La lutte contre la piraterie maritime a enregistré des progrès notables en 2014 dans le Golfe de Guinée, où quelque 104 attaques ont été rapportées, un chiffre équivalent à une baisse de 18% de ces actes comparé aux statistiques antérieures et davantage assimilé à une criminalité qualifiée de plus alarmante concernant d'autres phénomènes tels les vols à main armée ou les drogues.
"De manière générale, il y avait une situation relativement trouble dans ce qu'on a appelé effectivement le Golfe de Guinée en termes de définition géographique. Si vous prenez à partir du Bénin, vous descendez un petit peu vers le Gabon, dans cette localisation géographique depuis 2010 au large du Cameroun on n'a pas notéd' attaque", a rapporté à Xinhua le colonel Abdourahmane Dieng.
C' est le résultat, explique le directeur exécutif du Centre interrégional de coordination de la stratégie de sûreté et de sécurité maritime dans le Golfe de Guinée, en abrégé CIC, ouvert en septembre 2014 à Yaoundé en application des résolutions d'un sommet régional tenu un an auparavant, de la mobilisation des pays de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC) pour la sécurisation de leurs côtes.
"Les Etats se sont organisés, la mise en oeuvre de la stratégie de la CEEAC a permis d'avoir un type d'opération extrêmement concentrée et bien organisée, permettant au niveau de la zone D d'arriver à une diminution totale de la criminalité. Il ne se passe plus rien au large du Cameroun. Il ne se passe plus rien au large en fait de cette haute mer dont vous parlez dans le Golfe de Guinée", précise-t-il.
Sur la base de cette expérience, une organisation similaire de surveillance maritime a été mise en place par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), où il a été la zone E entre le Bénin, le Nigeria, le Togo puis le Niger.
"Malgré une réduction de 18% du nombre d'incidents entre 2013 et 2014, le Golfe de Guinée demeure la 2ème zone la plus dangereuse au monde avec 104 incidents recensés en 2014. Les attaques sont aussi de plus en plus violentes avec 66 membres d' équipages pris otage en 2014", a cependant mentionné l'ambassadeur, chef de la délégation de l'UE au Cameroun, Françoise Collet, lors d'une réunion tenue les 16 et 17 avril dans la capitale camerounaise.
Pour la diplomate, ces chiffres montrent clairement que le défi de juguler la piraterie maritime reste énorme dans cette vaste région de plus de 6.000 km, s'étendant du Sénégal à l' Angola.
Reste que la "petite diminution quantitative" annoncée "ne traduit pas forcément la réalité", de l'avis de l'expert français Eric Glotin.
"Les statistiques, a fait savoir celui-ci à Xinhua, je pense qu'il faut y aller avec beaucoup plus de prudence. On peut fournir des chiffres, mais les véritables chiffres ne sont pas forcément bien connus. Beaucoup d'attaques ne sont pas rapportées et il y a aussi beaucoup de fausses attaques qui, elles, sont rapportées. Les vrais chiffres sont quand même difficiles à obtenir".
Les constats établis laissent surtout découvrir que les côtes nigérianes sont la cible privilégiée de ces actes, en raison notamment des intérêts et des enjeux engendrés par l'exploitation pétrolière, enl'occurrence dans le delta du Niger, dans le Sud-est du pays,transformé pour certains endroits en zone de non-droit par des bandes armées.
"Au Nigeria,vous avez 3.000 criques. Vous avez une certaine volatilité du point de vue de la sécurité liée aux questions d'exploitation du pétrole, de l'impact sur l'environnement, de l'impact sur les populations et à un moment donné cela a entraîné des formes de dissidence et de circulation des armes, et tout ça continue à avoir des effets malgré les efforts énormes de ce pays en vue de ramener la sécurité", note le colonel Dieng.
Mais, défend-il, "il y a de la criminalité résiduelle et cette criminalité fait que de temps en temps nous voyons des attaques qui sont perpétuées. Mais rappelons-nous, ça se passe dans les eaux d'un Etat souverain et on ne parle pas à partir de ce moment- là de piraterie. La piraterie, c'est quand ce genre d'activité se mène en haute mer. On parle de grand banditisme, de vol à main armée".
Pour le directeur exécutif du CIC, la comparaison faite entre le Golfe de Guinée et le Golfe d'Aden est anormale.
"Nous ne sommes pas dans le même contexte. Le Golfe de Guinée n'a pas d'Etat failli. C'est des Etats souverains qui sont les premiers responsables de l' exercice des activités régaliennes, dont la sécurité à l'intérieur de leurs eaux territoriales. Ces Etats patrouillent leurs eaux", a-t-il dit.
Pour illustrer son propos, il cite le cas du Bénin qui a retrouvé de la stabilité grâce à l'"opération Prospérité" conjointement menée avec le Nigeria.
Avec 44 attaques dénombrées et une perte de 40% du volume de ses recettes budgétaires en provenance des activités du portde Cotonou, ce pays d'Afrique de l'Ouest avait occupé en 2011 le premier rang du classement de ces incidents.
A l'inverse de la piraterie maritime caractérisée par des prises d' otages, la cote d'alerte, renseigne-t-il, demeure plus élevée dans le Golfe de Guinée concernant d'autres phénomènes tels les vols à main armée, qui consistent pour les criminels à attaquer des navires dans le seul but de s'emparer des marchandises.
En 2012, le Bureau maritime international avait évalué entre 34 et 101 millions de dollars le manque à gagner causé par de tels actes de grand banditisme.
"Nous avons d'autres formes de criminalité qui s'appellent vol de ressources naturelles, comme le soutage de pétrole. Nous avons le phénomène de migrations clandestines, de pêche illicite, de pollution de l'environnement dû à plusieurs facteurs. En fait, nous avons toute la série de ce que nous appelons les crimes transnationaux organisés", précise encore le colonel Dieng.
Plaque tournante du commerce des drogues dont la consommation est croissante en Afrique, le Golfe de Guinée, zone de conflits armés, est aussi attractif pour les marchands et trafiquants d'armes.
"Il y a une dizaine d'années, on disait qu' il y a 7 millions d'armes en Afrique de l'Ouest. Il y en a plus. Ce phénomène devient plus dangereux, parce que ces armes connaissent des phénomènes de recyclage d'un conflit à un autre",indique par ailleurs l'officier supérieur sénégalais.