Togo - Depuis lundi, les prix de deux produits de pétrole ont été réaménagés à la pompe sur décision du gouvernement. Une décision intervenue cinq (5) jours plus tôt, suite à une pression constante et permanente exercée sur le gouvernement aussi bien par les organisations de la société civile que la presse. Surtout face aux réalités du marché mondial marqué par une chute sans précédant du prix du baril de pétrole. Mais trois jours après la mise en exécution de cette nouvelle décision, des interrogations subsistent toujours.
Que ce soit les organisations et associations de la société civile togolaise regroupées au sein de la «Coalition contre la vie chère» ou encore la presse, chacun aurait tenu la dragée haute. « La dernière parution de votre journal Fraternité aurait été la dernière bulle qui aurait fait sauter la capsule » déclarait à tord ou à raison un de nos lecteurs. Ne pouvant plus continuer par jouer au caïd devant une situation qui a longtemps pesé sur la le quotidien du togolais lambda, le gouvernement a fort heureusement réagi au travers d’une décision prise la semaine dernière au Conseil des ministres, laquelle ordonne une baisse des prix des produits pétroliers au Togo.
Ainsi, à compter de lundi 15 décembre dernier, l’Essence Super Plomb est passé désormais de 655 à 610 f cfa, soit une réduction de 45 f Cfa. Aussi, le Gasoil a été rabaissé de 679 à 655 f Cfa, soit une légère différence de 14 f Cfa. Toutefois, les prix du Pétrole lampant et du Gaz butane restent toujours inchangés. Une mesure conforme, précise le gouvernement, au mécanisme consensuel de la vérité des prix.
Aujourd’hui, l’on peut malgré tout s’estimer heureux de cette décision qui, bien qu’insignifiant surtout au regard des pesanteurs socioéconomiques dont font face les togolais au quotidien. Ceci, puisqu’elle contribuera un tant soit peu à les soulager partiellement de leurs souffrances. Mais un petit regard rétrospectif laisse présager une situation peu claire.
En effet, dans un contexte géopolitique particulièrement tendu et une production en nette recul, le baril de pétrole avait connu en décembre 2013, une légère augmentation. Ce qui le portait à 80,7 dollars. Soit une augmentation de 2,8%. Atteignant ainsi son plus bas niveau de production depuis mai 2011. Une raison toute valable pour le gouvernement togolais, comme partout ailleurs, a procédé dès janvier 2014 à un réaménagement des structures des prix.
Mais seulement, expliquant cette mesure, le gouvernement togolais n’a mieux fait que de se perdre dans une ambiguïté marquée par deux versions antinomiques qui n’avaient pas véritablement permis aux consommateurs de se retrouver en voyant véritablement clair dans cette affaire.
Il nous souvient que la ministre du Commerce, Bernadette Balouki- Lègzim avait, dans ses explications fait comprendre aux togolais d’une part que ce réaménagement des prix des produits à la pompe était une résultante de la vérité des prix. De l’autre, elle avait également laissé entendre, quelque moment après que le gouvernement s’était plutôt retrouvé dans l’obligation de mettre fin aux subventions des produits pétroliers. Une injonction qui émanerait des institutions partenaires de Breton Wood notamment le Fonds Monétaire International (FMI).
L’on était encore là quand le cours du baril à l’international a de nouveau amorcé la courbe contraire. Et cette fois avec une chute des plus surprenantes. Depuis fin août -début septembre 2014, le prix du baril à l’international ne cesse de connaitre une baisse sensible depuis 2008. De 61,87 dollars en Septembre, l’on en est aujourd’hui (depuis dimanche dernier) à 56,24 dollars, tombant même pour l’une des rares fois en bas du seuil des 60 dollars. Et avec cette chute sensible, le baril perd ainsi 45% de sa valeur depuis juin dernier. Et logiquement, le prix doit être conséquemment revu à la baisse toujours conformément à la vérité des prix. Sauf que ce réaménagement actuel du prix ne reflète en rien cette vérité des prix.
Tenez, si avec 80,7 dollars, l’Essence super plomb coutait 655 F cfa au Togo en janvier 2014, il n’y a donc pas de raison qu’il coute aujourd’hui 610 f Cfa pendant que le baril ait chuté à 56,24 dollars. Au contraire, une analyse rapide et croisée amène plutôt à entrevoir une baisse presque de moitié surtout que la différence est près de 25 %.
Mais aussi paradoxal que cela puisse paraitre, le gouvernement qui, entre-temps, annonçait sursoir aux subventions des produits pétroliers, revient de nouveau à la charge en annonçant avoir subventionné les produits à plus 12 milliards f Cfa en l’état actuel. En somme un véritable mystère qui entoure la véritable structure des prix au Togo.
Aujourd’hui, il est question de savoir où se trouve donc la vérité. Toujours se soumettre aux désidératas des colons au col blanc en épinglant les togolais dans leur apathie ou s’agit-il plutôt d’un flou nauséabond savamment entretenu pour maintenir tels les prix sans grand changement ? Cette question, les togolais se la pose.
Surtout que l’approvisionnement est annoncé se faire périodiquement par trimestre, les togolais doivent-ils encore assister à une prochaine augmentation des prix à la pompe dès mars 2015, surtout si tant est que la dernière commande ait été réceptionnée en ce mois de décembre ? Où le moment venu, le gouvernement puisera t-il simplement dans la marge générée par cette situation «anormale» des prix pour juguler la situation qui devra prévaloir? La question est encore là !
Aujourd’hui, loin de jeter de l’opprobre sur les gouvernants, nous espérons plutôt contribuer à l’enrichissement du débat au sujet des prix des produits pétroliers qui emballent la majorité des populations togolaises. Lequel débat, nous l’espérons, permettra dans la mesure du possible à réparer le tort s’il y a lieu. Car l’attente est grande et une telle réparation, nous en sommes sûrs, contribuera à détendre l’atmosphère sociopolitique trop morose ces temps-ci. Surtout à l’approche d’un scrutin aussi important que sensible que la prochaine présidentielle de 2015.
Ces associations de défense des consommateurs n’ont que trop raison de réclamer une nouvelle baisse. Elles n’ont que trop raison.
C’est à se demander où est réellement la vérité des prix ?