Togo - Candidat à sa propre succession, Faure Gnassingbé semble serein face à ses adversaires désorganisés. Pourra-t-il être élu ou pas ? S’il passe, ce troisième mandat sera pour lui, le mandat de tous les enjeux.
Arrivé à la tête du pays en 2005 dans des conditions peu démocratiques, et dans une tension sociopolitique extrême, Faure Gnassingbé s’est employé à désamorcer la poudrière qu’est devenu le Togo. Président discret et jeune, les togolais ont commencé par connaître Faure Gnassingbé vers la fin du régime de son papa. Discret membre du gouvernement puis député de Blitta, Faure Gnassingbé à l’opposé de ses autres frères, n’est pas un homme à frasques.
Cette discrétion et cette jeunesse, lui ont bien valu des interprétations, chacun essayant d’inventer pour lui, un personnage, tant sa vie privée était cachée au grand public.
Président célibataire, on le dit accro à internet et friand de belles femmes, mais sur ce point, on ne peut pas le lui reprocher. C’est presque un scandale en Afrique d’accuser un homme d’aimer beaucoup les femmes.
N’ayant pas un grand background politique, certains ont vite fait de l’assimiler à un naïf politique manipulable.Mais Faure Gnassingbé s'est révélé un redoutable animal politique.
Utilisant les recettes de son feu père associées aux conceptions démocratiques de l’intellectuel qu’il est, Faure Gnassingbé a réussi à coup de carottes et de bâtons, à mettre ses partisans et ses adversaires au pas, dominant au final la scène politique sur laquelle on ne payait pas cher de sa peau à sa prise de pouvoir.
De l’APG à la CVJR, en passant par son accord historique avec Gilchrist Olympio, Faure Gnassingbé a réussi tant soit peu, à se faire accepter et reconnaître comme président par ses adversaires. Son élection en 2010 même si elle est contestée, a fini par lui donner un peu répit quant à son statut d’homme d’Etat jouissant de la légalité que confère les urnes.
Si Faure Gnassingbé réussi à se faire élire le 15 avril prochain, ce 3ème mandat que d’aucun qualifie déjà de mandat de trop, sera pour lui, un mandat de tous les enjeux.
Au plan politique, le Togo ne peut plus se permettre de faire pâle figure de mauvaise élève de la démocratie et de continuer avec ces présidences à vie. Il va falloir, tôt ou tard, penser à faire des réformes pour engager le pays sur la voie d’une réelle démocratie et penser à son statut d’ancien chef d’Etat, car, l’alternance s’imposera forcément.
Au plan économique, Faure Gnassingbé doit encore convaincre. Après plusieurs années de crise politique, qui ont vu le délabrement des infrastructures publiques, Faure Gnassingbé s’emploie à remettre en l’état ce qu’il peut et à construire de nouvelles routes. S’il elles sont à saluer, ces nouvelles infrastructures n’améliorent pas le quotidien des togolais et d’une jeunesse en majorité soumise au chômage.
Les programmes socio-économiques en faveur des couches les plus démunies et des jeunes, pour le moment relèvent plus de coup d’éclat et de marketing politique. Les résultats ne sont ni durables, ni profitables pour les bénéficiaires.
Le clivage entre une minorité très riche qui profite des marchés publics et d’autres avantages de l’Etat et la majorité qui se débrouille, est un boulet pour sa présidence.
Faure Gnassingbé rêve de faire du Togo, un pays émergeant et un hub financier dans la sous-région mais pour cela, il va falloir user d’audace et d’innovation. Il est urgent de libéraliser certains pans de l’économie nationale comme les télécommunications, les jeux de hasard, les distributions pharmaceutiques, l’importation de certaines denrées et surtout un coup de pouce réel au secteur agroalimentaire. La nomination à la tête des structures étatiques de véritables managers et non des gens bardés de gros diplômes mais sans réelles compétences. Il va falloir donner aux ministres une feuille de route claire et exiger des bilans périodiques. Bref, c’est tout un nouveau management qu’il va falloir mettre en place.
Ce troisième mandat de Faure Gnassingbé même s’il est de trop, peut-être finalement considéré par la population comme un moindre mal, tant l’opposition dans son ensemble, à bien déçu les togolais.
Cinq ans, c’est ce qui reste à Faure Gnassingbé pour finalement convaincre les togolais et peut-être un jour, faire du Togo un pays démocratique et se faire applaudir dans les rues comme un certain Jerry John Rawlings au Ghana ou un Matthieu Kérékou au Bénin ou au contraire prendre inévitablement la petite porte un jour comme un certain Blaise Compaoré