« Le magistrat doit rendre la justice au nom de Dieu, il doit se départir des comportements qui portent atteinte à sa dignité et l’éloignent de l’indépendance, notamment la corruption"."Il doit proscrire le monnayage des services rendus aux justiciables et l’exigence de leur reconnaissance, il doit cultiver l’esprit d’excellence en s’adonnant à la tâche avec ardeur, zèle et professionnalisme ». Ces propos sont de Kofi Essaw, le nouveau garde des sceaux qui a présidé mardi la rentrée solennelle du corps des magistrats. Voilà des propos que l’on n’a plus jamais entendus au Togo depuis des années.Voilà les dires d’un homme qui pense et agit dans la crainte de Dieu, de ses prescriptions mais surtout aussi dans le respect d’autrui, de tout être humain en ce qu’il est une créature de Dieu et donc habité par Dieu. Voilà qui devra, en principe, augurer d’une nouvelle ère pour la justice au Togo et partant, pour la promotion des droits humains, des libertés publiques et de la démocratie dans notre pays. Depuis des années, le peuple togolais a recherché avidement ce genre de vision pour notre démocratie, pour la consolidation de l’Etat de droit dans notre pays, mais sans succès.Nos dirigeants se sont longtemps plongés dans l’immoralité, dans des calculs malsains, dans des règlements de compte politiques à travers une instrumentalisation éhontée de cette justice qui, plutôt que d’être ce précieux instrument de droit et de promotion des libertés publiques dans le respect de la dignité humaine, s’est muée en une béquille d’appui à la cabale politique et aux bestialités égoïstes des dirigeants étroits et obtus d’esprit.Pendant des années donc, le peuple togolais, les citoyens togolais sont restés constamment frustrés, meurtris par la flagrante injustice dont beaucoup sont victimes au quotidien.Devons-nous alors, à partir du cap que souhaite donner Kofi Essaw à notre justice, espérer la fin effective de ces pratiques primaires qui ressemblent de près aux jeux de la jungle où des animaux sauvages, sans lois ni raison se dévorent à tue-tête ? Pouvons-nous désormais nous attendre à une métamorphose complète de ce corps truffé d’activistes zélés du pouvoir qui réduisent ce corps au rôle d’un simple instrument de militantisme politique ? Naturellement, tout citoyen a le devoir de cultiver l’optimisme et la foi en l’avenir, mais que le peuple ne soit pas dupe. Pour que cette vision du ministre Essaw se traduise dans les faits, pour que ces pensées positives prennent corps dans le réel, il faudra qu’elles s’inscrivent dans une dynamique d’ensemble qui, de gré ou de force, induit les dirigeants, les acteurs du corps judiciaire et le peuple à agir dans le respect de la loi et du doit d’autrui.Mais, pour que cette dynamique soit réellement amorcée et s’ancre dans les habitudes des uns et des autres, il faudra, impérativement que des goulots d’étranglement liés aux conditions de vie et de travail des magistrats soient vidés.Il faudra aussi que la conception empirique que nos dirigeants ont du pouvoir qui consiste à le considérer comme un instrument de protection, d’immunisation, de survie politique et d’accumulation sans retenue du bien matériel et confort sur le dos du contribuable soit également formatée.Ce n’est qu’à ce prix qu’ils pourront devenir humbles et comprendre que le pouvoir n’est pas une fin en soi, qu’il y a une vie après le fauteuil présidentiel ou ministériel…. dont tout dirigeant averti devra tenir compte dans les actes qu’il pose pendant qu’il exerce encore au sommet de l’Etat.
Et une fois qu’ils auront acquis et intégrer cette humilité à leur vie quotidienne, ils pourront alors laisser les magistrats dire le droit, agir selon les prescrits de la loi et garantir de façon pérenne la consolidation effective de la démocratie et de l’Etat de droit au Togo.
Tant que ces incontournables étapes ne seront pas franchies, tant que le sommet de l’Etat gardera encore ce sentiment enfantin qu’il doit rester intouchable quelles que soient ses bévues, ces idées positives, cette vision que le nouveau garde des sceaux veut imprimer à la justice, restera toujours à l’étape d’un simple veu pieux et l’instrumentalisation de cette justice continuera de plus belle et les juges profiteront toujours de ces sales boulots que l’on leur donne pour abuser du peuple.