Deux émissaires de monsieur Faure Gnassingbé, transportant une importante somme d’argent pour le président français, ont été priés de retourner le cadeau à son propriétaire. Plus fidèle au testament d’un père que Faure Gnassingbé, tu meures. Le plus chanceux des princes qui ont hérité de la ‘’République en Faillite du Togo’’, ‘’RFT’’, est fidèle non seulement aux conseils de feu son père, mais aussi aux habitudes, si viles soient-elles, de la maison. Il vient, encore une, fois de le prouver à travers cette mission avortée.
Dans le climat tendu qui a pesé sur la prise de pouvoir de Faure Gnassingbé, il est plusieurs fois revenu dans les échanges l’histoire d’un testament ; un testament dont seul un certain Pitang Tchalla, ancien ministre de la communication, avait le secret. Le fameux document, qui en réalité, n’a existé que dans l’imagination fertile de ceux qui estiment que le titre foncier de la République leur revenait, confiait le pouvoir du ‘’père de la Nation’’ à Faure Gnassingbé, ‘’le fils de la Nation’’. Alors qu’il tenait entre ses mains un pouvoir encore chaud à l’époque, le prince héritier déclarait au palais des congrès de Lomé que son père l’a conseillé de ne jamais laisser tomber le pouvoir au risque de ne plus le récupérer. Mieux, l’héritage du père au fils est aussi fait des habitudes. Entre autres, on reconnaît des mallettes diplomatiques véhiculant la corruption pour perdurer au pouvoir. La méthode a toujours marché avec le père et ce n’est pas au prince d’en faire économie. En effet, il y a de cela quelques mois, deux émissaires de Lomé atterrissaient à Paris. Le chef de mission était l’inoxydable conseillé Barry Moussa Barqué, son second, dont nous gardons le nom, est l’un des rares barons rescapés qui tiennent encore les câbles avec le fils à la tête d’une importante institution de la République. Tous d’eux devaient transmettre à l’Elysée une importante somme d’argent. Mais les émissaires ont rencontré une autorité française qui n’a pas la culture des mallettes de la France-Afrique. Ils ont été tout simplement priés de retourner le cadeau à l’envoyeur. Dans les échanges, l’Elysée a cherché à savoir le pourquoi un autre cadre du parti au pouvoir ne briguerait pas le pouvoir en lieu et place de Faure Gnassingbé. Dans sa réponse, monsieur Barqué a laissé entendre qu’il a conseillé Faure Gnassingbé dans ce sens mais qu’il n’a pas rencontré une oreille attentive. Les deux émissaires sont revenus comme ils sont partis, c’est-à-dire avec l’argent de la corruption intact. Le prince est mal à l’aise et cherche à comprendre comment la mission a avorté. Le compte rendu du conseiller de tous les jours ne l’a pas convaincu. En aparté, il fait parler le second missionnaire qui dit tout. Il n’en faut pas plus pour que le président à vie se mette en colère. Dans l’une de nos livraisons, nous vous disions que monsieur Barqué a eu pour une fois, le courage de dire à son utilisateur de se retirer du pouvoir. Nous vous dissions que ce revirement a été considéré comme de la trahison parce que Barqué n’est pas connu pour un franc-parler. Bien avant lui, d’autres personnes ont donné des avis similaires au prince sans pour autant rencontrer la même réaction. Barqué n’a donc pas seulement conseillé au prince de se retirer, mais il a fait savoir sa position vis-à-vis du prince à la mère patrie. Voilà, entre autres, les non-dits de la brouille entre le conseillé et son patron. Au plus fort de la crise au sommet, l’on a tout fait pour entretenir une autre image, mais la réalité était difficile à occulter. Il y a bel et bien eu, encore faut-il que ce soit fini, problème entre Barqué présentement en France pour des motifs qui nous échappent et son employeur. Cet épisode ne met pas seulement à nue une bisbille entre deux individus, mais il démontre aussi comment le pouvoir rase les couloirs de la corruption pour se maintenir. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que la France d’aujourd’hui n’est pas chaude pour les présidents à vie. Tout le monde a été témoin de comment la France s’est opposée aux ambitions de Compaoré et du rôle que ce pays a joué dans le départ de celui-ci malgré le ronflant titre de médiateurs sous régional qu’il trainait. Si la France n’a pas directement demandé à monsieur Faure Gnassingbé de se retirer du pouvoir, elle le fait tout de même à demi mot à la moindre occasion dans un langage diplomatique. De ce fait, si les billets de banque peuvent changer le regard français sur la monarchie togolaise, c’est le pouvoir héréditaire qui se porterait mieux. Voilà comment on peut comprendre ce ballet d’un autre siècle entre la mère patrie et sa colonie.
On ne change pas une méthode qui gagne
Certes, pour se démettre du passif de son père, au même moment où Faure tenait à bras le corps l’héritage à lui légué par celui-ci, il répondait à ceux qui tentaient de l’assimiler à son géniteur : « lui c’est lui, moi c’est moi ». Pour dire qu’il se départit des vieilles habitudes. C’est bien vrai, sauf que le prince a gardé les viles habitudes de la France-Afrique, les mêmes qui ont permis à son père de tenir les câbles le temps qu’il faut. On se rappelle en 1995, le duel fratricide au sein de la Droite en France. Le pays est à quelques encablures de son élection présidentielle. Edouard Balladur et Jacques Chirac se regardent en chien de faïence. Chirac était alors le maire de Paris. Pendant ce temps, au Togo, le maraboutage traverse de beaux jours à Lomé II. Un des nombreux marabouts d’Eyadema prédit la victoire de Chirac. Eyadema en était sûr. Il prend fait et cause pour le candidat Chirac et le lui signifie puis l’accompagne avec de l’argent. Un avion spécial décolle de Lomé pour l’aéroport Orly Charles de Gaule à Paris. A son bord, le général Gnofam, un marabout et le jeune Faure Gnassingbé, conseiller de son père. Probablement, ce marabout était celui qui a prédit la victoire de Chirac. La délégation transportait de l’argent dans des sacs militaires. Le pactole est estimé à 17 milliards de FCFA. Les envoyés atterrissent et se rendent à la mairie de Paris pour y transmettre le précieux cadeau. Le Marabout est laissé sur place pour les besoins de la cause. Comme quoi, les pratiques mystiques ne sont pas seulement l’apanage des africains. Les missions de ce genre ne sont pas rares dans les relations entre la France et le Togo. Si aujourd’hui Faure Gnassingbé ressuscite les mêmes habitudes pour s’accrocher au pouvoir, où est son mal ? Il n’est d’ailleurs pas le seul, ces pratiques sont connues des autres dictatures, le Gabon en sait quelque chose. En Libye, ce débat était encore chaud quand Kadhafi partait. Seulement, le prince s’est trompé de cible. Il a oublié que les contextes ne sont plus les mêmes et qu’en France, les hommes politiques se succèdent mais ne se ressemblent forcement pas.
Abi-Alfa