Le Syndicat des praticiens hospitaliers du Togo (Synphot) a rencontré ce jeudi à son siège à Lomé (maison de la santé), la presse nationale et internationale à qui il a exposé de bout en bout, les difficultés rencontrées dans les pratiques de soins dans les structures de santé au Togo.
En 2001, les Chefs d’Etats africains ont pris l’engagement pour que 15% du budget de chaque pays soient alloués au secteur de la santé. Mais au Togo, le budget de la santé n’a jamais excédé les 6%. L’an dernier par exemple, il était de 6,36%. Cette année, il a connu une chute, passant à 5,48%, soit 1,75% du PIB. Autrement dit, sur toute la richesse que produit le Togo, seulement 1,75% sont consacrés à la santé, un des secteurs les plus vitaux du pays. Une situation que dénonce le Synphot, qui considère que la santé ne rentre pas dans les priorités du gouvernement. Les conditions de travail sont exécrables. À titre d’exemple, toute la chaîne logistique souffre aujourd’hui d’énormes insuffisances.
Au CHU Kara comme ailleurs dans le pays, « il n’y a pas d’appareil pour le monitorage des malades; pas d’electrocardiogramme pour explorer la fonction cardiaque; pas d’oxygène pour apprécier la saturation en oxygène, etc. De même il y a absence d’otoscope pour l’examen du conduit auditif; les structures sanitaires pour la plupart ne disposent d’aucun appareil de dialyse pour les malades ayant une défaillance de leur épuration rénale; les centrales d’oxygène ne fonctionnent plus ». C’est là quelques exemples énumérés par le Synphot au niveau de la réanimation. Tout ceci entraîne un taux très élevé de décès, précise-t-il.
En ce qui concerne les secteurs de premiers soins ou d’admission comme les urgences « il faut tout prescrire au malade: gants, compresses, sparadrap, seringues, produits antiseptiques, antidouleurs, coton, et fils de suture, perfuseurs, et même l’oxygène », déplorent les responsables du Synphot. Cet état de choses entraîne d’importants retards dans la prise en charge des urgences.
Pour l’examen des blessés, dans le cas des fractures, ils utilisent des « atteles de fortune confectionnées avec du carton pour contenir les membres fracturés. Pourtant nous avons à Lomé un centre de formation régionale en chirurgie et il est honteux de savoir que les collègues étrangers garderont de notre pays le souvenir d’aussi dégradantes conditions de travail », relève le Synphot qui précise que c’est tous les services de santé qui sont paralysés ou tournent au ralenti dans le pays.
Entre autres exemples, les activités dans les laboratoires sont interrompues par manque de réactifs; les appareils d’échographie sont en panne tout comme les scanners. Le scanner du CHU Sylvanus Olympio n’a travaillé que pendant six mois en 2013; 4 mois en 2014; en 2015 il est toujours en attente de réparation. Celui du CHR Lomé commune n’a jamais fonctionné depuis son inauguration en grande pompe en 2010 par le Chef de l’Etat. A tout ceci, viennent s’ajouter les infrastructures qui sont dans un état de délabrement avancé, indescriptible.
Le Synphot interpelle par sa sortie de ce jour, le premier ministre pour qu’il trouve rapidement un début de solution à ces innombrables préoccupations: « Le Premier ministre a raison lorsqu’il dit que les personnalités ministérielles qui viennent se soigner dans ces hôpitaux sont rares et les exemples sont connus de tous. Il a raison lorsqu’il affirme que seul le peuple vient se coucher dans ces réanimations-mouroirs, ces blocs-mouroirs, ces services-mouroirs, où le gouvernement ne peut pas mettre les équipements et les moyens indispensables…Même si les hôpitaux publics sont pour les pauvres, le Premier ministre en sa qualité de chef du gouvernement et de surcroît ministre de la santé, il devait lutter pour que la santé soit inscrite comme une priorité ».
C’est une question de volonté et de priorité quand on sait que pas plus que mardi dernier, le Chef de l’Etat Faure Gnassingbé a offert au Forces Armées Togolaises, 80 voitures Land Cruiser d’une valeur de 1 milliard 500 millions de FCFA, pour dit-on, assurer la protection du pays contre le terrorisme. Une somme qui pouvait servir à construire un hôpital de référence dans une localité du pays.
La clinique internationale Biasa par exemple, qui répond aux normes internationales, et qui est devenue une référence dans la sous-région, n’a coûté que trois milliards de FCFA. Les dix milliards de la Banque d’investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC) qui ont été gaspillé pour acheter des « pacotilles » en Inde comme appareils médicaux, auraient pu servir à construire trois hôpitaux identiques à la clinique Biasa dans trois grandes villes. C’est encore possible.
Vouloir c’est pouvoir dit-on souvent. À l’approche de l’élection présidentielle, plusieurs centaines de milliards sont engloutis dans des grands travaux d’infrastructures routières ici et là. Le gouvernement oublie qu’il faudra être en bonne santé avant de circuler sur les routes. Le ministère du développement à la base par exemple, (NDLR chargé de la propagande et de l’achat des consciences) a vu son budget tripler. Il passe de 10 à 30 milliards de FCFA cette année. Parce qu’on veut multiplier les achats de houes, coupe-coupe, brouettes et autres pour les populations en échange de leur vote pendant que les hôpitaux manquent de tout. Ainsi va le Togo.