est, à n’en point douter, au bout du rouleau.
Il ne saurait en être autrement vu la gravité des actes posés par le pouvoir de Faure Gnassingbé pour pouvoir mettre Kpatcha Gnassingbé sous éteignoir.
En effet, alors que Kpatcha Gnassingbé exerçait encore en tant que député de la Kozah jouissant d’une immunité parlementaire incontestable, Faure Gnassingbé a fait le pari incroyable de l’interpeler en 2009 et de le faire juger sans avoir levé au préalable cette immunité, ce sous prétexte d’une affaire de complot contre la sûreté de l’Etat.
Pire, Kpatcha Gnassingbé et ses coaccusés ont été gardés au secret pendant deux ans dans les locaux de l’agence nationale de renseignement sans avoir été jugés. Là, la plupart d’entre eux ont été l’objet de tortures, de traitements inhumains et dégradants pour les contraindre à faire des aveux compromettants.
Ce n’est qu’en mars 2011 qu’ils seront présentés à une cour spéciale pour être jugés.
Malgré les scandaleuses révélations faites par ces détenus sur la torture dont ils ont fait l’objet, le juge Pétchélibia, instruit par le palais de la Marina a choisi, contre toute attente, de les condamner à des peines lourdes allant de 2 à 20 ans assorties pour certains d’une déchéance civique.
La commission d’enquête conduite par la commission nationale des droits de l’homme (CNDH) va confirmer dans son rapport, des cas évidents de traitements inhumains et dégradants dont ces détenus ont fait l’objet.
Le pouvoir de Lomé n’a daigné rectifier le tir, il a toujours maintenu Kpatcha Gnassingbé et ses coaccusés en prison jusqu’à ce jour malgré les violations flagrantes de leurs droits.
Saisie depuis 2011 par les conseils de Kpatcha Gnassingbé et ses coaccusés, la Cour de Justice de la CEDEAO a beaucoup traîné les pas avant de se résoudre enfin à agir. Elle a d’abord déclaré recevable, la plainte des requérants. Dès cet instant, les carottes étaient quasi cuites pour Faure Gnassingbé et ses tortionnaires.
Toutes les audiences organisées dans le cadre de ce dossier indiquent clairement et de toute évidence que la cour fera droit à Kpatcha Gnassingbé et ses coaccusés.
Voilà donc qui justifie les tractations de Faure Gnassingbé pour empêcher la Cour de vider son délibéré. Mais dès lors que le monde entier connaît l’affaire, cette cour n’aura pas de choix que de jouer sa crédibilité en disant le droit pur et simple.