Lomé - La Cour constitutionnelle du Togo a validé la candidature du chef de l’Etat sortant Faure Gnassingbé, qui briguera donc un troisième mandat à l’élection présidentielle de mi-avril malgré les protestations de l’opposition et de la société civile.
Jean-Pierre Fabre, considéré comme le chef de l’opposition togolaise, à la tête de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), a vu lui aussi sa candidature validée et apparaît comme le principal rival de M. Gnassingbé pour ce scrutin à un tour prévu le 15 avril.
Trois autres opposants, qui avaient déposé leur candidature devant la Commission électorale indépendante (CENI) avant la date limite du 1er mars, ont également été autorisés à se présenter.
"Après l’examen des dossiers, tous les postulants remplissent les conditions fixées à l’article 62 de la Constitution", a déclaré la Cour dans un communiqué.
Depuis une modification de la Constitution en 2002 par le général Gnassingbé Eyadéma, prédécesseur et père de l’actuel président, il n’y a plus de limitation des mandats présidentiels au Togo.
Un projet de loi visant à limiter le nombre de mandats présidentiels avait été rejeté en juin 2014 par le Parlement, où le parti au pouvoir est majoritaire.
Les partis d’opposition et la société civile sont descendus plusieurs fois dans la rue, ces derniers mois, pour réclamer une limitation des mandats présidentiels et protester contre un troisième mandat de M. Gnassingbé.
Mais l’opposition togolaise, très divisée, peine à parler d’une seule voix et à mobiliser les foules.
Après des études de finances et de gestion en France et aux Etats-Unis, M. Gnassingbé, un homme discret et timide, réputé habile, était rentré au Togo au milieu des années 1990 pour devenir le "grand argentier" et conseiller
financier de son père.
Porté au pouvoir par l’armée à la mort du général Eyadéma, qui a gouverné
le Togo d’une main de fer pendant 38 ans jusqu’en 2005, il a remporté en 2005
et 2010 des scrutins présidentiels aux résultats contestés par l’opposition.
- ’Electeurs fictifs’ -
Les organisations de défense des droits de l’Homme ont organisé un sit-in,
jeudi, devant le siège de la CENI à Lomé, pour réclamer des réformes électorales avant le scrutin.
La cinquantaine de manifestants a été chassée à coup de canons à eau, a constaté un journaliste de l’AFP sur place.
L’homme d’affaires togolais Alberto Olympio, à la tête du "Parti des Togolais", un des premiers à avoir annoncé sa candidature à la présidentielle il y a plusieurs mois, a finalement pris la décision de ne pas présenter son dossier à la CENI, à cause du manque de transparence du processus électoral.
"Le peuple m’a donné le mandat d’aller à des élections bien propres. Mais actuellement, nous assistons à une parodie d’élections, dans la mesure où le fichier électoral n’est pas propre. J’ai demandé ce fichier et la CENI a refusé de me le donner", a-t-il déclaré à l’AFP.
"Je vais saisir la Cédéao (Communauté économiques des Etats d’Afrique de l’Ouest), l’UA (Union africaine), (l’Organisation internationale de) la Francophonie", a assuré à l’AFP M. Olympio, neveu de Gilchrist Olympio, un opposant historique rallié au pouvoir il y a quelques années, et petit-neveu de Sylvanus, le père de l’indépendance togolaise.
L’ONG de défense des droits de l’Homme "Synergie Togo", basée à Paris, dit avoir mené une étude sur les fiches électorales depuis 2003 et y avoir décelé 30% d’électeurs fictifs.
"30% d’anomalies dans une élection à un seul tour, cela suffit à orienter le résultat", s’inquiète Brigitte Améganvi, la présidente de Synergie Togo.
"Cela augure mal de la transparence des élections. Et le fichier électoral n’est pas le seul élément de fraude que le gouvernement togolais déploie.
Aujourd’hui la CENI n’est pas indépendante, la Cour constitutionnelle n’est pas indépendante, la justice d’une manière générale n’est pas indépendante, donc on ne peut parler d’élections transparentes au Togo" a-t-elle poursuivi, dans un entretien téléphonique avec l’AFP.
"Ces élections ne peuvent raisonnablement pas se tenir le 15 avril, ce n’est pas possible. C’est aux organisations politiques de faire le nécessaire pour que les élections n’aient pas lieu à cette date-là", a-t-elle dénoncé.
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