Le secrétaire chargé à la communication et à l’information de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) était vendredi, l’invité du journal sur Kanal Fm, une radio privée de Lomé.
Il a développé sa vision et celle de son parti sur la situation politique au Togo et notamment sur le regroupement de l’opposition autour d’une candidature unique dans la perspective de l’élection présidentielle de 2015.
Il a affirmé que Jean Pierre Fabre, le Président National de l’ANC était le candidat idéal autour de qui toute l’opposition togolaise devrait se rassembler pour obtenir la victoire en 2015.
Jusque-là, il n’a pas encore fauté, d’autant plus qu’en tant membre du bureau national de l’ANC, il ne pourrait affirmer autre chose que ce qu’il a dit.
C’est bien sûr, un signe de loyauté et de fidélité aux convictions de son parti. Libre aux autres partis de l’opposition de croire en ce qu’il dit ou non.
Mais là où, M. Dupuy a gravement fauté, là où il a eu un lapsus quasi impardonnable, c’est lorsqu’il affirme dès maintenant que l’adversaire du candidat de l’opposition sera Faure Gnassingbé. Mais voyons !!!!
Cela suppose donc que dans la mentalité de nos opposants, le principe même d’une troisième candidature de Faure Gnassingbé est déjà acquis. Mais il y a forcément un problème.
Alors une question, sur quoi alors vont reposer les débats quand il s’agira d’engager les réformes constitutionnelles et institutionnelles ?
Bien sûr l’on sera tenté de nous dire que sur le plan des textes, rien n’empêche Faure Gnassingbé d’être candidat en 2015.
Mais c’est une blague de très mauvais goût. Qui a changé les textes constitutionnels que le peuple togolais s’est donné en 1992 ? Et dans quelles conditions ces textes ont-ils été changés pour ouvrir le boulevard d’une présidence à vie aux Gnassingbé ?
Il faut simplement interroger l’histoire pour avoir des réponses claires à ces questions et situer le débat sur le caractère immoral de ces modifications unilatérales dont l’objectif pour Gnassingbé Eyadema, le père de Faure Gnassingbé, était de s’accrocher à tout prix au pouvoir comme à une planche de salut.
L’héritier d’Eyadema ne peut donc pas se prévaloir de la turpitude de son père pour s’immortaliser dans le fauteuil présidentiel, c’est une question de bon sens et d’honnêteté intellectuelle ou même morale.
Comment alors un leader de l’opposition peut oublier tous ces aspects au point d’affirmer, sans retenue ni mesure, que l’homme qu’il faudra battre en 2015 sera Faure Gnassingbé ?
Le fils d’Eyadema avait une mission à la limite sacrée au sommet de l’Etat : redresser les errements de son père et lancer le Togo sur la voie de la démocratie, de l’Etat de droit et du développement.
En principe il est un président de transition chargé d’assurer la métamorphose du pays vers l’apaisement définitif et vers l’installation des piliers de base devant déclencher le déclic de son développement. Rien d’autre.
Et en cela il n’a pas besoin de s’éterniser dans le fauteuil de son père pour le faire.
Après 10 ans qui lui ont largement été concédés, qu’il ait réussi la mission ou pas, il n’a plus sa place au sommet de l’Etat, puisque le Togo n’est pas une monarchie qui consacre la dynastie d’une famille dans le fauteuil présidentiel.
Et il appartient aux acteurs politiques, aux leaders d’opinion de le lui rappeler s’il a une curieux tendance à l’oublier.
Comment alors dans un tel contexte, un leader de l’opposition, qui de surcroit connait bien l’histoire politique de notre pays, peut se permettre une telle affirmation tendant à accepter de fait une éventuelle troisième candidature de Faure Gnassingbé alors que les membres du camp présidentiel eux-mêmes sont extrêmement prudents sur cette question ?
A cette question de la candidature de Faure Gnassingbé, le ministre des affaires étrangères, Robert Doussey répondait le même jour sur RFI qu’il ne savait pas si son mentor se représenterait ou pas.
Mais bien sûr qu’il faut être naïf pour penser que M. Doussey ne sait pas ce que pense ou ce que veut son mentor.
Mais il sait, en tant que diplomate, qu’il ne doit pas dévoiler la pensée de son chef surtout si cette pensée ne rime pas, à l’étape actuelle, avec les aspirations profondes du peuple et de la communauté internationale.
Il sait, que pour dévoiler la pensée de son mentor, il faudra d’abord faire un travail de base, convaincre en sourdine les milieux diplomatiques, tâter le pouls des leaders d’opinion à l’interne, pour s’assurer que la pilule pourra passer avant de s’y aventurer.
Et qu’avons-nous constaté dans le même temps ?
C’est l’opposition qui ouvre royalement la voie d’une troisième candidature à Faure Gnassingbé alors même que la Communauté Internationale, elle, est en train de pousser ce dernier à engager coûte que coûte les réformes clé qui pourraient déboucher à son départ en 2015 surtout que les récentes élections législatives ont bien montré qu’au moins 70% des togolais ne le désirent vraiment plus.
Faut-il rappeler que le total du suffrage receuilli par UNIR pour ces législatives est de 880.000 voix sur un électorat de près de 3 millions de togolais alors même que le processus a été organisé et assumé de bout en bout par ce même parti au pouvoir avec les moyens exclusifs de l’Etat ?
Que faut-il d’autre pour prouver à Faure Gnassingbé qu’il est minoritaire dans le pays et qu’il n’aura aucune raison fondée de s’agripper au pouvoir comme un rempart de survie ?
Considérons simplement que les propos de M. Dupuy relavaient effectivement d’un lapsus, mais si ce n’est pas le cas et que notre opposition n’entend pas se battre sur cette question, elle n’a juste qu’à fermer boutique et laisser le peuple se débrouiller tout seul pour s’arracher des griffes des prédateurs de sa liberté et de son salut.