Les faits se résument en trois épisodes simples. A l’annonce de la rentrée scolaire 2013-2014, un collectif de six syndicats dépose un préavis de grève de 3 jours pour réclamer diverses primes.En réaction, le gouvernement dit débloquer 3,6 milliards pour satisfaire une des primes, notamment la prime de bibliothèque ainsi que le recrutment de certains enseingants vacataires dans la fonction publique.
Le niveau de l’effort n’a pas satisfait les enseignants qui maintiennent la grève et patatras, le gouvernement décide de reconsidérer sa position en conditionnant le payement de cette ultime prime à la levée de la grève.
Donc en trois phrases, l’on a vite fait de résumer le différend qui oppose le gouvernement au corps des enseignants, mais dans les faits, l’on risque de mettre des semaines à tergiverser, à tourner en rond, à ergoter sans pour autant assurer une année académique saine aux élèves qui sont finalement les principaux laissés pour compte.
C’est dommage et tout à fait regrettable que l’on gère les affaires du pays avec un tel niveau de légèreté.
Voilà donc un pouvoir qui est censé savoir d’avance les problèmes qui minent le secteur de l’enseignement avant même d’annoncer la date de la rentrée, mais qui n’a, a priori, pris aucune disposition pour anticiper ou pour prouver au moins sa bonne foi.
Et il a fallu que les syndicats des enseignants menacent par un préavis de grève pour déterminer l’autorité à proposer naïvement un intéressement modique sur l’ensemble des primes demandées.
Et puisque les enseignants estiment que les mesures prises dans l’urgence pour parer au plus pressant sont largement insuffisantes, le gouvernement à son tour y renonce histoire de contraindre ces « affamés » enseignants à céder sous le poids de la faim et du besoin….conséquence la rentrée s’organise dans un contexte d’agitation et d’instabilité totale.
Incroyable !!! Procédons par une démarche de questions-réponses pour mieux éclairer la lanterne des lecteurs. Florent Manganawoé, l’actuel ministre des enseignements primaire et secondaire savait-il les besoins ou même les engagements du gouvernement vis-à-vis des enseignants ou pas ?
L’on dira que probablement il ne les connaissait pas puisqu’il vient à peine d’arriver. Cela peut peut-être l’excuser, mais n’excuse en rien l’Etat pour au moins deux raisons.
La première, c’est que l’on est dans un contexte de continuité, c’est-à-dire que le pouvoir est le même et c’est exactement ce même pouvoir qui avait pris des engagements, depuis des années, vis-à-vis du corps enseignant et qui peine encore à les honorer préférant les différer à chaque fois par une méthode de fuite permanente en avant.
Deuxième motif, c’est ce même pouvoir qui a choisi de traîner en longueur de semaines sans former le gouvernement après les élections législatives alors même que tout le monde savait que des urgences fusaient de partout !!! Quel amateurisme !!! Quel jonglage !!!
Deuxième question, avant que Florent Manganawé n’annonce le report de la rentrée au 14 octobre sur la base du payement de l’unique prime de bibliothèque, s’était-il assurer d’avoir le consentement des syndicats ?
Manifestement non. Il se fait donc que sans avoir pris de gangs, Florent Manganawé est ses mentors ont naïvement cru qu’il suffisait d’accorder 10.000 ou 15.000fcfa de prime de bibliothèque aux enseignants pour que ces derniers renoncent au reste de leurs droits.
Mais c’est tout simplement irréfléchi et révélateur d’une certaine forme d’arrogance de la part de nos dirigeants. Ils ignorent que les primes demandées sont des droits et agissent comme s’ils faisaient des cadeaux à partir des biens qui leur appartiennent à eux et à eux seuls. Voyez-vous ?
Nous sommes bien dans le contexte, faut-il le rappeler à nos dirigeants, d’un Etat dont le pouvoir est supposé être issu de la volonté du peuple y compris donc des enseignants. L’on ne saurait, dans un tel contexte, conditionner le payement d’un droit au renoncement des autres.
En réalité, que demandent les enseignants ?
Des primes d’éloignement, de logement, de travaux de nuit, de rendement, de mérite et de bibliothèque qui sont bien connus de l’Etat puisque c’est avec son consentement que toutes ces primes ont été arrêtées depuis déjà près de trois ans sans qu’elles n’aient été réellement prises en compte.
Et devant tout ce chapelet de doléances le gouvernement n’a été en mesure que de prendre une seule ou deux et refuse aux syndicats de manifester leur mécontentement.
L’on peut bien comprendre que des ressources soient effectivement limitées et que l’Etat n’ait pas vraiment les moyens de faire plus, mais son attitude particulièrement grossière qui consiste à dire « je ne paye pas ce minimum si vous ne renoncez pas à la grève » est de toute évidence irresponsable et traduit l’arrogance et même la force brute avec lesquelles le Togo est gérée aujourd’hui.
Pire encore, l’on peut bien juger du niveau d’arrogance et d’insolence du gouvernement à partir de ce qu’a déclaré le nouveau ministre des enseignements primaires et secondaires quand il s’est aperçu que les syndicats n’étaient pas disposés à se contenter des miettes qu’il leur proposait.
« Le métier d’enseignant est un bloc, il va de la documentation à la vérification en passant par la correction et la préparation. On ne peut pas se permettre d’insister sur des primes alors que le secteur souffre de beaucoup de maux auxquels il faut trouver des solutions définitives ».
L’on retient entre ces lignes que M. Manganawé traite les enseignants « d’irresponsables » dès lors qu’ils « se permettent d’insister sur les primes alors même que le secteur souffre de beaucoup de maux » comme si ces maux relevaient de la responsabilité immédiate de ces enseignants. C’est tout même curieux que l’on renverse tout dans ce pays !!!!
Avec un tel ton d’expression, l’on ne peut que conclure que Florent Manganawé et ses mentors jouent vraiment avec le feu dès lors qu’ils se refusent de comprendre que les enseignants sont dans leurs droits et si l’on veut les amener à mettre du bémol dans la réclamation de ces droits, il faudra nécessairement passer par négociation tactique et courtoise plutôt que par impositions et dictats grossiers et maladroits.