Les Africains n’arrivent pas à démentir le qualificatif d’«immatures» qui leur colle à la peau. Les réactions épidermiques qui s’enchaînent après chaque évènement sociopolitique marquant dans le monde ou sur le continent noir, démontrent à satiété que les africains réagissent d’abord par l’émotion et la passion, avant mûre réflexion…
Après le discours de la Baule de François Mitterrand, élu Président de la République française en 1981, les conférences nationales souveraines, inaugurées par le Bénin, se sont multipliées sur le continent africain, et ont fleuri partout, sans tenir compte de la spécificité de chaque pays, des acteurs politiques de chacun des 53 pays africains, et de leurs armées respectives. Et si au Bénin, les choses semblent s’être bien passées, et si au Togo, le bilan fut mitigé, au Congo- Brazza, la Conférence nationale s’est terminée par un lavage folklorique des mains des participants à cette grande messe, avec, quelques mois plus tard, une terrible guerre civile !...
L’année 2014 a vu un autre point marquant dans la politique africaine : l’insurrection au Burkina Faso, des 30 et 31 octobre, qui a vu le pouvoir de Blaise Compaoré se saborder, avec la fuite du Président et la mise en place d’une transition militaro-civile aux contours flous. Le Président a voulu modifier l’article 37 de la Constitution burkinabé, qui interdit au Président de la République, de briguer un troisième mandat à la tête du pays des Hommes intègres…Trente à cinquante morts, pour cette petite révolution burkinabè de deux jours !
Aussitôt, l’Afrique s’enflamme ! Il faut chasser du pouvoir tous ceux qui ont fait deux mandats de Président ou de Premier Ministre (système parlementaire), et plusieurs opposants ouvrent grande leur bouche, croyant que parvenir au pouvoir, après avoir flemmardé dans nos rues dans des marches stériles, arrive quand le détenteur du pouvoir est chassé par la rue ! Certains opposants, de la RDC par exemple, n’ont pas la patience d’attendre que Kabila arrive au bout de son mandat en fin 2016, et font descendre dans la rue leurs militants et militantes ! Une cinquantaine de morts pour un simple problème de recensement de la population, avant la présidentielle, les législatives, et les locales !
Aucun opposant n’a retenu les noms de tous ceux qui sont morts pour eux ! Ils s’en contre-fichent comme de leur pet matinal ! Au Gabon, on descend dans la rue, pour réclamer des choses, en espérant que les choses tournent à l’émeute et qu’Ali Bongo prenne les jambes à son cou, comme Blaise Compaoré ! Mêmes des opposants bidon, comme Jean Ping (qui a bouffé dans tous les plats d’Omar Bongo pendant 40 ans) trouvent subitement que Ali Bongo n’est pas gabonais, lui, Jean-Ping, dont le visage asiatique signe que son père n’est pas gabonais ! Au Tchad, on sonne la mobilisation contre Idriss Deby, au lieu de sonner la charge contre Boko Haram qui est à quelques encablures de Ndjamena, à vol d’oiseau !
Au Togo, certains compatriotes nous citent fièrement le cas des burkinabé, qui n’ont perdu que 50 des leurs, alors que le Togo est champion en insurrections et que nous avons perdu, au bas mot, trois mille de nos compatriotes au cours des insurrections itératives ! Aucun opposant togolais n’a cité le nom d’aucun de ces 3000 morts, au cours d’aucune manifestation. Ils ont tous les yeux rivés sur le fauteuil présidentiel, qu’ils veulent, à tout prix conquérir, même si on devait dénombrer 100.000 morts !
Dans l’euphorie de la mini insurrection burkinabé, un leader de l’opposition, Zéphirin Diabré, propose qu’on inscrive dans la Charte de l’Union Africaine, la limitation à deux des mandats de l’Exécutif ! On lui a demandé s’il s’agit de mandats de trois, quatre, cinq, six ou sept ans, mais il n’a pas osé donner des détails ! Il ne nous a pas expliqué non plus, pourquoi l’Union Européenne n’a pas , elle aussi, inscrit dans sa charte la limitation des mandats de l’Exécutif de leur pays, et pourquoi Helmut Khol a fait 16 ans au pouvoir, pourquoi Angela Merkel en est à son troisième mandat et est bien placé pour en faire quatre, pourquoi Tony Blair et Margaret Thatcher en ont fait autant, et pourquoi le luxembourgeois a fait une vingtaine d’années au pouvoir !
La nécessaire mais non indispensable limitation des mandats
Aux Usa, la limitation des mandats n’est entrée dans les textes qu’en 1956.
Franklin Delano Roosevelt fut le premier Président des USA à être élu pour quatre (4) mandats (1933-1945), et peut-être aurait-il pu faire 5 mandats si la mort ne l’a arraché à l’affection des Américains à l’entame de son 4ème mandat. La seconde guerre mondiale y est pour quelque chose, mais de l’avis des Américain, cet homme était exceptionnel ! De la même façon, un seul Président américain, Grover Cleveland est le seul Président à être élu pour deux mandats non consécutifs (il est donc, à la fois le 22ème et le 24ème Président des USA : 1885-1889, puis, 1893-1897) ; ce qui fait que si Barak OBAMA est le 44ème Président des USA, il n’y a eu que 42 personnes qui ont porté ce titre !
Ce qui intéresse surtout les Américains, c’est la valeur de l’Homme qui va les diriger. Si cet homme n’est pas performant, ils le dégagent par le vote, dès la fin de son premier mandat ! Ainsi, Benjamin Harrison, James Buchanan, William McKinley, William Taft, Herbert Hoover, George Bush (père), John Adams, Martin Van Buren, Jimmy Carter, pour ne citer que ceux-là, ont été remerciés à la fin de leur premier mandat…
En France, la limitation des mandats n’a pointé le nez qu’avec Chirac et Sarkozy, il ya donc à peine 20 ans (Chirac a fait un mandat de 7ans plus un mandat de 5 ans et Sarkozy un seul mandat de 5 ans, et François Hollande en est à sa troisième année de son premier mandat) ; Sinon, c’étaient des mandats de 7 ans, renouvelables à volonté, mais seul François Mitterrand a pu terminer ses deux septennats. Ici encore la classe politique ne se laisse pas masturber par la limitation des mandats à deux ! Valérie Giscard d’Estaing a été dégagé après son premier mandat de 7 ans, et Sarkozy, après son premier mandat de 5 ans !
La limitation des mandats est nécessaire, surtout pour les grands pays comme les USA, la CHINE, le Japon, l’Indonésie. L’argument médical est mis en avant, pour dire que c’est humainement impossible de tenir 12 ans, quinze ans, ou 20 ans à la tête de ces grands pays, avec tous les défis à relever pour les dirigeants ! Regardez comment OBAMA a vieilli en 7 ans de pouvoir ! Entre la côte Ouest et la côte Est, il y a plusieurs fuseaux horaires, et quand il est minuit quelque part, il est midi ou 15 heures ailleurs, et les problèmes peuvent se poser en plusieurs endroits à la fois ! Il faut veiller sur le sort de plusieurs dizaines de millions de ses concitoyens.
Ne parlons pas de la Chine dont le dirigeant doit gérer 1,4 milliards d’âmes ! En Chine, depuis une vingtaine d’années, bien qu’il n y ait qu’une démocratie contrôlée, les dirigeants font une décennie et sont remplacés par le bureau politique, au sein duquel ils ont fait leurs armes pendant 10, 15, parfois 20 ans ! Il n’y a rien de comparable entre gérer un pays comme la Chine ou les USA, et gérer le petit Togo de 6, 6 millions d’habitants, ou le Sénégal, ou le Bénin, ou le Burkina ! Faut-il se débarrasser d’un bon Président du Togo, du Bénin ou du Sénégal, s’ils sont très bons, et à la fin de 10 ou 12 ans de règne ?
A quoi sert la limitation des mandats, s’il n’y a pas transparence des scrutins ?
Ce qui est affligeant de la part des africains, c’est qu’on ne les voit pas se battre pour trouver des mécanismes de transparence absolue des scrutins (vote électronique par exemple), mais ils sont tous là à se focaliser sur la limitation des mandats ! Ils sont en hibernation, en attendant sagement que le Président termine ses deux mandats, même s’il n’est pas bon, et oublient ce que le Président Gbagbo a dit, à savoir, que le pouvoir présidentiel n’est pas un banc mais un seul fauteuil dans lequel ne peut s’asseoir qu’un seul individu !
Voyons le scenario qui va se propager dans nos pays : Mr X est élu Président du Gondouana par exemple. Il fait tout pour être réélu, avec toutes les magouilles possibles et inimaginables (la Charte de l’UA l’autorise à faire 2 mandats !). Il est réélu pour son second et dernier mandat de 5 ans par exemple !
Mais , il voit loin et fait tout pour placer un parent, un ami ou une amie, avec le soutien financier , politique, diplomatique de tout le monde… et au bout du cheminement, il fait élire Mr ou Mme Y qui lui succède. Mr ou Mme Y fait tout pour faire ses dix ans (c’est écrit dans la charte de l’UA), qu’il soit compétent ou non, magouilles aidant, et il prépare Mr ou Mme Z pour lui succéder, et grâce à la non transparence du scrutin, Mr ou Me Z est élu Président… et il fait tout pour faire ses dix ans (c’est inscrit dans la charte de l’UA)…
Et vous ne voyez pas qu’on peut et qu’on va se faire couillonner ?
Si le scrutin est transparent, si X n’est pas compétent à son poste, on le dégage par les urnes à la fin de son premier mandat, et la chaîne est rompue !
Donc, ce dont les africains doivent se préoccuper en priorité, c’est la transparence des scrutins. Cela permettra au peuple, formé, et informé de la notion de vote utile, de ne pas trop se tromper et d’élire un bon président ! Cela permettra aussi aux incompétents, aux feignants opposants, de savoir qu’ils ne seront jamais élus, que le mandat présidentiel soit limité à deux, à trois, ou à quatre !
Dr David IHOU, Consultant en Géopolitique et stratégie sécuritaire