La situation sociopolitique actuelle que traverse le Togo avec en toile de fond, l’exigence par l’opposition des réformes politiques avant le scrutin de 2015 et d’un autre côté, le maintien des institutions de la Républiques, continue de susciter des débats.
Pour David Ourna Gnanta, ancien responsable du Parti Alliance, aujourd’hui militant du parti au pouvoir, « l’élection présidentielle s’inscrit dans un agenda constitutionnel qu’il faut absolument respecter pour éviter des surprises ».
Pour ce qui concerne les réformes, M. Gnanta opte pour une réflexion à long terme. « La constitution togolaise de 1992 est aussi l’exemple de ces « constitutions copie-collées », qui a connu sa première épreuve de la réalité au lendemain des élections législatives de 1994, quand il s’est agi de désigner un premier ministre après la victoire de l’opposition à l’élection », a-t-il rappelé.
«Je me demande s’il faut parler aujourd’hui de réformes constitutionnelles ou de changement de constitution », a-t-il ajouté.
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Afreepress.info : Comment analysez-vous la situation politique au Burkina-Faso et qui risque de faire tâche d’huile dans d’autres pays de la sous-région comme le Togo ?
David Ourna Gnanta : Ce qui s’est passé au Burkina-Faso est très regrettable. Permettez-moi d’abord de saluer la mémoire de ceux qui ont perdu la vie lors de ces évènements et de déplorer les destructions de biens publics et privés, aux conséquences économiques graves pour le pays. On aurait pu éviter cette situation si le président Blaise Compaoré avait été plus attentif à son peuple. Il aurait bénéficié d’une sortie honorable, en écoutant ses anciens collaborateurs devenus opposants à cause de son entêtement à vouloir briguer un mandat supplémentaire après vingt-sept ans de pouvoir.
Blaise Compaoré est autant comptable des moments passés au pouvoir que ses anciens amis. A l’étape actuelle, je souhaite tout simplement que le Burkina-Faso ne tombe pas dans la situation d’après révolution des pays du Magreb.
Maintenant, il me serait difficile de dire que cette situation peut faire tâche d’huile dans d’autres pays dont le Togo. Les réalités sociopolitiques varient d’un pays à l’autre.
Au Togo, on ne cherche pas à retirer la limitation du mandat présidentiel de la loi fondamentale, plutôt le gouvernement, contre toute attente, a introduit cette disposition dans un projet de loi qu’il a envoyé. Mais malheureusement des positions fondées sur une vision à court terme ont obligé les députés de la majorité à rejeter la loi.
Afreepress.info : Aujourd’hui, nos constitutions en Afrique posent de sérieux problèmes, quelle est votre lecture de la situation, en particulier, celle du Togo, datant de 1992.
David Ourna Gnanta : Il y a effectivement nécessité de nous interroger sur la pertinence du contenu de nos constitutions faces à nos réalités socioculturelles. Depuis l’avènement de la démocratie, et l’imposition à nos peuples des constitutions qui reflètent les besoins d’autres sociétés, nos pays n’ont connu que de profondes crises avec des pertes en vies humaines.
Nous devons créer notre modèle de démocratie qui ne saurait être celui de la France ni de l’Angleterre.
La constitution togolaise de 1992 est aussi l’exemple de ces « constitutions copie-collées », qui a connu sa première épreuve de la réalité au lendemain des élections législatives de 1994, quand il s’est agi de désigner un premier ministre après la victoire de l’opposition à l’élection.
Afreepress.info : L’opposition exige les réformes constitutionnelles et institutionnelles avant les prochaines élections présidentielles. Partagez-vous le même avis ?
David Ourna Gnanta : On aurait pu opérer ces réformes avant les élections législatives de 2013, après que le CPDC ait transmis les conclusions de ses travaux au gouvernement. Mais vous savez ce qui s’est passé et la responsabilité de chaque responsable politique. Ce n’est plus la peine de revenir sur ce passé.
La force de la négociation et l’art de la persuasion sont des qualités que doivent posséder des acteurs politiques capables d’accéder au pouvoir. Ces réformes peuvent avoir lieu avant ou après l’élection présidentielle.
L’élection présidentielle s’inscrit dans un agenda constitutionnel. En ce qui me concerne, je pense qu’il faut réfléchir à long terme. Je me demande s’il faut parler aujourd’hui de réformes constitutionnelles ou de changement de constitution.
Afreepress.info : Vendredi 21, opposition et pouvoir seront dans les rues de Lomé. D’un côté pour exiger les réformes politiques, de l’autre, pour exhiber la popularité du chef de l’Etat. Ces manifs selon vous, sont-elles utiles ?
David Ourna Gnanta : Ces manifestations sont l’expression même de la liberté d’expression et d’activités politiques dans le pays. C’est l’animation de la vie politique à la veille d’une échéance aussi importante qu’est l’élection présidentielle de mars 2015. Je souhaite que tout se déroule dans le respect des lois en vigueur. La tolérance politique doit prévaloir.
Afreepress.info : La CENI a déjà lancé la machine électorale, pensez-vous qu’avec l’agitation dans l’opposition, le processus pourra aboutir ?
David Ourna Gnanta : Le processus doit aboutir. Je l’ai dit plus haut, l’élection présidentielle s’inscrit dans un agenda constitutionnel qu’il faut absolument respecter pour éviter des surprises.
Afreepress.info : Les voix s’élèvent partout sur le continent pour conseiller aux actuels chefs d’Etat de ne pas faire plus de deux mandats. Votre avis ?
David Ourna Gnanta : Je crois qu’il faut dépassionner le débat. Je suis pour la limitation de mandat mais je tiens à ce qu’on réfléchisse à notre modèle de démocratie.