Troisième candidature de Faure Gnassingbé : Toutes considérations mises à part, l’amour de la patrie et la sagesse exigent de mettre de l’eau dans le vin
Togo - Les Togolais veulent le retour à la constitution qu’ils ont massivement votée par référendum en 1992 et la CVJR mise en place par Faure Gnassingbé lui-même l’a recommandé. Après avoir pris goût au pouvoir et après deux mandats successifs, Faure et ses partisans ne semblent pas pressés de faire les réformes qui pourraient ne pas leur profiter
Ils insistent qu’ils se désolidariseraient de toute initiative qui exclurait Faure de la présidentielle de 2015, étant donné que la constitution actuelle ne l’empêchent pas. Les uns parlent de rétroactivité et d’autres de non rétroactivité.
C’est dans un tel contexte de confusion et de probable blocage que l’ancien président de l’Assemblée nationale, Agbéyomé Messan Kodjo sort de son silence et déclare : "Si le prix de la limitation du nombre de mandats présidentiels est d’accepter que le président en exercice puisse rempiler pour un dernier mandat, pour ce qui concerne l’homme politique que je suis, je l’accepte volontiers". Il n’a pas été compris. Rien ne dit que ce n’est pas lui qui pourrait avoir raison demain face aux extrémistes. Aujourd’hui d’autres, mus par la sagesse abondent heureusement dans le même sens.
Entre laisser Faure rempiler et obtenir les réformes et se cambrer dans une position radicale tendant à l’exclure alors que l’opposition n’a aucun moyen de coercition et ne pas avoir lesdites réformes, voilà deux maux et il faut en choisir un.
N’oublions pas que ce régime a une forte capacité de nuisance et un fort mépris pour la vie humaine dont il faut tenir compte et accepter d’éviter le radicalisme.
De la nécessité d’avoir les pieds à terre
Que voulons-nous, les Togolais ? Hommes politiques, journalistes et autres leaders d’opinion, membres de la société civile pour notre pays finalement ? Avant d’aller plus loin, il est de bon ton de rendre hommage à certains parmi ces hommes et femmes qui semblent avoir compris la nécessité d’appréhender la situation togolaise avec un regard nouveau. Ils sont dans la presse comme dans la société civile et parmi les politiques, même s’ils se comptent sur les doigts de la main. Ils ne sont pas tous embarqués dans cette voie suicidaire dictée par la myopie et un radicalisme aveugle qui exige de sacrifier les enfants des autres chaque fois que c’est nécessaire, en préservant les siens.
Faire de nombreuses concessions et ne pas en obtenir en retour autant que l’adversaire ou ne pas en tirer les dividendes attendus n’exclue pas non plus qu’il faille continuer à proposer et explorer des issues plus sages, surtout lorsqu’on a affaire à des responsables comme ceux qui gouvernent le Togo. Après la chute inattendue de Compaoré, Faure Gnassingbé a certainement perdu un solide appui qui l’a aidé à piétiner l’APG de 2006 à 2014.
Ajoutée à cela, la nouvelle donne que constitue l’attention désormais accordée par la communauté internationale au sort des constitutions en Afrique ainsi que l’éventualité d’aider à un retour aux constitutions librement votées par les peuples puis tripatouillées.
Jamais auparavant, il n’avait autant été question de tout ça. Il revient à l’opposition de le capitaliser et espérer que la diplomatie puisse se charger du reste. Mais tout pourrait dépendre de la maturité et de la manière dont l’opposition se comporte. Aujourd’hui, il est clair que le Groupe des cinq (G5) a été suffisamment témoin de la mauvaise volonté et de la mauvaise foi du pouvoir togolais qui n’a plus rien à prouver.
Un silence de sa part aujourd’hui est à interpréter comme une lassitude vis-à-vis dudit pouvoir qu’ils ne comprennent plus dans sa gestion de la chose publique, plutôt que comme une indifférence ; ce qui était le cas par le passé.
Les diplomates n’ont-ils pas été témoins de la comédie du 30 juin dernier à l’Assemblée qui illustre le refus des réformes ? N’ont-ils pas affiché leur souhait de voir le pouvoir opérer les réformes ? C’est aussi ça le danger de la chose, lorsque des décennies durant, les puissances occidentales ont encouragé de mauvaises pratiques dans nos pays, en se taisant et en se plaisant à encenser, à flagorner des dirigeants dont ils tiraient des profits sans penser à la souffrance des peuples, difficile de les arrêter dans le mal qu’ils font après y avoir suffisamment pris goût en s’arc-boutant sur la force des armes.
Ceux de l’opposition qui se raidissent et brandissent la résistance et semblent prêts à l’affrontement en ont-ils vraiment les moyens ? C’est la grande question. Au bout du compte, qui sont ceux qui payent les pots cassés ? Et en dépit des mobilisations extraordinaires qu’on a connues par le passé, où en sommes-nous aujourd’hui ? Si l’on a affaire à un pouvoir comme celui qu’on a au Togo, il est sage de prendre la juste mesure de la situation et revoir ses prétentions à la baisse.
Il faut arrêter de sacrifier une partie de ce peuple et de sa jeunesse à tous les coups dans un cycle permanent de recommencement et avec de mauvaises stratégies, surtout dans un monde dit civilisé où il faut que des centaines de citoyens soient refroidis par les armes à feu de leurs propres compatriotes, pour qu’on comprenne que le peuple a réellement soif de changement et veut une nouvelle manière d’être gouverné.
Ce peuple sur lequel on a toujours misé avec des stratégies maladroites par moment, (stratégies sur lesquelles il est inutile de revenir) est celui qui a toujours payé le prix fort et sans résultat et qu’on continue d’exhiber comme étant son arme à soi. C’est justement ce que rejette le sens de la responsabilité.
Et si ceux qui soutiennent le radicalisme et refusent qu’on concède un mandat supplémentaire de cinq ans à ceux qui ne veulent pas qu’on les exclue de la prochaine présidentielle, peuvent prendre eux-mêmes les devants lors des manifestations et ne pas laisser les jeunes au premier plan surtout lorsque, pour des raisons absurdes, ces manifs sont frappées d’interdiction, l’opinion appréciera leur audace et leur courage.
A Togo particulier, solution particulière
Dans un contexte où la machine à tuer avec fierté et à faire des handicapés à vie est omniprésente, toujours la même, dans un contexte où l’on a en face une armée clanique et tribale, non républicaine comme celle du Burkina, du Niger, du Ghana, du Sénégal, etc, "si le prix de la limitation du nombre de mandats présidentiels est d’accepter que le président en exercice puisse rempiler pour un dernier mandat, pour ce qui concerne l’homme politique que je suis, je l’accepte volontiers", en quoi une telle idée émise par un homme politique peut-elle révolter si l’on est sage ? Pourquoi y voir derrière forcément un prétendu projet caché de son auteur qu’on veut coûte que coûte accuser de trahison ?
La politique ne consiste pas à se maintenir toujours dans une posture figée, le cou raid. Car la vérité d’hier n’est pas forcément celle d’aujourd’hui et vice-versa. La nouvelle donne créée depuis les 30 et 31 octobre au Burkina ne peut que constituer la nouvelle raison d’espérer des Togolais. Désormais, il est clair que les regards sont braqués sur notre pays et le pouvoir en place. C’est un avantage certain avec lequel personne n’avait compté avant le 30 octobre et c’est pourquoi il faut en faire bon usage. Et ce bon usage ne veut pas forcément dire que désormais c’est fini avec les concessions et qu’on n’a pas le droit d’échouer là où nos voisins du nord ont réussi.
"Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà", c’est connu. Arracher sans dégâts de ceux qui ont "le monopole de l’usage de la force brute", cela aussi est un art et s’apprend. Au Togo, l’opposition n’a que trop raison, c’est évident et personne ne dira le contraire.
Si les Togolais ont eu à patienter, à souffrir depuis la fin de la conférence nationale en 1991 en ravalant leur nouvel espoir et en prenant leur mal en patience jusqu’à ce jour (cela fait 23 ans) et qu’ils sont encore debout dans l’espérance malgré les difficultés, ce n’est pas cinq ans supplémentaires à concéder qui va les anéantir. « Aujourd’hui n’a pas tué, demain ne tuera pas », dit un proverbe de chez nous qui aide à maintenir allumée la flamme de l’espoir.
Au Togo, allons-nous nous complaire éternellement dans des critiques avec notre intellectualisme plat calqué uniquement sur les diplômes et refuser de voir les réalités en face avec souplesse et sagesse en aidant nos politiques en tant que leaders d’opinion ou en mettant la pression sur eux pour améliorer un peu leur vision erronée ?
Le rationalisme cartésien ou kantien et la maîtrise de la dialectique dans le cas du Togo ne sauraient suffire à aider notre pays à renouer avec l’apaisement total pour une relation de confiance retrouvée demain entre les fils et filles de la nation. Les grandes théories ne feront pas l’affaire non plus et encore moins la volonté de régler des comptes. Ensemble, nous devons rechercher et proposer des solutions de sortie de crise au Togo. « Dieu a mis en chacun de nous une capacité de jugement ; il appartient à chacun de s’en servir intelligemment », dit un proverbe indien. Nous ajouterions volontiers « …. et sagement». Il est écrit quelque part dans la Bible : « Heureux l’homme à qui Dieu a donné l’intelligence et la sagesse ». La première sans la seconde fait de vous des boiteux et des borgnes ; idem pour la seconde sans la première. D’où, l’indispensable nécessité d’avoir les deux cumulativement.
Pour notre part, nous ne voyons pas en quoi dans le contexte actuel, accepter de concéder un mandat supplémentaire à Faure Gnassingbé et régler définitivement cette question de réformes qui pourrait ouvrir de grandes perspectives à notre pays, serait un crime de lèse-majesté. C’est dangereux lorsqu’au lieu de développer l’esprit critique, l’on développe plutôt l’esprit de critique. C’est-à-dire vouloir critiquer à tout prix, même là où l’on pourrait reconnaître que l’idée n’est pas mal ou chercher à approcher son émetteur pour comprendre le soubassement de sa pensée. La sagesse devrait pousser à continuer à tout essayer sans se lasser. Nul ne détient la vérité absolue.
Attention à ne pas créer d’occasion à ces "non togolais" !
Dans notre pays, il y a des catégories de citoyens qui se sont toujours comportés comme des étrangers au Togo, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui ne se sentent en rien concernés par la prospérité, la bonne réputation et l’avenir de ce pays. Et ce sont justement ceux-là qui ont toujours un faible pour le mot "guerre civile". Ils aiment à faire référence à une certaine Radio des Mille Collines au Rwanda. Ce sont les mêmes qui aiment à répéter que : "si nous avons fait ceci ou cela, c’est pour éviter la guerre civile au Togo", le Togo qu’ils font croire qu’ils aiment. Les Togolais veulent qu’on leur prouve par des actes dignes, qu’on est vraiment des Togolais à part entière.
Rappelons-nous tout récemment en 2005, la commande de plusieurs centaines ou milliers de coupe-coupe en plus des armes déjà disponibles ! Rappelons-nous la confection de gourdins cloutés pour des boîtes crâniennes que Dieu n’a pas faites en acier (le cas d’Adéwui et d’ailleurs).
Rappelons-nous enfin plus loin les taxis de la mort dans ce pays. Contentons-nous du peu en rappelant enfin la volonté délibérée du pouvoir d’appeler ses militants à une contre-manifestation et son maintien le 21 novembre dernier, jour où l’opposition avait programmé de manifester et réclamer les réformes avant les élections à venir. Qu’est-ce qui peut expliquer tout ça ? Voilà autant de choses qui prouvent à suffisance la volonté de ceux qui nous gouvernent d’attiser à loisir le feu de la destruction ou du génocide qui ne semble pas les avoir instruits après ce qu’on a vu dans la région des grands lacs.
Pour ceux qui ne le savent pas, il y avait eu au début des années 90 un plan de génocide en préparation au Togo du temps du Gal Eyadèma et qui fut ébruité de justesse et étouffé par l’ONU. Des militaires togolais en mission hors de leur pays pour le compte des Nations-unies étaient revenus passer leurs vacances au Togo. Dieu aidant ce petit pays, c’est pendant leur séjour qu’ils ont découvert ce plan secret.
A leur retour à leur poste à la fin des vacances, ils avaient eu peur pour leur pays et avaient vendu la mèche au niveau des Nations-Unies qui interpellèrent les autorités à l’époque. Depuis, ces patriotes qui n’étaient pas dans l’ignorance que les autorités savaient bien que c’est par eux que le secret fut ébruité, ont fait le choix de ne plus rentrer dans leur pays. Rendons leur hommage et que Dieu continue de les protéger.
Nous vous faisons l’économie des détails de la manifestation dudit génocide avorté. C’était à la même période sensiblement que les taxis de la mort avaient vu le jour. Nous voulons tout simplement que ceux qui prônent le radicalisme aveugle au Togo et ne se fient qu’à leur rêve de nuit, comprennent que le Togo n’est ni le Burkina-Faso, ni la Tunisie. Comparaison n’est pas raison. Dieu a sûrement un plan pour ce pays.
Toute stratégie efficace est fonction de la connaissance du type de personne ou d’adversaire que l’on a en face de soi. Il ne sert à rien de prêter le flanc en tombant dans des plans vils et de très bas niveau concoctés encore au 21ème siècle par des êtres humains qui ont choisi de ne jamais s’élever. Dieu peut utiliser n’importe qui pour délivrer pacifiquement ce pays et le moment venu, le saisissement sera si fort qu’on risque même d’oublier le sens de la joie pour se mettre directement au travail. Si les leaders burkinabè devraient fêter cette réussite, imaginons un peu.
On dirait qu’après cette victoire, sans tambour ni trompette, tout le monde s’est remis au boulot. Aidons Dieu à combler ce peuple à son heure comme il l’a fait de manière inattendue pour les Burkinabè.