Togo - La bonne gouvernance, la justice, la liberté économique et l’accès au foncier, tels sont les éléments qui ont milité en faveur du Bénin pour son élection au Millenium challenge corporation (MCC) le 10 décembre dernier. Plus de 130 milliards de FCFA seront décaissés par le gouvernement américain pour soutenir ce pays dans la modernisation de son réseau électrique. Même objectif, mais pas la même volonté. Le Togo aussi était dans le starting-block pour profiter de cette manne, mais qu’en est-il à l’arrivée ? Les voyages effectués par les autorités togolaises n’auront-ils été que de l’argent jeté par la fenêtre ? Quelques points de comparaison entre deux pays dans lesquels l’alternance était en souffrance avant que le voisin de l’Est ne mette la balle à terre.
Le MCC n’est pas une vache à lait auprès de laquelle tout Etat peu regardant sur les questions de gouvernance et autres attributs vertueux, viendrait s’allaiter. « Le Bénin est effectivement éligible depuis le 10 décembre 2014 au Millenium challenge corporation (Mcc). C’est une joie pour nous… », aurait déclaré le Coordonnateur national de l’Unité de coordination de la formulation du deuxième compact du Millenium challenge account (Ucf/Mca), Samuel Batcho. La joie était d’autant plus palpable qu’en 2013 déjà, le Benin avait échoué dans cette quête et le gouvernement Boni Yayi, soucieux du bien-être de sa population, « a mis en œuvre plusieurs réformes saluées par le Conseil d’administration du Mcc aux Etats-Unis qui a proclamé l’éligibilité du Bénin dans son deuxième compact pour un montant de 250 millions de dollars dans le cadre de la modernisation de son système énergétique », rapporte le journal béninois « 24 heures au Bénin ». Au nombre de ces réformes, la bonne gouvernance, la justice, la liberté économique et l’accès au foncier. Selon le Coordonnateur, l’indicateur de la corruption est passé au vert, une situation qui aurait épaté le Mcc dans le domaine de la lutte contre la corruption.
Tout comme le Bénin, le Togo s’est engagé à se faire élire à ce programme américain qui constituerait une réelle bouffée d’oxygène à l’économie togolaise. « Cette éligibilité est le résultat des années de travail. Il y a eu des réformes pour regagner l’éligibilité. C’est ce que le Bénin a fait… », avouait le Vice-président du Mcc, Jonathan Bloom pour parler de l’élection du Bénin.
Il y a quelque temps, les autorités avaient mis en branle des médias pour ripoliner l’image du pays. Des représentants s’étaient même transportés au pays de l’oncle Sam pour « défendre la gestion sous Faure Gnassingbé ». Plus proche encore, début décembre, un atelier devrait se tenir dans un hôtel de la capitale pour impliquer les médias dans la quête du Saint Graal, mais on ne sait pour quelles raisons, la rencontre a été avortée. Aujourd’hui avec l’élection du voisin béninois, on estime que les préposés en charge d’arrimer le Togo dans le cœur des responsables du Mcc auraient réalisé que les efforts se situent ailleurs que dans la mobilisation des médias à l’atteinte de cet objectif.
Réformes, réformes, réformes et rien d’autre. Voilà le triptyque par lequel le Togo devra passer pour espérer être coopté. Les réformes dans la gouvernance impliquent la politique, la justice, la décentralisation par…des élections. La réforme du foncier ne devrait point se limiter aux professions de bonnes intentions, mais à des actes sur le terrain, car s’il est un domaine qui constitue une bombe à retardement au Togo, c’est bien le foncier. Et les réformes de l’économie ne sont pas l’initiative unilatérale prise par le ministre de l’Economie et des Finances, Adji Otèth Ayassor de mobiliser des centaines de millions pour peindre en rose l’économie togolaise sur des médias étrangers. Ni de confectionner une loi des finances qui foule aux pieds les prescriptions de la Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi (SCAPE) que les autorités se sont données.
Mais les réformes dans l’économie, ce sont par exemple les argumentaires qui font en sorte que les députés à l’Assemblée nationale, tous partis confondus, votent la loi des finances parce cette loi aura été réaliste et sincère. A ce sujet, rappelons que le parlement du Bénin a voté à une abstention près le budget 2015 estimé à plus de 1.506 milliards de FCFA pendant que le Togo présente un budget de 803 milliards. Et pourtant, le Togo regorge de ressources dont ne dispose pas le Bénin : fer, marbre, phosphate, clinker et un port en eau profonde. En plus, les régies financières ont été fusionnées pour, disaient les autorités, booster les recettes. Mais qu’en est-il au final ? Si le budget 2014 a été qualifié d’irréaliste –les faits avaient donné raison aux sceptiques-, celui de 2015 démontre que la lutte contre la pauvreté demeure le puiné des préoccupations des gouvernants. Les réformes de l’économie, c’est aussi la culture de la vérité dans les prix des hydrocarbures. Lorsque les autorités mettent en place des comités pour suivre l’évolution du cours du baril, mais refusent de laisser la latitude à ces comités pour travailler et adapter le prix de la pompe à celui du baril à l’international, ce sont au final les populations qui payent le lourd tribut, et cet état de chose n’est pas une vertu qu’encourage le MCC.
En août 2014 à New York, Faure Gnassingbé aurait reçu Sheila Herrling, Vice-présidente du MCC, et à en croire le site gouvernemental republicoftogo.com, « …Le MCC gère les différents Comptes du Millénaire (Millennium Challenge Account) financés exclusivement par le Congrès américain. Le Togo doit remplir un certain nombre de critères pour être éligible, c’est presque fait ». Plus récemment le 19 novembre dernier, peu de jours avant la conférence avortée des autorités pour impliquer les médias dans l’atteinte de l’objectif de l’admission du Togo au MCC, le même site reprend les mots d’un autre confrère qui dit : « Le Togo n’a pas encore rempli tous les critères exigés par le MCC, mais il gagne du terrain chaque année, souligne mercredi Le Messager. On peut espérer une éligibilité pour 2015 ».
Aujourd’hui, avec l’élection le 10 décembre dernier du Bénin, seul un borgne pourrait toujours arguer que le Togo est sur la bonne voie. Si malgré l’offensive de Faure Gnassingbé à New York, l’éligibilité du pays au MCC est reportée sine die, alors il faut croire que les mots utilisés par le chef de l’Etat ont eu du mal à passer et que le Sénat américain est plus préoccupé par des résultats que par tout autre discours, aussi lénifiant soit-il. Une chose est certaine, le Togo a été recalé, au moins pour cette année 2014. Rappelons que ce n’est pas la première fois que le Bénin se fait élire au MCC.