"La question des réformes constitutionnelles et institutionnelles est au cœur de l’actualité politique au Togo.
Alors que l’opposition semble en faire un préalable à la tenue de la présidentielle à venir, le pouvoir traîne les pieds et n’accepte la nécessité des réformes que du bout des lèvres. Et pour cause !
Les amendements intervenus en 2002 visaient simplement à maintenir le pouvoir dans les mains de ceux qui le détiennent actuellement. Ils ne le disent pas mais sont convaincus que les réformes risquent de leur faire échapper le pouvoir. D’où la réticence même si officiellement, tous semblent admettre la nécessité des réformes.
Il est important pourtant de réformer. Un adage asiatique dit que « tout change sauf le changement».
Bien plus, il y a d’importantes raisons à opérer les réformes réclamées et ce avant la présidentielle de 2015.
1/ Les réformes constitutionnelles et institutionnelles ont été prévues par l’Accord Politique Global (APG)
Le point 3 de l’APG est intitulé « la poursuite des réformes constitutionnelles et institutionnelles nécessaires à la consolidation de la démocratie, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance »
Au point 3.2 ; il est stipulé clairement que « les parties prenantes engagent le gouvernement à étudier les propositions de révision constitutionnelle notamment : le régime politique, la nomination et les prérogatives du Premier ministre, les conditions d’éligibilité du président de la République, la durée et la limitation du mandat… ».
Il est donc clair que la limitation du mandat a été décidée par toutes les parties.
De la même manière, le scrutin à 2 tours entre dans l’intention des acteurs politiques signataires de l’Accord Politique Global.
Ainsi, au point 1.2-3 de l’APG, en ce qui concerne les élections législatives, il est clairement demandé au gouvernement d’opter soit pour le mode de scrutin proportionnel, soit pour le scrutin uninominal majoritaire à 2 tours.
Le scrutin proportionnel n’étant pas applicable à la présidentielle, il faut par analogie choisir pour celle-ci le scrutin uninominal majoritaire à 2 tours. Il y est expressément dit que ces 2 modes de scrutin sont ceux « susceptibles de garantir des élections libres, démocratiques et transparentes ».
Compte tenu de tout ce qui précède, il est évident que le scrutin à 2 tours et la limitation des mandats ne sont plus à négocier. Tous nous savons que les conventions conclues tiennent lieu de loi pour leurs auteurs.
Refuser les réformes constitue une violation de l’Accord Politique Global.
Les réaliser constitue une saine application de l’APG conclu par les acteurs politiques tant du pouvoir que de l’opposition.
2/ La CVJR a repris à son compte la question des réformes et les a formellement prescrites dans ses recommandations.
3/ La constitution de 1992 avait déjà prévu ce qui est demandé.
La constitution de 1992 votée par référendum avait prévu 2 tours de scrutin et la limitation des mandats à deux (2). La constitution ayant été votée par le peuple dans son ensemble, il eut été plus judicieux s’il fallait revenir sur lesdites dispositions, de le faire également par référendum. Les amendements ayant été opérés par l’Assemblée Nationale, il y a eu en quelle sorte violation de la volonté du peuple. Revenir aux dispositions de la constitution de 1992, c’est rétablir la volonté du peuple. Il faut donc réformer.
4/ Le scrutin à 2 tours est plus démocratique en permettant au peuple de s’exprimer 2 fois et permet la rationalisation des choix individuels.
5/ Le scrutin à 2 tours confère plus de légitimité à l’élu en permettant de porter son score à plus de 50% des suffrages exprimés alors que le scrutin à un tour peut aboutir à l’élection d’un président avec 15 voire 10% des voix en cas de multiplication des candidatures et de l’émiettement des voix qui en résulte.
6/ La limitation à 2 mandats permet d’éviter l’usure du pouvoir, l’immobilisme et le vague à l’âme de l’homme au pouvoir. La charge de travail au poste de président de la République est tellement élevée qu’au bout de 10 ans, l’on ne peut plus raisonnablement donner le meilleur de soi-même. Le Président Blaise Compaoré confiait à ses proches quelque temps avant que le pouvoir ne lui échappe qu’il était « fatigué de tout cela ». Le pouvoir fatigue et l’on doit le quitter avant qu’il ne vous quitte !
7/ La limitation à 2 mandats permet de renouveler la classe politique en stimulant les ambitions et la créativité des uns et des autres. Elle permet à tous les partis prétendant à la présidence de la République d’élaborer et de soutenir des programmes politiques alternatifs.
Bref, elle entretient l’appétit du pouvoir, l’alternance qu’elle rend possible et favorise par cela même le renouvellement des élites politiques et des idées. Elle favorise en outre, l’apprentissage politique.
8/ La limitation des mandats participe au respect du principe de l’égalité de tous devant l’emploi public. En effet, il est un droit pour chaque togolais qui en remplit les conditions de postuler à la fonction de président de la République. Le fait qu’une seule personne puisse l’occuper pendant très longtemps porte atteinte aux droits des autres à faire valoir leurs ambitions. En effet, la prime au sortant qui existe au profit du président sortant qui se représente annihile pour une grande partie les chances des nouveaux venus d’être élus. D’où la nécessité après chaque 10 ans maximum de remettre tous les candidats sur un pied d’égalité en ne permettant plus au sortant de se représenter.
9/ La limitation des mandats permet de lutter contre la corruption en ce que la perspective d’une alternance au pouvoir dissuade les responsables de l’administration précédente de s’enrichir ostensiblement sans crainte comme c’est le cas lorsque les régimes perdurent. En effet, la crainte d’éventuelles poursuites est de nature à dissuader les prédateurs. L’alternance rendue possible par une limitation des mandats est donc un gage de bonne gouvernance.
10/ Les réformes institutionnelles (CENI, HAAC, Cour constitutionnelle) quant à elles rendent fiables et transparents les processus et les opérations électorales.
Elles sont le gage de la paix après les élections en raison de ce que les résultats seront plus facilement acceptés.
Compte tenu des raisons qui militent en faveur de la limitation du nombre des mandats à deux (2), il est évident que même si l’on ne prévoit pas formellement que la loi la prévoyant soit rétroactive, il est tout de même souhaitable que celui qui a déjà fait 2 mandats ou plus ne se représente pas.
Les raisons évoquées ci-dessus sont objectives et visent un meilleur fonctionnement des institutions et la consolidation de la démocratie".