Dans une interview qu’il a nous accordée, le président de la coalition ARC-EN-CIEL et président du Parti Démocratique Panafricain (PDP), Bassabi Kagbara, parle des élections du 21 juillet 2013, appelle le peuple à dire non à la manipulation et reste ferme sur la victoire de l’opposition à cette élection. Lecture !
Il y a un peu
plus de deux semaines, vous demandiez le report de la date du scrutin. Mais le gouvernement vient plutôt de décréter
l’ouverture de la campagne électorale. Quels sont vos sentiments ?
Je prends note avec amertume de cette situation et il faut la gérer avec responsabilité. Je dois vous faire remarquer une fois encore que la compétition électorale a été programmée en pleine saison pluvieuse, une période de grands travaux champêtres, avec des routes en très mauvais état, ce qui ne favorise point un accès facile tant au lieu de vote que pour une campagne électorale efficace. C’est la période où les quelque sentiers qui sillonnent nos contrées sont impraticables. Dans un tel décor on ne saurait techniquement tenir des élections justes et transparentes dans cette période.
Je voudrais également vous faire remarquer, qu’en plus des inconvénients climatiques, le pouvoir a cru tout faire pour surprendre l’opposition et l’affaiblir, en fixant dans la précipitation la date du scrutin, ne permettant point à l’opposition de se préparer comme il se doit pour l’enjeu.
C’est pour tout cela que le Pdp proposait par exemple le mois de septembre, une période de récolte, mais aussi cela permettrait de calmer un tant soit peu l’esprit de tous les acteurs et ramener le calme nécessaire au niveau de la nation.
Faut-il
comprendre que dans les conditions actuelles la chance de l’opposition de
gagner les élections s’est amenuisée ?
C’est plutôt le contraire qui va se produire. En réalité, ce n’est plus l’opposition seule qui est fatiguée du pouvoir en place ; mais c’est tout le peuple qui veut de nouvelles têtes pour une autre gouvernance de l’Etat. Vous l’avez vu : même les localités que le pouvoir a toujours brandies comme son fief se révoltent contre lui aujourd’hui. Donc, je n’ai aucune crainte sur la victoire de l’opposition, si on ne détourne pas les voix des concitoyens comme d’habitude.
La semaine
dernière, l’ambassadeur de l’UE a, au nom du groupe des 5, invité le pouvoir à
mettre en place toutes les mesures nécessaires qui garantissent la crédibilité
et la transparence du scrutin ; comment avez-vous accueilli cette
déclaration du groupe des 5 ?
Ce sont des
déclarations d’un diplomate. Indirectement,
je crois que les partenaires demandent au pouvoir de repousser la date du
scrutin et améliorer surtout le cadre électoral, garantir la transparence et la
vérité des urnes en impliquant autant que possible tous les acteurs au même
degré. La déclaration du groupe des 5 sous-entend également qu’ils
reconnaissent que les conditions de crédibilité et de transparence du scrutin
ne sont pas du tout réunies : nous avons en face une Ceni déséquilibrée et
partisane, avec même en son sein des membres qui ne représentent aucune partie
prenante à ces élections. Alors, s’il en est ainsi, il va de soi qu’on revoie la
date du scrutin pour permettre à tous
les acteurs de s’impliquer profondément pour des élections crédibles et justes.
Nous
estimons que, d’une façon ou d’une autre, le groupe des 5 nous rejoint quand
nous demandions que la date du scrutin soit reportée.
En
2007, vous étiez le premier à crier au vol de vos voix, notamment dans la
Binah et dans le Dankpen. Qu’est-ce que vous comptez faire cette fois pour défendre
votre victoire ?
Notre premier défenseur sera d’abord le peuple en général et nos militants en particulier. Nous prenons également à témoin les instances internationales impliquées dans la garantie de transparence du scrutin. Personne n’a intérêt à ce que les volontés exprimées par nos populations soient une fois encore détournées et trahies. Les conséquences vont nous revenir tous en plein visage. Même le pouvoir en place sait qu’il est temps qu’on change les hommes, qu’on laisse d’autres têtes venir aux affaires et participer à l’amélioration des conditions de vie de nos populations.
Si la coalition Arc-en-ciel, dont
vous êtes membre, remportait ces élections, vous seriez prêt à travailler avec
les autres ou vous allez composer seul ?
Personne n’a intérêt à diriger tout seul le pays. Je viens de le dire : même le pouvoir en place sait qu’il faut qu’il compose aujourd’hui avec les autres. On gagne en composant ou en partageant avec l’adversaire de bonne foi, qui ne doit pas être considéré comme un ennemi à abattre. Je peux vous dire par exemple qu’au sein d’Arc-en-ciel la cohabitation n’a pas été toujours facile. Mais nous avons progressé, nous avons avancé jusqu’à ce jour. Pour nous au Pdp c’est l’intérêt supérieur de la nation qui compte et surtout celui de nos populations. Celles-ci ont assez souffert de nos turpitudes politiques. Cela va même au -delà des petits calculs d’orgueil et de complexe de tout genre. C’est ce complexe qui a bloqué le Togolais dans la voie du changement démocratique et du développement.
Il y a deux semaines la loi sur le
statut de l’opposition a été votée, quelle appréciation en faites-vous ?
J’avoue que c’est une loi particulière au Togo, comme l’a reconnu curieusement le ministre de l’Administration territoriale lui-même devant le parlement. Selon cette fameuse loi, il semble que tout parti au pouvoir peut se retrouver en même temps opposant au même pouvoir. Peut-on honnêtement gouverner et s’opposer à soi-même !!! C’est au-delà de tout entendement. Vous voyez le paradoxe criard que porte cette fameuse loi. Je crois que c’est une loi faite juste pour embrouiller, pour créer la confusion. C’est une loi de propagande politique. Pour moi il n’y a pas d’événement. C’est en fait une confirmation de cet esprit de suffisance dangereux qui mène le Togo vers le comble et le chaos. Je crois qu’il faudra nous amener à bien comprendre ce texte et sa finalité profonde. Le futur parlement doit s’y atteler en revoyant sa contexture et sa valeur constructive.