Ameyi Gabriel a mis en gage auprès de deux hommes d’affaires une même maison qui se trouve au Ghana. Le premier a déjà revendu la maison, le second a porté plainte et alerté Interpol à Accra, Lomé et Paris… Afrika Express a pu consulter les premières dépositions du président de la Fédération Togolaise de Football (Ftf) et s’entretenir avec Akakpovi et Ajavon. En exclusivité !
Couloirs et décors
Ameyi Gabriel, sulfureux président de la Fédération togolaise de football, ancien député du parti au pouvoir. La cinquantaine, ce roitelet de Womè, sud-est du Togo (140 km de la capitale) a fait fortune dans le de bois et s’est accroché à l’institution sportive qu’il est accusé de gérer au pifomètre. Ajavon Sébastien, passionné du football, ancien président de la Ligue professionnelle du Bénin, c’est un homme d’affaires intègre et exigeant, bien évidemment opposé à la gestion de son pays par Yayi Boni qu’il combat assidûment.
Il dispose d’un immense réseau dans le monde. Pierrot Akakpovi, un homme d’affaires togolais proche du régime de Faure avant de tomber en disgrâce. Il est accusé d’avoir financé la campagne électorale de l’opposition. Après Dakar et Paris, il a fini à Accra où il s’investit dans l’agriculture. TIEM René est l’intermédiaire qui a introduit Ameyi à Ajavon. Afrika Express s’est entretenu au téléphone avec Akakpovi et Ajavon. Contrairement à ce que nous avons pu publier plus tôt, Ameyi a été interpellé, non pas chez lui, mais à l’aéroport de Lomé, par l’Interpol qui l’y attendait avec un ordre d’amener de la justice. Si Akakpovi évoque aisément les montants, Ajavon ne veut rien à dire et le montant de 700 millions le concernant nous est parvenu d’une source judiciaire. Il était à Paris et aussitôt informé, il a pris ce matin l’avion pour Cotonou où il a atterri ce soir.
Chambre
Dans une déposition qu’il a faite ce matin, dès son arrivée à la Police Judiciaire et dont nous avons pu consulter des extraits en cette fin de journée, Ameyi Gabriel ne nie pas les faits. Bien au contraire, il a donné des précisions croustillantes aux officiers qui l’ont écouté. Contrairement aux premières informations à nous parvenir, il ne s’agit pas exactement d’une double vente, même si le plaignant a formulé sa plainte de cette manière. De nos investigations, il convient de signaler qu’il s’agit au départ d’un prêt qui devrait « automatiquement » devenir une vente en cas de non-respect des closes. Selon les indiscrétions, l’échéance était de 9 mois. Mais avant de céder la maison à Sébastien Ajavon, le richissime béninois, il avait déjà, contre la même garantie, sollicité et obtenu, grâce à un ami commun à eux (le propriétaire de l’hôtel Novela Star), un prêt de 950 millions en coupure de 500 euros et 100 dollars. Somme transportée en espèce. Malheureusement, il ne parviendra pas à honorer ses engagements comme convenu dans le contrat. Mieux, le président de la Ftf malgré sa ‘’volonté’’ ne parviendra pas à se tirer de cette affaire puisque ayant sentir le danger venir, il a aussitôt mis en vente à Lomé plusieurs de ses maisons et chantiers. Pas de preneurs, il s’agit de « maisons trop grandes, compliqués et difficilement exploitables« , confie un de ses agents immobiliers.
N’ayant plus le choix alors que les dettes s’accumulaient, il opta pour la solution’’ prêt contre garantie’’. Dans les mêmes conditions. C’est-à-dire: passé le délai de paiement, le bien peut passer sous saisine. C’est dans ces conditions que, Ajavon a procédé à plusieurs virements et à des remises en espèces au président de la Fédération togolaise de football. Mais puisqu’il ne payait pas selon les échéances conclues, l’avocat de Ajavon lui aurait proposé l’achat de la maison par son client, contre un complément du prêt. Et c’est au cours de ses démarches que le pot au rose a été découvert. Les représentants de Sébastien Ajavon se sont rendu compte que la maison était déjà mise en gage auprès de Akakpovi qui a déjà tenté une action en justice à Accra pour se l’approprier. De nouvelles propositions sont faites à l’homme d’affaires béninois, qui aurait patienté vainement. « J’ai dû saisir l’Interpol à Accra et à Lomé et la justice » a-t-il confié à Afrika Express avant d’ajouter, « venant de Paris ce soir, je ne sais pas encore où on en est j’en parlerai plus tard » conclut-il, laconique.
Antichambre
Si Ajavon, lors de l’entretien avec notre rédaction est resté bref et a préféré s’informer avant de communiquer, Akakpovi est plutôt un homme en colère qui s’est senti « trahi » par quelqu’un à qui il faisait confiance. « Le terrain avait deux titres fonciers » puisque ce sont deux terrains achetés séparément, explique-t-il. « Moi j’ai saisi le juge pour en faire un seul titre, je n’ai rien à voir dans cette affaire », d’autant que « j’ai revendu la maison depuis » dit-il avant de souhaiter ne « plus entendre parler de cette affaire qui m’a poussé à l’exil« . Mais même si l’affaire est réelle, le rebondissement subit est suspect.
Quelques mois avant la fin de son mandat, Ameyi Gabriel avec qui Faure Gnassingbé a coupé tout lien depuis plusieurs années reçoit un émissaire du président de la République dans son Château de Womé. Le chef de l’Etat « ne voudrait pas qu’il se représente encore à sa propre succession à la tête de l’institution sportive« . Le président sortant a demandé une période de réflexion pour décider, Faure perçoit cela comme « un outrage » et la machine est lancée pour le terrasser avant l’élection à la Ftf. Tout serait sans doute parti de là, « car entre temps, les relations de Ameyi avec Ajavon se sont détériorées totalement. C’est la bonne occasion » a confié une source digne de foi. Difficile de ne faire aucun lien d’autant que Faure a un candidat pour la présidence de la Ftf pour laquelle Ameyi rempile aussi. Plus curieux encore, l’arrestation intervient à la veille d’un important congrès qui détermine le scrutin à venir.
Ameyi a été écouté plusieurs fois déjà, ses avocats ont eu accès au dossier. A l’heure actuelle, tout porte à croire qu’il sera rapidement déféré dans cette affaire, une manière de tuer quelqu’un qui tient à rempiler au poste de président de la fédération, malgré les voix discordantes. Dans tous les cas, la loi l’y autorise. Alors que nous mettons cet article sous presse, des flots d’informations parviennent à notre rédaction. Nous y reviendrons !