oxfamIl a paru depuis fin octobre 2014, mais contrairement au rapport Doing Business 2015 par exemple, les autorités togolaises ont occulté le dernier rapport d’Oxfam, cette Ong qui lutte contre les inégalités dans le monde. Et comme l’a reconnu Faure Gnassingbé dans un de ses rares discours, le rapport dénonce la scission du monde entre la minorité riche et la majorité dénuée du minimum et demande « aux dirigeants du monde entier d’agir pour mettre fin aux inégalités extrêmes avant qu’il ne soit trop tard ». Ci-dessous un extrait du rapport.
Du Ghana à l’Allemagne, de l’Afrique du Sud à l’Espagne, le fossé entre les riches et les pauvres se creuse rapidement et les inégalités économiques atteignent des sommets. En Afrique du Sud, elles excèdent aujourd’hui celles déplorées à la fin de l’apartheid. Les conséquences sont corrosives pour tous. Les inégalités extrêmes corrompent la politique, freinent la croissance économique et entravent la mobilité sociale. Elles alimentent le crime et même des conflits violents. Elles dilapident les talents, anéantissent le potentiel et minent les bases de nos sociétés.
Surtout, l’augmentation rapide des inégalités économiques extrêmes fait obstacle à l’éradication de la pauvreté à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, des centaines de millions de personnes vivent sans avoir accès à de l’eau potable propre ni à des quantités de denrées alimentaires suffisantes pour nourrir leur famille. La plupart d’entre elles travaillent jusqu’à l’épuisement pour joindre péniblement les deux bouts. Nous pouvons améliorer la vie de la majorité si nous combattons l’extrême concentration de richesses et de pouvoirs aux mains des élites.
Les dizaines d’années d’expérience accumulées par Oxfam au sein des communautés les plus pauvres nous ont appris que la pauvreté et les inégalités ne sont ni inévitables ni accidentelles, mais qu’elles résultent de choix politiques délibérés. Il est possible de renverser les inégalités. Le monde a besoin d’une action concertée pour bâtir un système économique et politique plus juste qui valorise la majorité. Les règles et systèmes à l’origine de l’explosion actuelle des inégalités doivent changer. Il est indispensable d’agir de toute urgence pour aplanir les disparités en mettant en œuvre des politiques de redistribution de l’argent et du pouvoir des quelques privilégiés au plus grand nombre. À l’aide de nouvelles recherches et de nouveaux exemples observés dans le monde entier, le présent rapport illustre la portée du problème des inégalités économiques extrêmes et révèle les multiples dangers qu’il pose pour les citoyens, où qu’ils se trouvent. Il identifie les deux puissantes forces motrices qui ont conduit à l’augmentation rapide des inégalités dans de nombreux pays : le capitalisme sauvage et la mainmise des élites sur le monde politique. Ce rapport met en avant quelques-unes des étapes concrètes qu’il est possible de suivre pour répondre à cette menace et présente des éléments qui prouvent que le changement est possible.
Les inégalités économiques extrêmes ont explosé dans le monde ces 30 dernières années, jusqu’à représenter l’un des plus grands défis économiques, sociaux et politiques de notre époque. Les éternelles inégalités fondées sur le sexe, la caste, la race et la religion (des injustices en elles mêmes) sont exacerbées par le décalage qui se creuse entre les nantis et les démunis.
Alors qu’Oxfam lance sa campagne « À égalité ! » au niveau mondial, nous nous unissons à un concert de voix diverses qui réunit des milliardaires, des leaders religieux et des directeurs et directrices d’institutions, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, ainsi que des syndicats, des mouvements sociaux, des organisations de femmes et des millions de personnes dans le monde. Ensemble, nous demandons aux dirigeants du monde entier d’agir pour mettre fin aux inégalités extrêmes avant qu’il ne soit trop tard.
Commentaires
Le rapport dénonce l’augmentation rapide des inégalités économiques extrêmes qui fait obstacle à l’éradication de la pauvreté à l’échelle mondiale. Rapporté au Togo, le ministère du Développement à la Base, de la Jeunesse, de l’Artisanat et de l’Emploi des Jeunes (qui trop embrasse mal étreint) a pris sur lui seul de « sortir les Togolais de l’extrême pauvreté ». Et la formule trouvée à quelques mois de l’élection présidentielle est l’Accès des pauvres aux services financiers (APSEF), un dérivé du Fonds national de la finance inclusive (FNFI). Une formule qui veut que chaque bénéficiaire ait accès à 30.000 FCFA (soit moins de 46 euros) maximum remboursable six mois plus tard avec des intérêts pour développer son activité, pendant que ceux qui sont chargés de piloter ce projet, bien qu’étant déjà payés sur le budget de l’Etat, sont encore grassement rétribués.
Dans un autre domaine, on relève que la classe la plus aisée, au lieu de contribuer à atténuer les disparités sociales, profite plutôt des services qui devraient aller aux plus pauvres, surtout dans le secteur de la santé. Les services sociaux n’existent que de nom et tout indigent qui ne dispose pas du nécessaire pour payer les bons qui donnent accès aux consultations, est abandonné à son sort. Sur le plan scolaire, ce sont plutôt les fils de riches qui accèdent aux bourses pour étudier à l’extérieur alors qu’ils ne sont pas forcément les plus intelligents. Un tour sur le campus universitaire vaut plus que toutes les démonstrations du monde.
Deux années sont déjà passées depuis le discours lénifiant de Faure Gnassingbé, qui reconnaissait qu’ « une minorité a accaparé les richesses du pays ». En ce temps, tous les « mal lotis » économiquement avaient cru qu’une opération « mains propres » allait être enclenchée dans les jours qui ont suivi ce discours. Mais apparemment, Faure Gnassingbé attend le retour de Jésus pour mettre en branle les institutions de lutte contre la fraude.
Le baromètre le plus évocateur de l’état de paupérisation de la majorité des Togolais reste la situation des commerçants et commerçantes en fin d’année 2014. Même la quinzaine commerciale qui donnait l’impression que tout n’était pas foutu, a laissé un goût amer sur les lèvres. Comment pouvait-il en être autrement lorsque la majorité de la population végète dans le dénuement ?
Enfin, ce rapport sonne comme un cri d’alarme, mieux, un avertissement à l’endroit des dirigeants des pays dans lesquels la pauvreté a étalé son lit. « Nous demandons aux dirigeants du monde entier d’agir pour mettre fin aux inégalités extrêmes avant qu’il ne soit trop tard ». Il suffit de se rappeler les émeutes des couches les plus défavorisées qui ont fait suite à la dernière crise mondiale. Lorsqu’une minorité prend un malin plaisir à brimer les droits les plus élémentaires de la majorité, lorsqu’un groupuscule de parvenus tente d’ignorer que les richesses nationales doivent être réparties équitablement entre tous les fils et toutes les filles d’une nation, la révolution au Burkina Faso est là pour rappeler à chacun qu’ « on peut tromper une partie du peuple tout le temps, on peut tromper tout un peuple un certain temps, mais on ne peut tromper tout un peuple tout le temps », surtout lorsque ce peuple a faim. Et les Togolais ont faim dans leur majorité, puisqu’il est établi selon un rapport d’Africa Panel Progress (APP), qu’un Togolais gagne en deçà de 1,25 dollar par jour, le seuil pour qualifier un pays de très pauvre selon le PIB par habitant.