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Interview de Me Yawovi AGBOYIBO : «Les esprits sont divisés à UNIR sur l’abandon du mandat présidentiel illimité et du mode de scrutin à un tour»
Publié le mercredi 17 decembre 2014  |  AfreePress


© Autre presse
Maitre Yaovi Agboyibo, parrain du parti CAR, Comité d`Action pour le Renouveau


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Il est affectueusement surnommé par ses partisans : « Le Bélier de Kouvé » ou « L’animal politique ». Lui, c’est l’actuel président d’honneur du Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) Me Yawovi AGBOYIBO. L’homme n’hésite pas à descendre dans l’arène « médiatico-politique » togolaise lorsque les circonstances et le débat l’exigent.

A la faveur du débat qui a cours autour de la question des réformes constitutionnelles et institutionnelles, cet ancien président des travaux du Dialogue national ayant débouché sur l’APG (Accord Politique Global) revient dans cette interview sur la compréhension qu’il se fait du principe de la rétroactivité.

La non-rétroactivité, diti-il, peut se concevoir pour le « premier mandat que le Président Faure Gnassingbé a exercé de 2005 à 2010 ». « Elle ne peut en revanche s’appliquer au second mandat que le Président en exercice a débuté en 2010 et qui n’est pas révolu à ce jour », souligne-t-il et de mettre l’accent sur le fait que plusieurs responsables de CAP 2015 ont déclaré sur des médias qu’il « n’existe pas d’obstacle juridique à ce que le Président en exercice brigue un nouveau mandat ». Le parti au pouvoir UNIR a-t-il la même vision des choses que lui ?

Sur le sujet, Me Yawovi AGBOYIBO fait une révélation. « En réalité les esprits sont divisés à UNIR sur l’abandon du mandat présidentiel illimité et du mode de scrutin à un tour », avance-t-il. Lire l’intégralité de l’entretien accordé à l’Agence de presse Afreepress.

Afreepress : Depuis le mois de novembre, le pays est confronté à un bras de fer entre l’opposition et les partisans du pouvoir à propos des réformes institutionnelles et constitutionnelles, notamment au sujet de la limitation du mandat présidentiel et sur le point de savoir, au cas où le nombre de mandats serait limité à deux, si le Président de la République en exercice peut être candidat au prochain scrutin présidentiel.

Quelle est votre opinion sur le sujet ?

Yawovi AGBOYIBO : Si j’ai accepté de me prêter à cet entretien, c’est exclusivement en ma qualité de juriste et pour avoir dirigé le Dialogue national de 2006 clôturé par l’APG. Le volet concernant les réformes institutionnelles ne peut s’appliquer sans qu’on ait à l’esprit les préoccupations qui ont guidé les discussions.

Pour venir à votre question, je constate à l’écoute des points de vue du pouvoir et de l’opposition un consensus sur la nécessité de limiter le mandat présidentiel. Je m’en réjouis. C’est parce que le mandat présidentiel était illimité et couplé avec le mode de scrutin à un tour, que le même bord politique a pu garder le pouvoir pendant près de 50 ans et s’en est servi pour verrouiller toutes les institutions de gouvernance des libertés publiques, des consultations électorales et des richesses nationales.

Les populations ne peuvent pas indéfiniment supporter les travers que le Chef de l’Etat a dénoncés dans ses messages à la Nation du 31 décembre 2012 et du 26 avril 2013 en parlant d’accaparement des richesses nationales par une minorité. Les citoyens finissent par en être surchauffés. Il faut éviter de faire sauter le couvercle. C’est sans doute pour en avoir pris la température que le Chef de l’Etat a fait initier en juin 2014 par le gouvernement, un projet de révision constitutionnelle comportant entre autres, la limitation du mandat présidentiel et le mode de scrutin à deux tours.

Le projet a été malheureusement rejeté le 30 juin 2014 par l’Assemblée Nationale parce que les députés UNIR ont estimé qu’il fallait faire reconnaitre par l’opposition que les réformes à opérer ne peuvent pas être rétroactives et empêcher le Président en exercice de briguer un nouveau mandat.

Le projet, à l’initiative du CAR et de l’ADDI, a été repris par l’opposition, sous forme de proposition de réformes constitutionnelles. A l’occasion de l’examen de la proposition, la divergence a refait surface.

Afreepress : Quelle est alors, à votre avis, la manière de surmonter ce désaccord ?

Yawovi AGBOYIBO : La polémique aurait été moindre si on s’était aperçu que la non-rétroactivité ne s’applique qu’à des situations révolues et qu’il fallait procéder à l’application par mandat. Dans cette optique, la non-rétroactivité se conçoit pour le premier mandat que le Président Faure Gnassingbé a exercé de 2005 à 2010. Elle ne peut en revanche s’appliquer au second mandat que le Président en exercice a débuté en 2010 et qui n’est pas révolu à ce jour.

Ce point de vue n’est pas un compromis à concéder par l’opposition mais la réponse qui s’impose au regard du droit à la question posée.

Afreepress : Est-il partagé par vos partenaires de l’opposition ?

Yawovi AGBOYIBO : Des responsables du CAP 2015 ont déclaré sur les médias qu’il n’existe pas d’obstacle juridique à ce que le Président en exercice brigue un nouveau mandat.

Afreepress : S’il en est ainsi, pourquoi fait-on circuler au sein de la population que c’est le refus par l’opposition de concéder ce nouveau mandat qui est la cause du blocage des réformes ?

Yawovi AGBOYIBO : Il y a effectivement de quoi s’en intriguer. Rien ne justifie la clarification que réclament les députés de l’UNIR à l’opposition. Elle découle de l’application des principes de référence en la matière. Sa réclamation s’apparente davantage à une manœuvre. En réalité les esprits sont divisés à UNIR sur l’abandon du mandat présidentiel illimité et du mode de scrutin à un tour. Certains d’entre eux préfèrent que les réformes soient opérées après le scrutin présidentiel de 2015 dans le but de faire couvrir le mandat en cours par la non-rétroactivité et d’offrir par là au Président en exercice la faculté de briguer deux nouveaux mandats de 5 ans au lieu d’un. D’autres vont plus loin : ils trouvent absurde que l’UNIR abandonne de son propre gré un système de mandat et un mode de scrutin grâce auxquels il a gagné dans le passé toutes les élections présidentielles et qui lui garantissent à l’avenir la pérennité du pouvoir.

Afreepress : Mais d’aucuns pensent que le blocage des réformes provient plutôt des rangs de l’opposition où certains, tout en revendiquant publiquement les réformes, agissent dans l’ombre pour les empêcher de manière à maintenir le mode de scrutin à un tour et justifier la nécessité d’une candidature unique de l’opposition. Qu’en dites-vous ?

Yawovi AGBOYIBO : Je n’ai pas de commentaire à faire à ce propos. J’ai la conviction ferme que, dans le contexte actuel, la candidature unique est une stratégie erronée pour parvenir à l’alternance. Je ne pense pas, en dépit des apparences, qu’elle soit la façon la plus indiquée de réaliser la dynamique unitaire propice à la réalisation de l’alternance.

Je disais plus haut que le mandat présidentiel et le mode de scrutin à un tour constituent les deux piliers du régime en place. La grande illusion à ne pas servir à nos populations est de leur faire croire que l’opposition peut réaliser l’alternance sans faire tomber ces deux piliers, pourvu qu’elles se mobilisent derrière un candidat unique.

Les actions de l’ombre dont vous parlez sont d’autant plus contreproductives que les conditions sont aujourd’hui réunies pour l’adoption de la proposition de réformes comportant entre autres, la limitation du mandat présidentiel et le remplacement du scrutin à un tour par un scrutin à deux tours.

Par cette adoption la victoire sera désormais à portée de main. Il suffira à l’opposition de substituer la dynamique unitaire actuelle bâtie sur l’idée de la candidature unique à une dynamique unitaire construite sur le mode de scrutin à deux tours : tous les candidats potentiels mobilisent chacun son fief au premier tour et se retrouvent derrière celui qui viendra à être qualifié pour le second tour.

Afreepress : Votre mot de fin ?

Yawovi AGBOYIBO : Merci à Afreepress et à ses lecteurs.

Interview réalisé par A.G.



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