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Togo: Rencontre Faure-Fabre du 22 novembre, ce que vous n’en savez pas, le dessous des tables
Publié le dimanche 7 decembre 2014  |  afrika express


© Autre presse par DR
Rencontre entre Faure Gnassingbé et Jean-Pierre Fabre


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Le lendemain des grandes manifestations du 21 novembre dernier, le président de la République et le chef de file de l’opposition se sont rencontrés. La presse a dit peu sur le contenu de la rencontre, Afrika Express a mené l’enquête. Dans les coulisses du palais et auprès des personnes présentes, pour concocter le compte rendu d’une audience qui ne fut pas une mer tranquille.


«Je n’ai tiré aucune pertinence de cette rencontre, le sujet principal n’est pas notre cher pays, c’est moi, ma personne… » a lâché Faure Gnassingbé juste à la fin de la rencontre, nerveux. Avant d’avaler comme il sait le faire en cas de montée de nerfs, un verre de cognac en trop. « Nous avons vu un chef d’Etat fébrile » confient Jean Pierre Fabre et ses accompagnateurs, « qui ne semble être au courant de rien » ajoutera un membre du trio reçu. Pourtant, d’un côté comme de l’autre, cette rencontre a été celle de la vérité et des colères. Prudent, courtois, direct, "parfois même souriant" , Fabre avait la maitrise de la situation, pour un opposant qu’on savait "hasardeux et arrogant" .

De l’autre côté, non seulement la fiche balancée au président de la République la veille comportait quelques erreurs, notamment sur Arc-en-ciel, mais Faure était braqué et colérique, comme si la rencontre est l’anamnèse du requiem de son régime. Afrika Express a cherché à savoir ce qui a été dit et comment, sa rédaction s’est entretenue avec des gens qui y ont pris part mais aussi les petits sorciers qui, dans l’ombre de l’opposant comme du président, ont préparé cette rencontre historique.

L’idée et la suite ?



Elle ne vient ni de Faure, ni de Fabre. Elle vient tout droit du Quai d’Orsay, à en croire Fabre. Quelques jours avant la rencontre, il convoque l’Etat-major de CAP 2015 et leur avance l’information. « On m’a demandé du Quai d’Orsay d’introduire une demande pour voir le Président de la République, urgemment » avait-il avancé sans autres précisions. La rapidité avec laquelle la présidence a donné une suite à l’audience confirme une autre information qu’avait l’opposant, « on mettra la pression sur le Président pour qu’il vous reçoive sans délai« . Chose faite dans la foulée. La présidence de la République appelle et confirme le rendez-vous. Mais Fabre, dont on dit qu’il a beaucoup changé depuis les législatives insiste pour ne pas aller seul, « avec deux personnes » a-t-il proposé. Requête acceptée de l’autre côté !


Mais qui ira ? Bassabi Kagbara, président tournant de Arc-en-ciel tient à y aller, mais il n’exprimera maladroitement ce désir qu’au dernier moment. Alors que le débat va bon, alors que Patrick Lawson se voyait « naturellement » aux côtés de Fabre pour la rencontre, pendant que Eric Dupuy ne pouvait pas penser en être écarté, l’idée d’une délégation « représentative » surgit. Fabre acquiesce sans hésiter. Et c’est Gerry Taama, président du NET (Nouvel Engagement Togolais) suspecté, parti tantôt semi radicalisé, tantôt excessivement modéré, souvent aux positions « discordantes » qui propose, au hasard, « Adjamagbo-Johnson et Abi Tchessa« . Le consensus fut immédiat. En apparence. La première est l’un des derniers fondements de la CDPA (Convention Démocratiques des Peuples Africains), petit parti urbain et intellectualiste, relique passionnée si ce n’est passionnelle des utopies idéologiques d’au-lendemain de la chute du Mur de Berlin.



Mené pendant plusieurs années par le Prof Léopold Gnininvi, ce parti apprécié des élites, très à gauche et disposant d’un immense réseau sous-région, reste pour les Togolais une référence illusoire malgré « le respect et le crédit » qu’il incarne. Le second est à la tête d’un parti hybride, mi- socialiste au contenu insaisissable et à la popularité tout aussi aléatoire. Mais il a l’avantage, dans un pays où la politique se joue sur les susceptibilités tribales, d’être de la même région que le président de la République et de pouvoir, encore faudrait-il qu’il en ait les moyens, y rivaliser avec le régime. Pour une fois, l’opposition qu’on accuse d’être méridiono-sudiste fait de « bons choix« . Première surprise du côté du pouvoir, « Fabre n’est pas venu avec ses acolytes de l’ANC« , Isabelle Améganvi et Patrick Lawson, dont ! Seconde surprise, bien qu’il soit le chef de la délégation, Fabre a demandé aux deux autres « comment voulez-vous que ça se passe ? » et a tenu compte de leurs points de vue. Tactique rare chez cet autoritariste, fin et malin.

Déroulement de la rencontre, détails près

Du côté de Faure, la rencontre a été préparée au centimètre près. Avec des détails protocolaires. Une chambre décorée sobrement, avec insistance sur les armoiries de l’Etat pour ressortir le côté autorité. « Faure veut paraître président de la république face à ses opposants » confie l’un de ses lieutenants à l’auteur de ces lignes. « Il avait jusqu’au dernier moment des doutes…


« . Avant que les opposants n’y soient introduits, il les y attendait. Impatiemment. Avec trouille. D’entrée de jeux, Fabre présente le décor dans une brève introduction. « Vous savez sans doute pourquoi nous sommes là…« , le chef de l’Etat fait mine d’ignorer et se détend les nerfs. Après l’introduction du chef de délégation qui évoque l’urgence des réformes, « avant l’élection présidentielle de 2015« , le chef de l’Etat reprend aussitôt la parole. Il fait une longue « digression » et s’offusque de ce que les opposants soient à l’image de la rue.


L’atmosphère crispe, Faure persiste, n’ose pas regarder de face ses interlocuteurs, évite obstinément Fabre qui le regarde de face. Une dizaine de minutes d’argumentations qui tiennent à peine, avec insistance sur le fait qu’on veut juste l’empêcher d’être candidat. Fabre sourit, ne lui coupe la parle à aucun moment. Abi Tchessa reste très discret, suit tout et prend notes.


Quand Fabre insiste sur des réformes avant l’élection, Faure revient sur ce qu’il lui avait dit plus tôt. « On passera par le parlement, comme je vous l’avais dit« . La seule femme du groupe sort ses gongs, presque brutalement. » Vous avez la clé à tout cela » insiste la candidate « très » malheureuse de la CPDA à la présidentielle de 2010. « Nous avons, nous-mêmes installé les institutions, elles ne serviraient à rien si nous les écartons quand il s’agit de questions aussi délicates que les réformes » s’époumone le chef de l’Etat. Faure dira, ébranlé et pris de court, « Au moins Arc-en-ciel n’est pas du tout de votre avis…« , « faux » rétorque en passe le trio, « je suis membre et représentante de Arc-en-ciel, Monsieur le président » dira la dame qui ajoute que la coalition « modérée » a les mêmes positions que CAP 2015. Le chef de l’Etat jette un coup d’œil habile sur ses fiches de notes, il a été mal renseigné.


Le dialogue reprend, Faure tente de monopoliser la parole, la femme lui serait rentrée dedans : «C’est vous qui avez la solution » sermonne la dame. Fabre va dans le même sens. L’atmosphère se dégrade. Faure commence par trembler des mains, signe de fébrilité et de colère chez le président togolais. Tchessa place quelques mots. Avec la tranquillité qui le caractérise. Le chef de l’Etat reçoit un sms. « C’est un conseiller qui lui propose de couper court« . Charles Débbasch disent certains, le sulfureux français souffrait d’une persistante fièvre depuis plusieurs jours, Barry Moussa Barqué, pronostiquent d’autres…

L’ancien ministre de l’économie n’est plus écouté par le Prince qu’il a qualifié « d’ingrat », propos à la sémantique insultante que n’a pu digérer le rancunier président de la République. Faure ramène la balle à terre, promet de faire ce qu’il pourra pour les réformes, tout en insistant sur le fait qu’on ne « doit en aucun cas » chercher à l’écarter personnellement. « J’ai hérité de cette constitution » dira-t-il, très en colère, à son ministre des affaires étrangères, présent à la rencontre. « La France veut foutre la merde chez nous, elle n’y parviendra pas » a alerté le président de la République à ses proches à la fin de la rencontre. Une chose est certaine, le président a eu un appétit bien modeste au déjeuner.


Traumatisant pour quelqu’un qui a du mal à se réserver devant les plats de dos de saumon fumé et de riz à la sauce blanche. Mais quand on rencontre un trio aussi teigneux que Fabre-Adjamagbo-Tchessa, ce n’est pas évident de garder sa « gourmeterie » intacte !

MAX-SAVI Carmel

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