Descentes dans la vie des trois ans de l’avènement de l’ANC : Jean-Pierre Fabre, ou le parcours d’un guerrier politique qui maintient la flamme de l’espérance
Togo - 10 octobre 2010 - 10 octobre 2013, il y a trois (3) ans l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) est née. Créée pratiquement sur les débris de l’Union des Forces de Changement (UFC), l’ANC, est l’une des plus jeunes formations politiques au Togo. Cependant de par la carrure des principaux fondateurs, ce parti s’impose aujourd’hui leader de l’opposition politique. Comment peut-on expliquer l’implantation réussie de l’ANC ? Quels sont les apports du président du parti Jean-Pierre Fabre pour cette ascension fulgurante ? Comment parvenir à l’alternance avec le parti et éviter la dislocation comme cela est souvent arrivé aux grandes formations politiques de par le monde ? Voilà autant d’interrogations qui pourraient meubler les activités de la commémoration de ce 3ème anniversaire qui démarre aujourd’hui avec un appel à la libération des détenus politiques et s’achève le 20 octobre prochain avec un culte protestant à l’Eglise Presbytérienne de Nyékonakpoè.
Naissance dans un contexte presque intenable
Au début de l’année 2010, personne ne pouvait penser à la naissance d’un nouveau parti dans les entrailles de l’UFC qui a présenté Jean-Pierre Fabre comme candidat à la présidentielle du 04 mars 2010. Malgré sa réticence, le président du parti Gilchrist Olympio a fini par appeler au bout de ses lèvres, à voter le candidat Fabre. Mais la situation va se compliquer avec la signature unilatérale de l’accord du 26 mai 2010 avec le RPT. L’acte de Gilchrist Olympio a été perçu comme une trahison. Il s’engage dès lors une véritable bataille rangée pour le contrôle de l’UFC. Le groupe fidèle à la ligne du parti autour de Jean-Pierre Fabre annonce un congrès le 10 août 2010 et l’autre faction abusant de la sénilité de septuagénaire Olympio projette aussi un congrès pour le 12 août. Devenu allié du pouvoir, M. Olympio a fait interdire le congrès du 10 août le qualifiant d’illégal. N’empêche, Fabre et son groupe ont bravé les barbaries policières pour tenir leur congrès. C’est ainsi que l’ancien Secrétaire Général est devenu le nouveau Président du parti avec la majorité des cadres derrière lui. L’autre fait majeur du congrès du 10 août est l’exclusion de Gilchrist Olympio du parti pour trahison. Deux jours plus tard, Gilchrist sous haute protection policière, organise aussi son congrès à l’hôtel Ibis entouré de quelques poids plumes du parti notamment les fameux AGO (Amis de Gilchrist Olympio).
A son tour, il prononce l’exclusion de Fabre, Patrick Lawson, Me Isabelle Améganvi, Mme Sokpoli Félicité et Eric Dupuy. Des policiers et gendarmes sont envoyés bloquer le siège de l’UFC pour y installer plus tard Gilchrist et ses AGO. En ce moment précis, il faut être un fakir pour imaginer la suite de ce feuilleton.
Dans cet imbroglio, Fabre et plus de ¾ des cadres de l’UFC ont passé deux mois juste pour fonder l’ANC et laisser la coquille vide de l’UFC à Gilchrist Olympio et ses AGO. L’idée principale de la création de l’ANC est la poursuite du combat pour l’instauration de la démocratie, de l’Etat de droit et l’alternance au Togo. De la présidentielle du 04 mars 2010 à la création de l’ANC le 10 octobre 2010, les violences et barbaries du pouvoir vis-à-vis des militants de l’opposition ont atteint leur paroxysme. Il faudrait à l’époque la détermination et le courage herculien pour poser l’acte de Fabre qui maintient jusqu’alors la flamme de la lutte pour l’alternance au Togo
ANC, trois ans dans la dynamique de l’alternance
Tout observateur de la scène politique togolaise dira sans fausse modestie que le bilan de l’ANC est positif quand bien même les conditions pour l’alternance en 2015 ne sont pas tout a fait réunies pour l’heure. Dans cette dynamique pour la délivrance du peuple de la tyrannie Gnassingbé, Jean-Pierre Fabre devient le chef de file de l’opposition au sortir des élections législatives du 25 juillet dernier.
Avant d’en arriver là, que des coups de bâtons et de fusil ! Pour avoir osé créer l’ANC, Jean-Pierre Fabre et huit (08) autres camarades députés de lutte ont été illégalement chassés du parlement. Une première dans l’histoire politique du monde. Tout ceci pour priver le tout nouveau parti des moyens financiers pour continuer la lutte. Dans plusieurs manifestations, Fabre a été la cible des policiers et gendarmes missionnés. Séquestration répétée de son domicile à Kodjoviakopé, son véhicule caillassé par des grenades lacrymogènes, des coups de matraques au dos dont ceux de l’officier Kondo au Foyer Pie XII sont encore vivaces dans les esprits. Le pouvoir a poussé le cynisme et l’arbitraire jusqu’à l’inculper dans cette ténébreuse affaire des incendies des marchés de Lomé et de Kara le 11mars 2013. Cet économiste nanti d’un DEES à l’Université des Sciences et Techniques de Lille en France est un modèle d’engagement politique au Togo. De l’UFC à l’ANC, celui dont on reproche souvent le manque d’éloquence a su garder le cap malgré les tracasseries politiques. Si l’ANC devient la principale force politique de l’opposition aujourd’hui, c’est bien grâce au courage de Fabre qui affrontait à l’époque le pouvoir en même temps que son ancien mentor en perdition Gilchrist. Après Gilchrist complètement K-O, de faux procès pour contester le leadership de Fabre.
Fabre plutôt rassembleur
Après sa légitimation comme leader de l’opposition après le scrutin du 25juillet, Fabre fait face à des attaques en règle de ses amis de l’opposition. La coalition Arc-en-ciel trouve qu’il n’a pas le profile pour diriger l’opposition. Les responsables de la Coalition Arc-en-ciel trouvent qu’il n’est pas rassembleur et ne pouvait conduire à l’alternance en 2015. Le président du Sursaut Togo Kofi Yamgnane depuis la France n’a de cesse d’envoyer des piques et trouve d’ailleurs qu’il faut trouver un porte-parole de l’opposition en dehors de Fabre. Dans cette guerre de leadership, l’ancien professeur d’économie à l’ancienne Université du Bénin a dû subir des coups venus même du Collectif Sauvons le Togo (CST) auquel son parti ANC est la principale composante. Il s’agit notamment du président d’OBUTS, Kodjo Agbéyomé qui exige la démission d’un député ANC au profit de son Vice-Président Gerard Adja. L’ancien premier ministre d’Eyadéma fustige les poussées « hégénomiques » de l’ANC au sein du CST.
Mais à y regarder de près, à bien d’égard, ce sont de faux procès juste pour déclencher des débats autour de la désignation du prochain candidat unique de l’opposition. Contrairement aux déclarations des uns et des autres , depuis l’évènement de l’ANC, Fabre a fait beaucoup de concessions pour consolider la dynamique unitaire de l’opposition. Malgré la volte face spectaculaire d’Agbéyomé en 2010 suivie des invectives, le président de l’ANC l’a réadmis à ses côtés par les manifestations et les meetings à la Plage jusqu’à la création du CST. Si Fabre n’était pas soucieux de l’union de l’opposition, il n’allait guère engager son parti dans le CST au point de se faire éclipser par le Coodonnateur Me Zeus Ajavon. Pour les législatives du 25 juillet quand bien même l’ANC est l’épine dorsale du CST, Fabre et les siens ont concédé plusieurs sièges à leurs alliés dont OBUTS qui en avait eu jusqu’à 27 pour zéro élu.
Il est vrai que désormais leader de l’opposition, Fabre doit faire davantage pour convaincre les indécis et les perturbateurs afin d’incarner le choix incontestable du candidat naturel unique de l’opposition en 2015. Des efforts doivent être faits dans le sens de la mobilisation générale du peuple à travers tout le pays. Si l’opposition n’a pu gagner les législatives, certains trouvent que Fabre et les siens ont trop laissé l’intérieur au pouvoir en consacrant presque toutes leurs activités à Lomé. Dans les perspectives de 2015, l’ANC et son président doivent revoir leur copie et stratégies pour réallumer la flamme de l’espérance.