« En politique, il faut déjà beaucoup de culture pour se contenter d’explications simples » (André Siegfried)
Au cours de son séjour ghanéen, le chef de l’Etat togolais a tenu un discours dans lequel il est abondamment revenu sur l’historique des relations entre le Ghana et le Togo. Des relations souvent heurtées depuis la lutte pour les indépendances jusqu’à ce jour.
En dépit des discours, le pouvoir de Faure Gnassingbé est toujours méfiant vis-à-vis du Ghana. Ce n’était pas pour le roi de Prusse que certains endroits de la frontière ont été fermés et des militaires postés le long de celle-ci lors de la manifestation du Combat pour l’alternance politique (CAP 2015) du vendredi 21 novembre dernier. La paranoïa d’un danger pouvant venir de l’Ouest est toujours présente dans la tête de ceux qui ont pris en otage les 56 600 km². « L’honneur que nous recevons de ceux qui nous craignent, ce n’est pas honneur », instruit le philosophe et moraliste français Michel Eyquem de Montaigne.
Abordant les relations tendues entre les Pères des indépendances ghanéenne et togolaise, le chef de l’Etat a déclaré : « Il n’est un secret pour personne qu’au moment où les luttes pour l’émancipation du joug colonial battaient leur plein, le panafricanisme total et passionné du premier Président ghanéen Kwame Nkrumah n’a pas été facile à concilier avec le combat du père de l’indépendance togolaise, Feu le Président Sylvanus Olympio, favorable à une Fédération des Etats unis d’Afrique au sein de laquelle le Togo n’entendait pas diluer son identité ». Des propos qui vont faire pouffer de rire des historiens et autres intellectuels qui s’exclameront : « Tiens, quel est ce chef de l’Etat qui ne maîtrise pas l’histoire de son pays ! ».
En effet, l’histoire est une science basée sur des faits vérifiables. Elle n’est pas le fruit de l’imagination. En déclarant que le premier Président du Togo militait pour une « Fédération des Etats unis d’Afrique au sein de laquelle le Togo n’entendait pas diluer son identité », Faure Gnassingbé a servi une fable, à l’image de ces nombreuses galéjades qui ont été apprises aux Togolais pendant la période de gloire du parti unique et du Général-président. Sûrement que Gilchrist Olympio était gêné en écoutant son allié travestir les idées de son géniteur. Mais il ne pouvait pas monter sur le podium pour tenter de rectifier le tir. Quel malheur ! A l’automne de sa vie, Gilchrist Olympio ne fera rien pour réhabiliter la mémoire de son père dont les idées pour un continent africain développé restent d’actualité. En outre, peut-on parler de « fédération » qui est déjà un regroupement des Etats et dire en même temps « Etats unis d’Afrique » ? « Fédération des Etats unis d’Afrique » ? Quelle bourde !
Pour notre part, nous reproduisons pour la gouverne de Faure Gnassingbé, un extrait des idées que Sylvanus Olympio a développées dans une tribune publiée le 1er octobre 1961 dans « Foreign Affairs », un bimestriel du Conseil des relations étrangères basé à New York : « Nous suggérons comme alternative au terme « panafricanisme », le mot « coopération », conscients du fait que pour construire une maison, on commence par la fondation et non par le toit. Nous pensons qu’une politique de coopération active de bonne foi apportera au peuple africain les résultats les plus bénéfiques. Une telle politique ne doit pas commencer dans un amalgame politique général, mais plutôt dans un accord consenti librement dans les domaines économique et commercial ».