La commission électorale nationale indépendante a annoncé le 28 avril que Faure Gnassingbé était réélu à la présidence avec 58,75 % des voix. L’opposition conteste. Son leader, Jean-Pierre Fabre, crédité de 34,95 % des suffrages, s’est autoproclamé président.
Jean-Pierre Fabre, le challenger du président Faure Gnansingbé n’aura pas attendu plus de vingt-quatre heures après la proclamation officielle des résultats de la présidentielle pour réagir.
Non seulement Fabre n’a pas reconnu sa défaite, mais encore il s’est autoproclamé vainqueur.
Ni plus, ni moins ! Un coup de poignard dans le dos des deux présidents du Ghana et de Côte d’Ivoire, accourus à Lomé pour contribuer à la résolution de la crise et qui étaient repartis rassurés d’avoir réussi leur mission.
Avec cette petite phrase à la clé : “Chaque peuple construit son histoire.” Une manière pour Jean- Pierre Fabre de dire à ses voisins : “Occupez-vous de vos affaires et laissez-nous régler les nôtres !” Ces derniers étaient allés à Lomé inquiets du trop long délai que prenait la compilation des résultats, deux jours après la fin du scrutin. Le spectre d’un scénario à la Gbagbo [qui avait refusé de quitter le pouvoir après la présidentielle de 2010] se profilait à l’horizon avec cette guéguerre interminable entre les deux responsables de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) sur le contrôle systématique des procès-verbaux de dépouillement des bulletins de vote.
Un système politique verrouillé
Et l’histoire se répète car le Togo semble reparti pour une crise de longue durée et son cortège de marches et de répression, de journées villes mortes suivies d’arrestations et de procès sans fin.
Depuis une vingtaine d’années, le scénario est pratiquement le même chez nos voisins de l’Est, au point où personne au Bénin ne semble plus s’intéresser à ce qui se passe là-bas de l’autre côté de la frontière orientale. Chaque fois que le pic est atteint, des médiateurs interviennent et organisent des pourparlers qui débouchent sur des accords d’Abuja, de Niamey, de Ouagadougou que sais-je encore, que chaque partie interprète à sa façon.
On croit le danger écarté, pour un temps mais c’est pour constater des mois plus tard que rien n’est réglé. Le temps passe et on arrive à la veille d’un autre scrutin toujours gagné d’avance parce que le système politique est totalement verrouillé au Togo : un scrutin présidentiel à un tour sans limitation de mandat. De sorte qu’il faut vraiment un miracle pour que l’opposition gagne un jour les élections.
Et au Togo, le miracle de l’union sacrée de l’opposition qui a fait la force du général Buhari au Nigeria est pratiquement impossible à réaliser. Pour deux raisons dont la première est liée au système politique totalement verrouillé évoqué plus haut et à la guerre des ego.
En effet, depuis que l’opposant historique Gilchrist Olympio a baissé pavillon et rejoint le camp du fils Eyadéma, l’opposition togolaise semble décapitée, totalement déboussolée et écartelée entre [les figures de l’opposition] Jean-Pierre Fabre, Agbéyomè Codjo, Brigitte Adjamagbo et autre Koffi Yamgnane, empêtré, lui, dans un scandale plutôt insolite lié à des questions d’immigration en France.
Jean-Pierre Fabre qui a repris le flambeau de l’Union des forces du changement (Ufc) avec plus ou moins de bonheur ne fait pourtant pas l’unanimité. Avec un timbre de voix constamment enroué, il paraît peu charismatique aux yeux de la plupart des leaders togolais qui sous-estiment ainsi sa capacité à gérer le pays.
Or l’équation togolaise est pourtant simple. Il s’agit de mettre fin à un système politique autocratique méthodiquement installé depuis bientôt un demi-siècle par un ancien soudard de l’armée coloniale en intelligence avec l’ancienne puissance. Un système bâti autour d’un parti fort – hier le Rassemblement pour le peuple togolais (Rpt), aujourd’hui l’Union pour la République (Unir) – qui a la haute main sur toute l’administration, une armée monoethnique totalement inféodée au pouvoir politique et des institutions de contre-pouvoir en parfaite complicité avec le pouvoir exécutif.
Aucune alternance n’est possible dans un tel système requinqué ces cinq dernières années par la reprise de l’aide de la communauté internationale qui a permis de remettre à neuf quelques infrastructures routières naguère complètement dégradées.
L’opposition togolaise n’a guère le choix que de s’unir autour du seul leader qui incarne l’opposition, pour arracher au régime quinquagénaire de la dynastie Eyadema le déverrouillage du système politique, sans lequel l’alternance ne sera que chimère.