Togo - « La politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c’est d’être petit », soulignait Charles De GAULLE dans la compilation de ses Discours et mensonges pour l’effort.
Après s’être dramatiquement embourbé dans une nausée de propagande cyniquement ordurière sur la thèse de boycott de la présidentielle d’avril prochain décriée par le peuple démocratique du Togo, le CAR se couvre d’une rare stérilité d’imagination lorsque son président de girouette, qui s’oriente au souffle saccadé du fondateur AGBOYIBO, tombe dans la caverne de la déraison, proposant sur une chaîne radio aux candidats retenus par la Cour constitutionnelle de se retirer pour le compte de l’Opposition. L’argument qui sous-tend cette somnolence d’esprit, c’est que la communauté internationale saura, à la suite d’un désistement collectif des candidats de l’Opposition, qu’il se passe quelque chose d’anormal au Togo pour ce scrutin.
Cette approche honteusement simpliste du concept de désistement justifie que le CAR a vraiment perdu ses phares dans une nuit sans étoiles, dans sa traversée du désert. Cette idée folle à la limite de la démence qui tient à alerter la communauté internationale par le désistement en bloc de l’Opposition sur les irrégularités de la présidentielle est une caution sans ambages au triomphe du fils du « Timonier ». Dans toute élection, le désistement volontaire des candidats en course favorise immédiatement et ne compromet jamais la validité de la candidature de celui qui a accepté de compétir malgré le désistement de tous les concurrents. Si en droit, le désistement est un acte de liberté individuelle, l’avantage est à celui qui a choisi de poursuivre la course. L’abandon est un argument fallacieux pour invalider la victoire du fils d’Eyadéma. De ce fait, la communauté internationale ne peut afficher une réprobation affirmée contre le gagnant de la présidentielle. Elle ne peut ni le contraindre à renoncer à sa victoire ni le forcer à reprendre la compétition.
La stratégie du CAR est d’une ambigüité proverbiale qui lui assure un déclassement hors norme sur l’échiquier politique qui le confine dans une position de parti-musée aux curiosités multiples d’une encéphalite évolutive dans l’histoire du Togo.
Tout esprit adroit peut se demander les motivations réelles de Dodji APEVON à imaginer un scénario de désistement collectif des candidats de l’Opposition dans une fiction politique et à venir dans un studio de radio pour en faire une large diffusion. Cette légèreté de songe politique est une minable vue de l’esprit en ce qu’elle ne peut, en toute évidence, interférer sur la nullité du scrutin. Le parti des banderoles et des déclarations creuses est d’un esprit fétide mortellement envieux qui le livre à une pacotille de nouveautés en série, en fanfaronnade, en niaiseries, en sottises. Dans sa posture de dégringolade, il nous révèle qu’il ne veut pas tomber seul. Il veut entraîner dans sa chute le reste de l’Opposition. Pour les réformes, aucune action significative, aucune initiative encore moins, aucun soutien à ceux qui se sont constitué en un front pour les exiger. Personne ne sait raisonnablement à quel pallier d’action conjugué de l’Opposition se situe le CAR pour ordonner ou demander le désistement en bloc des candidats de l’Opposition. Par ses slaloms éternels, ses pourritures de ruse, « le parti des déshérités » est devenu le pauvre parent solitaire, frappé d’une déréliction notoire.
Si le CAR est incapable de remorquer les nobles objectifs de nos populations, comment peut-il animer, réinventer le vivre-ensemble et susciter l’accompagnement populaire de ses options ?
Le peuple démocratique du Togo a-t-il vraiment quelque chose encore à espérer du CAR ?
A quoi sert sa nouvelle trouvaille de désistement collectif auquel il appelle ceux avec qui il a refusé de collaborer, d’être dans le combat intégré pour l’alternance politique au Togo ?
1) Les grandes méconnaissances d’APEVON
Il serait injuste de penser que le sieur Dodji APEVON est une nullité professionnelle. Mais, la formation d’avocat est absolument insuffisante pour avoir du répondant en matière politique. Il y a une autre dimension après la formation quelle qu’elle soit et un « feeling » conceptuel qui confèrent des vraies qualités politiques à ceux qui émergent en analyse et actions en faveur du vivre-ensemble.
Par conséquent, la spécialisation à elle seule est tout à fait insuffisante pour produire dans les hommes une lumière, une clairvoyance, un discernement dans l’organisation de la cité, la défense des aspirations réelles des peuples, les stratégies des résultats pour conduire les citoyens vers de grandes espérances. L’éthique et la morale sont des composantes de l’efficacité en ce que les fautes morales en politique sont les sources de la criminalité. Elles engendrent des faillites. La culture du beau, du bien, du juste participe à la construction du bonheur et du partage auxquels aspirent les citoyens. Il y a des notions de valeur à intégrer à la formation dont la diffusion est une générosité politique qui donne l’assurance et met en confiance les populations.
En outre, une grande ouverture d’esprit de l’homme qui s’engage dans la carrière politique lui permet d’être à cheval sur les questions du monde, sur l’histoire, le plateau environnemental, sociologique, économique pour réinventer une nouvelle socialité avec un peuple, une République. La réactivité de l’engagement dans la permanence de la recherche de nouveaux résultats efficaces est le dépassement qui impose l’âme politique, la grandeur de la personnalité, une vraie tête pensante aimante et aimée qui conquiert l’adhésion du plus grand nombre à l’intérieur de la cité. La qualité de l’ordre que nous imposons à notre réflexion débouche sur des solutions possibles dans l’ordre impossible de la quotidienneté.
Nul ne peut avancer que Dodji APEVON, dans ses tours et détours sur la question des stratégies politiques parvient à convaincre les Togolais. Après la campagne infructueuse du boycott de la présidentielle d’avril 2015 animée par le CAR, son président propose aux candidats de l’Opposition d’accepter de se frapper d’un forfait en renonçant en bloc à la compétition exactement comme dans un match de football ou une équipe se désiste. Dans tous les hameaux et villages du Togo cette stratégie de faillite conceptuelle est vite comprise dans la mesure où elle participe à la réalité de tous nos concitoyens qui voient le gain de la victoire gratuitement offert à l’équipe engagée dans la compétition et qui fait acte de présence quand l’adversaire choisit l’absence.
Comment M. APEVON peut-il ignorer cette réalité pour compter sur une éventuelle réaction de la communauté internationale contre la candidature de Faure GNASSINGBE ? Quelle marge de manœuvre, en matière de pression, la communauté internationale dispose-t-elle pour contraindre celui qui a usurpé le pouvoir en 2005 et en 2010 au nez et à la barbe de cette même communauté à arrêter le processus électoral quand les concurrents déclarés choisiront le retrait en bloc ?
Il y a une énorme somnolence d’esprit à s’accrocher aux songes politiques pour en faire des leviers de la dynamique du changement.
Dans les années 90, le même cas de figure du désistement collectif a été observé au Burkina-Faso par les opposants qui accusaient Blaise COMPAORE d’une obstruction à la transparence électorale. A peine 20% de l’électorat de Burkinabè se sont rendus dans les bureaux de vote. L’actuel grand exilé de Yamoussoukro était élu sans coup férir et sans que la communauté internationale n’ait levé le petit doigt. Pour célébrer sa victoire offerte sur un plateau d’or, COMPAORE prononça cette phrase célèbre reprise à maintes par Christophe BOISBOUVIER : « La candidature unique n’est pas antidémocratique ». Quand les candidats renoncent d’eux-mêmes à compétir, ce sont ceux qui sont restés dans la course qui continuent l’épreuve, leur nombre importe peu.
Partout dans le monde, le jeu de désistement existe en politique et dans plusieurs opérations de sélection. On ne s’en sert jamais pour annuler la compétition. Même si un seul candidat reste dans la course, c’est à lui que revient la victoire. Aujourd’hui par exemple, Michel PLATINI est candidat unique pour l’élection du président de l’UEFA. Il sera réélu à la tête de cette organisation qui gère le football européen sans la moindre contestation.
La sournoiserie de proposition d’un désistement collectif de l’Opposition et sa diffusion, après le souffle court d’un boycott sans écho de la présidentielle, attestent que le sieur APEVON tient à réembarquer le peuple démocratique du Togo dans un CAR qui assurera la victoire à un allié pour lequel il travaille ouvertement sans un masque transparent qui signe les derniers instants de vie du « parti des déshérités ». Il y a une trahison à peine camouflée qui se déroule sous le couvert du boycott et du désistement collectif en ce que ces fausses stratégies participent d’un choix à noyer la soif d’alternance politique de notre peuple dans un cynique plan d’attaque d’une rare jalousie d’un parti totalement en berne et en mal d’inspiration pour remonter ses hauteurs perdues. Le CAR en désintégration cherche des compagnons de misère. Il devient aphone au fond du gouffre de ses débris.
2) Le second tour est-il une panacée ?
Il est vrai que pour une meilleure représentativité des voix qui choisissent le premier magistrat de la République, deux tours du scrutin présidentiel constituent la méthode la plus raisonnable de l’organisation de la consultation électorale.
Toutefois, dans le cas togolais qui nous concerne où le pouvoir dynastique s’oppose par tous les moyens aux deux tours et aux réformes constitutionnelles et institutionnelles malgré les acquis de l’Accord Politique Global, pourquoi l’Opposition ne peut-elle pas s’organiser en un front uni pour l’alternance pour conquérir le gain de la victoire et au propre jeu des gouvernants qui imposent leurs conditions dans une compétition électorale dont le mode est conservé à un seul tour ? Prêcher l’union de l’Opposition uniquement au second tour et rien qu’au second tour est la stratégie la plus étriquée parce que la politique est l’art d’analyser avec un discernement pointilleux les faits et d’inventer des solutions nouvelles les plus vraisemblables, de savoir les mettre en route, de les accompagner dans l’engagement le plus ferme et le plus incisif. Le CAR a appelé le régime du « petit » aux réformes intégrées à l’APG et aux recommandations de la CVJR. S’il ne dispose d’aucune force de coercition pour aboutir à la mise en exécution desdites réformes, il est clair que le renoncement en bloc des candidats de l’Opposition ne peut empêcher la victoire de l’éternel gagnant. La force de l’union est ce que redoute le pouvoir à l’instar des prouesses de la stratégie unitaire de 2005 qui ont fait perdre la foi de Faure GNASSINGBE en des fraudes pour l’engager dans des crimes de masse dont il porte la croix et ses conséquences jusqu’à la fin de ses jours avec une grande possibilité de répondre un jour des massacres des populations civiles et sans défense.
Il y a une illusion entretenue par le CAR avec cette idée que l’alternance politique est exclusivement assurée par un scrutin uninominal à deux tours. A nos frontières Est, Boni YAYI a remporté haut les mains la victoire électorale dès le premier tour parce que l’Opposition avait de nombreux candidats qui ont fractionné l’électorat opposant pour le disperser. L’étonnant argumentaire de Dodji APEVON pour justifier l’exigence des deux tours en insistant qu’au Sénégal, WADE était en tête des résultats du premier tour et que c’est seulement au second tour que les candidats se sont joints, massivement à Macky SALL pour battre Abdoulaye WADE ne voit pas que la fronde citoyenne aurait pu se liguer contre le même WADE si la présidentielle était à la rigueur d’un tour. Le président de CAR nous fait l’injure de nous faire croire que c’est seulement au second tour que les apparentements des partis politiques peuvent se révéler efficace pour nous conduire au changement.
Pourtant, la grande majorité de nos concitoyens sait que l’alternative stratégique d’union de l’Opposition à un scrutin à un seul tour est le sursaut patriotique que le peuple démocratique exige pour mettre fin à la survie politique des prédateurs au pouvoir. Le CAR est tout à fait incapable de porter les aspirations populaire des Togolais et de les faire avancer parce qu’il lui manque du jus, une franchise et une honnêteté à l’endroit du peuple démocratique dans ce combat de noblesse. CHATEAUBRIAND dans ses Mémoires d’Outre tombe a vu juste lorsqu’il écrit : « Soyez justes pour être habile ». Personne ne doute sur les intentions réelles et inavouées des « déshérités » qui affichent leur misère intellectuelle et leur esprit érodé en stratégie politique pour baiser la main du fils d’Eyadéma en tremblant.
Comment peut-on refuser le possible, la stratégie unitaire en cette circonstance particulière, pour fonder l’espoir sur les réformes déjà battues en brèche par une majorité postiche à l’Assemblée ? Qu’est ce que le peuple démocratique togolais peut gagner de l’appel du CAR au désistement collectif des candidats de l’Opposition pour la présidentielle ?
Le chemin étroit qu’emprunte APEVON nous montre que la direction du CAR est bloquée et que le salut se trouve dans l’abandon de plus en plus affirmé du CAR à ses propres misères. Le désespoir est dans l’évidence manquée. Si Dodji APEVON se permet de détourner le regard sur des vérités qui crèvent les yeux dans un sermon de fausse conscience pour offrir la victoire à Faure par le désistement, alors tout le monde découvre sans peine sa qualité d’homme politique et le service qu’il rend au peuple togolais en le livrant aux forces ennemies. En clair, il y a une intelligence de la trahison dans une position de libellule d’APEVON qui s’entête à traverser une vitre. Il demande l’impossible aux Togolais.
Quant au peuple démocratique, rien ne le distrait de son engagement, de son combat assumé, de sa volonté permanente de construire l’avenir avec courage et détermination en choisissant le moindre mal si affreux soit-il, pour en faire la voie de l’espérance et du salut, parce qu’en s’unissant, il est capable de grands exploits. Les grands évènements arrivent à ceux qui s’investissent pour les appeler à eux et non à ceux qui démissionnent du combat.
Didier Amah DOSSAVI
(L’ALTERNATIVE N°411 du mardi 31 mars 2015)