Togo - Au Togo, en dépit de son existence, la loi anti-tabac ne fait pas encore tabac. Les campagnes d’information répétées du gouvernement, les actions des ONG de lutte contre le tabagisme sont semblables à un écran de fumée qui ne contribuent guère à améliorer la situation. Ici, la contrebande a pignon sur rue, elle a un royaume. Pourtant, il existe bel et bien des organisations qui investissent le terrain avec une mission clairement affichée : Lutte contre le tabac, aux côtés du gouvernement. Autant le dire tout de suite, le domaine de la lutte contre le tabac au Togo, est un labyrinthe. C’est une pétaudière innommable, où maitriser les tenants et les aboutissants relève carrément d’une mer à boire. Enquête !
Une marquante anecdote !
Dans l’histoire de la lutte contre le tabagisme au Togo, voire en Afrique et dans le monde, un fait plus que scandaleux éclabousse : Alors qu’elle dirigeait encore le célèbre Centre de recherche et de développement international (CRDI), partenaire de la fondation Bill Gates, la Canadienne Barbara McDougall, une femme politique de premier plan qui fut, notamment, membre du parlement, avant de se reconvertir dans le privé, se fait purement et simplement virer par Bill Gates à la suite d’une révélation d’une ONG basée au Togo. Il s’agit de l’African Tobacco Control Alliance, dont le siège est à Lomé et qui lutte contre le tabagisme en Afrique. En effet, l’ONG venait de découvrir que Mme McDougall présidait un centre qui mène des campagnes anti-tabac tout en étant membre du conseil d’administration d’Imperial Tobacco Canada, une filiale de British American Tobacco.
Et très vite, dans la foulée, les voix s’élèvent à la fondation Bill Gates dénonçant: «Nous sommes profondément déçus par cette révélation et nous avons le sentiment que ce conflit d’intérêts est inacceptable puisque nous collaborons au soutien d’importants programmes de lutte contre le tabagisme en Afrique. Ainsi, nous annulons la subvention de lutte contre le tabagisme accordée au CRDI. Cette mesure entrant en vigueur immédiatement.»
Ce scandale, mieux, « ce conflit d’intérêts », comme le souligne si bien le communiqué de la fondation Bill Gates, est l’arbre, parmi tant d’autres qui cache la forêt. De sorte qu’aujourd’hui, les beaux catalogues d’intention de lutte contre le tabagisme, ne déclenchent plus l’enthousiasme, ni auprès du public lambda, ni auprès des consommateurs et encore moins dans l’industrie du tabac.
Scandale illustratif d’une lutte incernable au Togo
Le milieu de la lutte antitabac au Togo parait un panier à crabes.
Nous sommes au mois d’Août 2014, la ministre du Commerce et de la Promotion du Secteur privé, Mme Bernadette Légézim-Balouki, lance une campagne de communication sur la réglementation du tabac et ses produits dérivés. La campagne vise à informer du démarrage et de la mise en application de la réglementation sur la commercialisation du tabac au Togo. Démarrage effectif depuis le 1er septembre 2014.
Ainsi depuis le 1er septembre, tout emballage de cigarettes et autres produits de tabac, est sensé porter sur 65% de la surface totale de chacune des faces principales, l’un des avertissements suivants, en Français , en Ewé et en Kabyè: « La fumée du tabac nuit gravement à la santé de l’enfant; fumer provoque le cancer du poumon; l’usage du tabac provoque l’impuissance sexuelle ; fumer cause une mort lente et douloureuse ».
Mais, il est curieux de constater qu’entre l’existence de la loi N°2010-017 du 31 décembre 2010 relative à la production, à la commercialisation, à la consommation des cigarettes et autres produits dérivés du tabac et sa mise en œuvre, quatre années se sont écoulées.
Mieux, les Togolais fument de plus en plus et, notamment, les jeunes. Le taux des 31,3% selon une récente étude est loin de s’améliorer « Il faut craindre d’ailleurs le pire car c’est une consommation qui va en crescendo suivant bien de statistiques », regrette un spécialiste qui côtoie quasiment toute la chaine du tabac, il y a un quart de siècle. Sans doute, signes palpables de l’hésitation, de la faiblesse et du malaise du gouvernement à lutter efficacement contre le tabagisme.
Et ce n’est pas tout. Un autre chiffre qui donne le vertige : le taux de prévalence de 8,4%.
Où sont alors ces organisations et autres groupes de pressions spécialistes de la lutte antitabagisme, face à ce qu’on pourrait nommer l’inaction ou l’irresponsabilité du gouvernement ?
« Ils sont très actifs sur le terrain », reconnaissent des sources concordantes interrogées, aussi bien au ministère de la santé, comme au niveau des services de douanes et de contrôles de bien de portes d’entrées de marchandises sur le territoire togolais.
Ils ont même été actifs dans la rédaction et la mise en œuvre de la loi en vigueur au Togo, relatent d’autres sources.
Mais en grande partie, toutes leurs actions sont pareilles à de la poudre jetée aux yeux de sorte que l’on ne tarit jamais de questionnements au sujet de la sincérité de leur lutte ou de leur militantisme réel, assurent en revanche, bien d’autres sources. Lifting médiatique des organisations empoisonneuses ? Escroquerie intellectuelle ? Mauvaise foi ? Au service de la contrebande ? Peut-être plus encore... « Ces genres d’actions ou de campagne antitabagisme que nous voyons sur le terrain serait destiné à détourner les gouvernements de leurs responsabilités », croit dur comme fer une autre source très imprégnée du milieu au Togo. « Sinon, poursuit la source, ces organisations de lutte contre la tabac n’ignorent pas, en aidant à faire cette loi que l’Etat ne dispose d’aucun moyen véritable pour pouvoir contrôler sérieusement le milieu. Car l’augmentation des taxes au bénéfice des pouvoirs publics n’arrangent pas en vérité la situation. Elle va plutôt dans l’intérêt de la contrebande qui tire par exemple meilleure partie des ventes détaillées des bâtons (encore monnaie courante ici) », assène une autre source.
Une autre, plus véhémente renchérit. Il s’agit d’un consultant ayant travaillé trois décennies durant pour des firmes en Europe : « La règle est simple. Elle est même connue des petites vendeuses d’oranges à la sauvette que l’on rencontre partout. Si la contrebande de cigarettes se porte si bien, c’est, selon elle, parce que les taxes élevées qu’on leur impose provoquent inévitablement l’apparition d’un marché noir. La contrebande, jadis une activité simple et discrète, est devenue une entreprise sophistiquée et souvent sanglante. Les contrebandiers alimentent de nos jours un réseau très organisé. Il faudra plutôt travailler pour trouver des mécanismes en vue de faire faire baisser la demande pour les produits de contrebande ».
Finalement, où va l’argent ? Ces milliards de manque à gagner en taxes ? Une violation en expansion et le curieux peu d’effet des campagnes antitabac destinées aux jeunes, n’est pas sans interpeller.
Etonnant décalage entre subventions et actions sur le terrain
A quoi servent en vérité ces mirobolantes fortunes décaissées par des centaines d’ONG de par le monde qui s’engagent dans la lutte contre le tabac ? Au fond, à quoi se destine ces pactoles ? « L’eau-va-t-elle à la rivière ? », comme le dit l’adage ?
Par exemple, avec l’appui financier de Campaign for Tobacco Free Kids (CTFK), l’Alliance Nationale des Consommateurs et de l’Environnement (ANCE-TOGO) et le Ministère de la Santé (MS) ont organisé en Juin dernier un atelier de formation à l’Aéroport International Gnassingbé Eyadéma de Lomé sur le thème« Sensibilisation des détenteurs de lieux publics sur la connaissance et l’application de la loi n° 2010-017 du 31/12/2010 et ses décrets d’application ». Cet atelier de formation a connu la présence de cinquante (50) participants essentiellement constitués des responsables d’hôtels, des restaurateurs et des tenanciers de bars.
Une telle action, au regard de l’ampleur du problème parait très décousu et aiguise toutes les curiosités possibles.
Si une ONG de lutte anti-tabac qu’est la fondation Billes Gates affiche clairement : « Le tabagisme est la principale cause de décès pouvant être prévenus dans le monde. Chaque année, près de 6,3 millions de personnes meurent prématurément de maladies liées au tabac, c’est-à-dire plus que du sida, de la tuberculose et du paludisme réunis. Si les tendances actuelles se poursuivent, le tabac tuera plus de 8 millions de personnes par an d’ici 2030, dont 80 % dans les pays en développement », on la voit entrain de décaisser pour faire former une cinquantaine d’individus.
Même si dans le cas de figure, c’est Campaign for Tobacco Free Kids (CTFK), qui a financé une telle action, en considérant qu’elle est consciente de la taille du problème de même que la fondation Bill Gates, on la voit difficilement une si minime
Cependant, les associations et autres ONG dont la mission affichée est de participer à cette lutte, en appuyant entre autres les objectifs de l’Etat, brillent, au mieux, par leurs inactions, au pire, par leurs soutiens – peut-être inconsciemment- aux actions des contrebandiers.
Et des questions presque insolubles demeurent : Qui tire réellement les bénéfices d’une telle situation incernable? L’Etat ? Sans doute, non puisque tout porte à croire qu’il ne maitrise pas réellement la situation, sur le terrain.
Les industries légales officiellement installées ? La situation de concurrence entre elles et les réseaux de contrebande, participe à exclure quasiment une telle hypothèse.
Les groupes de pression ou organisation de lutte anti-tabac ? Eux ils connaissent tout le circuit, ils maitrisent le terrain avec l’expérience de collaboration avec tous les acteurs, ils possèdent toutes les informations et sans doute la clé pour pouvoir déclencher une lutte efficace contre le tabac au Togo.
Plaidoyer pour une action orthodoxe des Ongs anti tabac
Ces organisations antitabac doivent être de prime abord de véritables militantes pour la cause de leur lutte. Un militantisme qui pourrait ensuite déclencher toutes les actions efficientes et efficaces de leur part : Etre un adjuvant pour l’Etat dans la lutte, collaborer sincèrement avec ce dernier ; veiller au grain pour démasquer tous les réseaux de contrebande et travailler au respect scrupuleux de toutes les dispositions légales de la loi en vigueur.
D’autre part, faire un travail de veille à la qualité des produits du tabac importés, distribués et commercialisés au Togo. Et ce suivant les normes internationales.