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Interview/ Docteur Kokou Happy AGOUDAVI, coordonnateur du PNLMNT : « Nos systèmes de santé dans leur état actuel, ne répondent plus au profil épidémiologique de nos pays…nous devons rendre disponible
Publié le mardi 25 novembre 2014  |  AfreePress




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Togo - Au Togo, selon une enquête nationale réalisée sur les facteurs de risque communs aux Maladies non transmissibles (MNT), 16 % de la population togolaise des 15 à 64 ans sont à risque de développer les 4 principales MNT, voire de faire un accident vasculaire cérébral dans les 10 prochaines années. Par ailleurs, selon cette étude, 1 togolais sur 5 de cette tranche d’âge est hypertendu et un peu plus de 100 000 personnes seraient diabétiques dans notre pays. Mais là où le bât blesse, selon le coordonnateur du Programme national de lutte contre ces maladies (PNLMNT), docteur Kokou Happy Agoudavi, dans une interview, « on sait rendu compte que 9 personnes sur 10 ignorent leur état d’hypertendu ou de diabétique ». Dans cette interview, le premier responsable du PNLMNT revient largement sur le cancer du sein et du col de l’utérus.




Q : Docteur Agoudavi, vous êtes spécialiste en politique et système de santé et vous coordonnez actuellement le Programme national de lutte contre les maladies non transmissibles (PNLMNT). Dites-nous docteur si ces maladies constituent une réelle menace à la santé publique.

Dr Agoudavi : Merci pour l’opportunité que vous nous donnez d’échanger sur cette thématique qui est d’actualité. Aujourd’hui, c’est une évidence que les MNT constituent un problème de santé publique et de développement dans tous les pays du monde ; avec une particularité pour les pays en développement. En effet, ces pays ne sont pas assez préparés, notamment au niveau de leur système de santé pour répondre à l’ampleur des MNT.

Q : Monsieur le coordonnateur, en quoi dites-vous que ces maladies constituent un problème de santé publique et de développement ?

Dr Agoudavi : Pour nous rafraîchir la mémoire, en 2010, l’Organisation mondiale de la santé attirait déjà l’attention des décideurs, des nations de la communauté internationale sur le fait que les MNT sont responsables de plus de 63 % de décès de par le monde et lorsqu’on regarde de près ces 63 %, on se rend compte que chaque année c’est environ 36 millions de personnes qui meurent des maladies non transmissibles. De plus, près de 80 % de ces décès surviennent dans les pays en développement et sont pour la plupart du temps, des décès précoces, c’est-à-dire des décès survenant avant 60 ans. Du coup, c’est les personnes encore actives qui malheureusement sont emportées par ces MNT. Vous comprenez donc l’impact que ces décès précoces peuvent avoir sur les familles, les communautés et par-delà sur la croissance économique de nos pays : diminution de la productivité, manque de ressources humaines, vulnérabilité des familles affectées.

C’est dire que vraiment au-delà du problème de santé publique, c’est le développement même de nos pays qui est mis en mal par les maladies non transmissibles.

C’est pour toutes ces raisons qu’en septembre 2011, l’Organisation des Nations Unies a convoqué un Sommet de haut niveau sur la prévention et la maîtrise des MNT dans le monde. Une déclaration a été faite, déclaration endossée par tous les Etats membres, pour une action conjuguée dans la lutte contre les MNT. Donc c’est simplement dire que c’est une urgence aujourd’hui pour nos Etats de s’engager dans cette lutte. Autrement, c’est les maladies non transmissibles qui vont décimer le monde d’ici les 30 prochaines années.

Q : Docteur, avez-vous une idée sur la situation des MNT au Togo ?

Dr Agoudavi : Merci ! Tout d’abord, je voudrais brièvement rappeler ce que nous mettons dans le vocable MNT. Lorsque nous parlons en général des MNT, nous nous intéressons aux quatre principales MNT qui sont : le cancer, les maladies cardio-vasculaires, le diabète et les maladies respiratoires chroniques de même que les facteurs de risque communs à ces MNT entre autres : le tabagisme, la consommation nocive d’alcool, l’inactivité physique, l’obésité et une mauvaise alimentation.
Maintenant, revenons à la question. Je voudrais vous informer qu’au Togo nous avons réalisé en 2010 une enquête nationale sur les facteurs de risque communs aux MNT et cette étude nous a révélé que 16 % de la population togolaise des 15 à 64 ans sont à risque de développer ces 4 principales MNT, voire de faire un accident vasculaire cérébral dans les 10 prochaines années. Par ailleurs, selon cette étude, 1 togolais sur 5 de cette tranche d’âge est hypertendu et un peu plus de 100 000 personnes seraient diabétiques dans notre pays. Mais là où le bât blesse, c’est qu’on sait rendu compte que 9 personnes sur 10 ignorent leur état d’hypertendu ou de diabétique. Et c’est là, l’un des éléments qui expliquent le nombre de plus en plus élevé d’AVC que nous notons dans nos communautés.

Q : Alors Docteur, eu égard à cette situation que vous décrivez, qu’est qui est fait pour y remédier ?

Dr Agoudavi : Très bien ! Au niveau du Ministère de la santé, un programme spécifique a été créé en novembre 2011 dans le cadre de la mise en œuvre de la déclaration des Nations Unies sur la prévention et la maîtrise des MNT. C’est le PNLMNT dont nous avons la charge. En 2012, un document de politique et plan stratégique intégré de lutte contre les MNT 2012-2015 comportant six axes stratégiques a été adopté. L’un des axes stratégiques de ce plan porte sur l’action communautaire avec en ligne de mire la sensibilisation et surtout le dépistage des facteurs de risque communs aux MNT. Avec la sensibilisation et le dépistage, de plus en en plus de personnes découvrent leur statut et le principal problème que nous rencontrons aujourd’hui à ce niveau, c’est la disponibilité et l’accès aux soins de ces personnes vivant avec une maladie non transmissible, et ceci dans leur milieu de résidence.

C’est ce qui nous amène aujourd’hui à aller dans le sens de la décentralisation dans l’organisation des soins et du repositionnement de notre système de santé pour la prise en compte des MNT. C’est dire que nous voulons, dans le cadre de la couverture universelle des soins, rapprocher les soins MNT des populations en rendant disponibles dans un premier temps dans chaque région, les spécialistes, les infrastructures, les équipements et les médicaments pour la prise en charge de ces maladies. Et lorsque les moyens le permettent, l’étendre aussi dans les préfectures et districts. Il faut noter qu’à ce jour, 95 % des spécialistes MNT opèrent tous à Lomé. Il urge donc de corriger cette inégale répartition.

Q : Docteur, quand vous parlez de repositionnement de notre système de santé, à quoi faites-vous référence ?

Dr Agoudavi : C’est très simple. Aujourd’hui, avec l’épidémie de la Maladie à virus Ebola, la fragilité de nos systèmes de santé a été mise à nue. Nos systèmes de santé dans leur état actuel, ne répondent plus au profil épidémiologique de nos pays. Les signaux de cette fragilité étaient visibles depuis deux décennies. Parmi ces signaux, je peux vous citer le taux de fréquentation dans nos centres de santé.

Malgré une couverture territoriale en infrastructure sanitaire acceptable, les taux de fréquentation des centres de santé au Togo restent faibles. La population surtout adulte délaisse le système de santé pour recourir aux soins auprès des spiritualistes, des radiothérapeutes ou simplement, s’adonne à l’automédication devenant du coup leur propre médecin prescripteur. Nous avons essayé jusque-là de colmater les brèches par des stratégies de « renforcement périodique classique des capacités des agents de santé ». Aujourd’hui, ce n’est plus de ces renforcements de capacité classiques dont nos systèmes ont besoin, mais d’une véritable réorganisation structurelle et managériale avec pour finalité, la décentralisation et le rapprochement dans l’offre de soins de qualité à faible coût pour la population. Dans cette vision, nous devons aussi tous accepter le principe de rendre disponible, progressivement, des médecins généralistes dans nos unités de soins de santé primaires c’est-à-dire, dans le premier niveau de contact de la population avec le système de santé. Ceci nous permettra de redonner confiance à la population pour l’utilisation de nos services et améliorer les indicateurs sanitaires dans notre pays.

Par conséquent, ce repositionnement permettra à notre système de santé de riposter efficacement à toutes sortes d’enjeux sanitaire comme l’épidémie à virus Ebola. Voilà un peu brossé, ce que nous mettons dans le repositionnement du système de santé.

Q : Docteur, si vous le permettez, nous allons à présent parler un peu du cancer de sein. Quelles sont les causes de cette maladie et comment peut-on la prévenir ?

Dr Agoudavi : Pour ce qui concerne le cancer du sein tout comme les autres MNT, on ne trouvera pas de cause, mais des facteurs qui peuvent prédisposer une femme à développer un cancer de sein. Je vais un peu expliquer la relation causale que nous trouvons souvent entre une pathologie et un agent. Si je prends le cas du paludisme, l’agent ou la cause c’est la présence du plasmodium falciparum dans le sang de l’individu mais ce qui amène ce plasmodium dans le sang c’est la piqure de l’anophèle femelle.

Revenant au cancer du sein, comme je l’ai dit, nous n’avons pas de cause mais plutôt des évènements ou situations appelés facteurs de risque. Parmi ces facteurs de risque, nous pouvons citer le tabagisme, l’obésité, la consommation nocive de l’alcool. En dehors de ces facteurs des MNT, nous pouvons citer les facteurs hormonaux et héréditaires comme l’infécondité chez la femme, les antécédents de cancer du sein dans la famille.

Q : Alors Docteur une idée sur le cancer du col de l’utérus ?

Dr Agoudavi : Le cancer du col de l’utérus est l’un des cancers qui ont une cause infectieuse. Il est causé par un virus appelé Human Papilloma Virus communément abrégé HPV. C’est un virus qui attaque les cellules du col de l’utérus de la femme et qui peut y rester latent c’est-à-dire sans manifestations ou signes cliniques pendant 10 à 20 ans. Il est signalisé par des lésions appelées lésions précancéreuses qui peuvent se transformées à la longue en cancer. Et c’est en ce moment que la plupart des signes cliniques apparaissent notamment les douleurs et saignements vaginaux le plus souvent lors des rapports sexuels. Prévenir ce cancer est normalement très simple .Nous avons aujourd’hui des vaccins qui peuvent être administrés aux adolescentes et jeunes filles dans ce sens.

Q : A quand la gratuité des médicaments et du traitement de ces maladies ?

Dr Agoudavi : Pour la gratuité, c’est quelque chose qui est souhaitable mais il faut savoir qu’en réalité, rien n’est gratuit .Quelqu’un doit payer quelque part .Raison pour laquelle nous préférons d’abord aller sur le terrain de la subvention. Des efforts sont actuellement faits dans le cadre de l’assurance maladie INAM dans ce sens. Notre action aujourd’hui consiste à renforcer le plaidoyer et à amener, aussi bien les partenaires nationaux qu’internationaux, à intégrer la prévention et le contrôle des MNT dans leur agenda de politique et de développement.

Q : Mot de fin ?

Dr Agoudavi : Nous devons tous admettre que les MNT constituent une menace pour nos communautés et notre pays et qu’il urge de s’associer, chacun à son niveau, à l’action nationale de prévention et de maîtrise des MNT. Pour ce faire, j’invite la population togolaise à adopter des comportements sains pour prévenir les MNT de même que leurs complications.

Parmi ces comportements sains, je voudrais juste rappeler, l’arrêt du tabac ou l’éviction de la fumée du tabac, la réduction de la consommation d’alcool, la pratique d’une activité physique en occurrence 30 min de marche par jour, la prise d’un petit déjeuner sain composé de légumes à feuilles, de fruits frais, de céréales, de viande maigre et d'oléagineux produits localement. L’adoption de ces comportements peut contribuer à réduire le risque de développer une MNT et à éviter des complications chez les personnes qui sont déjà atteintes.

Je voudrais aussi inviter les femmes à faire l’auto examen mensuel de leur sein et à consulter un agent de santé à chaque fois qu’elles constatent la présence d’une boule ou anomalie dans leur sein.
Pour les jeunes filles et adolescentes, une vaccination contre le Human Papilloma Virus du cancer du col de l’utérus est vivement recommandée.


Merci Docteur !

Dr Agoudavi : C’est moi qui vous remercie.

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