Le discours prononcé par le Président de la République Faure GNASSINGBE le 31 décembre 2014 suscite des réactions aussi bien à l’interne qu’à l’international. La Rédaction du « Corps Diplomatic Togo » a tendu le micro à Monsieur Philippe Bardiaux, haut fonctionnaire français, ancien Secrétaire de la facilitation du dialogue inter-togolais de 1999 à 2003, donc connaisseur de la situation politique togolaise. Pour lui, « au Togo, le dialogue est toujours difficile compte tenu du poids de l’histoire ». Aussi, soutient-il » qu’une réforme constitutionnelle ne s’organise pas dans la précipitation ». Il reste convaincu que » la réforme est indispensable pour les échéances futures à la fois sur le mode de scrutin et sur la limitation de mandats présidentiels ». Lisez plutôt.
Bonjour Monsieur Bardiaux. Le Président de la République togolaise, Faure Gnassingbé, s’est adressé à la Nation le 31 décembre dernier. Que retenez-vous essentiellement de ce discours ?
Bonjour. Je retiens des vœux du Président de la République un message orienté sur des questions de paix, de sérénité et la volonté d’être à l’écoute de la société togolaise. Ne pas opposer les uns aux autres pour mieux favoriser les avancées démocratiques au Togo dès 2015.
Ce discours peut-il donner espoir aux populations togolaises qui ont l’impression que leurs préoccupations ne sont jamais prises en compte ?
Le peuple quel qu’il soit est toujours impatient. C’est bien normal dans toutes les démocraties et pays du monde. Le Togo est un pays aux ressources limitées et les seuls investissements structurels ne suffisent pas. Le chef de l’Etat a montré sa volonté de développer le pays mais la perception de l’ensemble des populations sur l’amélioration de la vie quotidienne demeure insuffisante. Le Président doit donner des gages sur ce qu’il fera concrètement pour améliorer notamment le pouvoir d’achat, l’accès aux soins de santé et à l’éducation.
Le principal sujet sur lequel on attendait le Chef de l’Etat est l’épineuse question des réformes constitutionnelles et institutionnelles. Et sur ce point Faure GNASSINGBE a annoncé la mise en place d’une commission dans le « cadre d’une réflexion approfondie sur l’adaptation du modèle en vigueur dans notre pays à nos réalités sociologiques ». Les Togolais peuvent-ils enfin nourrir l’espoir de voir enfin se concrétiser les réformes dans leur pays ?
Une réforme constitutionnelle ne s’organise pas dans la précipitation…à quelques semaines d’une échéance politique importante. Je suis convaincu que quel que soit le prochain Président (nouveau ou réélu), la réforme est indispensable pour les échéances futures à la fois sur le mode de scrutin et sur la limitation du nombre de mandats présidentiels. Le futur Président ne pourra agir utilement que s’il est très vite dégagé de ces problèmes. Le peuple togolais comme tous les autres souhaite toujours plus de transparence et un renforcement démocratique.
L’élection n’est plus suffisante et les électeurs exigent des résultats rapides. Regarder l’impopularité de l’actuel Président français à mi mandat, alors qu’il ne peut endosser seul la gravité de la crise et la difficulté de réformer…
La composition de cette commission vous fait-elle croire à un succès dans sa mission?
La Composition annoncée est une proposition. Pour que la commission soit crédible et pour que ses conclusions ne soient pas contestables, sa composition devra, au final, faire l’objet d’un consensus politique.
Au Togo, les dialogues ont rarement abouti et ceux qui ont eu la chance d’aboutir n’ont pas encore fait évoluer les choses dans le pays. Qu’en pensez-vous ?
Au Togo, le dialogue est toujours difficile compte tenu du poids de l’histoire. Néanmoins, on ne peut nier une certaine réconciliation nationale rendue possible par le dialogue, une ouverture politique et l’accentuation des libertés de la presse en particulier. Sur ce dernier point, vous noterez également l’effet pervers de la diffamation qui se répand dans certains journaux togolais qui ne vérifient pas leurs sources et alimentent des polémiques inutiles en oubliant le débat. Seules les propositions et programmes des uns et des autres devraient compter. Les hommes ne sont que des véhicules.
La défense des idées se fait par le débat et non par le biais de la diffamation et encore moins par le recours à la violence.