Existe-t-il encore des constitutionnalistes dans ce pays ? Existe-t- vraiment des hommes de lois et de droit dans ce Togo ?
Ces questions que nous posons sont peut-être banales, mais très fondées dans le contexte togolais où tout se fait désormais à l’envers, à l’emporte-pièces comme si le Togo était dépourvu de tout, même de simples intellectuels doués de raison et de bon sens.
Que les togolais se souviennent de la décision, en octobre 2012, de la Cour Constitutionnelle de proroger le mandat de l’Assemblée Nationale alors que celle-ci était bel et bien en fin de mandat électif prescrit par la Constitution.
Aboudou Assouma et ses collègues s’étaient appuyés sur le dernier alinéa de l’article 52 qui stipule clairement que l’Assemblée Nationale reste en place jusqu’à la prise de fonction de la nouvelle Assemblée élue.
Cette disposition s’apparente de toute évidence à celle qui autorise le Président de la République à rester en poste jusqu’à la prise de fonction effective de son successeur élu.
A l’époque, la décision de la Cour Constitutionnelle avait été attaquée de toute part par les constitutionnalistes chevronnés qui ont démontré le caractère illégal et anticonstitutionnel de cette prorogation surtout que la même Constitution, dans les premiers alinéas du même article indique aussi que l’élection des nouveaux députés doit avoir lieu trente jours avant la fin du mandat officiel des députés sortants.
Le temps a passé et les togolais ont fini par consommer le fait accompli de la Cour.
Tout le monde s’attendait alors à ce que l’on respecte scrupuleusement les dispositions de cet alinéa quand subitement, lundi, l’on nous apprend que les députés ont mis fin à leur mandature usurpée.
Vraiment le ridicule ne tue pas les togolais. Sur la base de quoi cette Assemblée s’est attribuée la pouvoir de mettre fin à sa mandature qui lui a été conférée par la Cour Constitutionnelle ?
Tout le monde convient que la Cour Constitutionnelle avait abusivement accordé cette prorogation à l’actuelle Assemblée mais le minimum qu’on pouvait attendre d’elle c’était justement de bien assumer ce que cette cour lui a gracieusement donné.
L’acte posé lundi par Abass Bonfoh et ses collègues en mettant fin à leur mandature usurpée, est à tout point de vue illégal et confirme justement que la prorogation elle-même était illégale. Les députés ne peuvent pas inventer leur droit.
De même que le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’élection et la prise de fonction effective de son successeur élu, les députés se devraient de rester en fonction jusqu’à l’élection et la prise de fonction effective de leurs successeurs.
Ce qui a été fait lundi est une incongruité qui prouve à suffisance que les gens marchent effectivement sur leurs têtes au Togo.
A supposer qu’un imprévu de dernière minute venait à empêcher l’organisation des élections législatives le 21 juillet, que feraient Abass Bonfoh et ses collègues ? Ils reprendraient du boulot ? Sur la base de quoi ?
Dans le contexte actuel, seul le président de la République avait compétence à prendre un décret pour dissoudre l’Assemblée Nationale. Et dans ce cas, il se doit, en soixante jours, d’organiser impérativement les élections législatives conformément aux prescriptions de la Constitution.
Les députés n’ont aucune compétence à mettre fin à leur mandature alors que le surplus de cette mandature leur avait été conféré par la Cour Constitutionnelle, qui elle aussi avait abusivement interprété l’article 52.
Le prétexte de la campagne électorale ne peut pas fonder l’acte incongru que vient de poser cette Assemblée Nationale.
S’il y en a parmi ces députés qui sont encore candidats, ils doivent y aller avec leur titre de député avant d’être légalement remplacés ou reconduits après le vote.
C’est une bêtise qui malheureusement semble passer inaperçue aux yeux de beaucoup de togolais qui sont plutôt préoccupés par les conditions malsaines d’organisations des élections législatives.
Mais il suffit juste de suivre de près les actes que pose le pouvoir de Faure Gnassingbé pour trouver davantage de ferment pour huiler la critique contre ce régime forcené qui, de coq à l’âne, recule toujours sans vraiment avancer.
Quand un pouvoir en vient à perdre les pédales jusqu’à ce point, l’on a bien des raisons de s’interroger sur ses capacités réelles à assumer le destin de tout un peuple.