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Chronique de Jean-Baptiste Placca/Togo: une démocratie tétraplégique
Publié le dimanche 3 mai 2015  |  Golfe News


© aLome.com par Parfait
Géante caravane du CAP 2015 et son candidat FABRE dans la préfecture du Golfe et à Lomé
Lomé, le 23 avril 2015. Imposant show électoral de Jean-Pierre FABRE et ses proches collaborateurs sur les principales rues de la préfecture du Golfe, avec comme point de chute le STADE OMNISPORTS de Lomé.


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Après la publication des résultats de l’élection présidentielle, le Chroniqueur de la radio Rfi, Jean Bapatiste Placca a, comme d’habitude fait une chronique sur la démocratie togolaise ce samedi. Lire l’article

Dans un voisinage où tous les Etats engrangent de remarquables avancées démocratiques (Nigeria, Bénin, Burkina, Ghana…) le Togo, s’il doit être appelé démocratie, est alors une démocratie triste et plus que boîteuse…

La proclamation des résultats de la présidentielle togolaise a donné lieu, ce jeudi 28 avril, à un psychodrame, en direct à la télévision nationale, captée à l’étranger, hélas ! Et Jean-Pierre Fabre, le challenger du président Faure Gnassingbé, a aussitôt contesté ces résultats. L’image de la démocratie togolaise n’en sort pas vraiment renforcée…



A vrai dire, l’on est mal à l’aise, pour parler du Togo comme d’une démocratie. Ce 28 avril, dans le décompte des résultats des Commissions électorales locales, on n’en était à à peine quinze circonscriptions – sur quarante-deux- lorsque, en catimini, le président de la Céni s’en est allé proclamer la victoire du président sortant dans la présidentielle du 25 avril. Etait-ce un oubli ou un stratagème ? Toujours est-il que Taffa Issifou Tabiou, le président de la Céni, avait convoqué, à la même heure, une séance plénière. Les membres de la Commission l’attendaient dans une autre salle.

La diffusion de la proclamation venait de commencer, en direct à la Télévision nationale, quand, faisant un détour par le studio aménagé au sein de la Céni, Francis Pédro Amouzou, vice-président de ladite Céni, surprend son président en train de donner « des » résultats. Il interpelle alors, en le tutoyant, le président Tabiou, lui demande à quoi il joue et d’où il sort ces résultats, étant donné que la Commission n’a pas encore fini le décompte. Dans son affolement, le présentateur, complice ou victime, demande précipitamment à la régie de couper la diffusion. Ce qui est fait, mais les téléspectateurs togolais et tous ceux qui, à l’étranger, suivaient alors cette chaîne, en avaient suffisamment entendu pour comprendre que la présidentielle au Togo, cette année encore, se soldait par ce que d’aucuns, sur les réseaux sociaux, s’empressent de qualifier d’embrouille.

Comme si le Togo, décidément, ne pouvait jamais offrir que ce spectacle désolant, au goût d’autant plus amer que, dans le voisinage de ce pays, tous les Etats engrangent de remarquables avancées démocratiques.

Il n’empêche qu’après avoir sécurisé le studio, le président Tabiou est réapparu à l’écran, pour donner les résultats qui proclament Faure Gnassingbé vainqueur, avec 58, 75 %, contre 35,23 % à son challenger, Jean-Pierre Fabre…

« Sécurisé », c’est bien le mot, puisqu’il a fallu maîtriser le vice-président Amouzou et l’éloigner définitivement. Le studio est alors placé sous la garde vigilante d’hommes en treillis, armés. Jean-Pierre Fabre, après s’être proclamé à son tour vainqueur, mettra trois jours pour publier ses propres chiffres, dans un document censé être le compte rendu d’une conférence de presse. Où l’on apprend que seuls les procès-verbaux de dix commissions locales litigieuses avaient été examinés par la Céni. A ces circonscriptions, le candidat Fabre ajoute six autres litigieuses, et met les seize à la disposition du Comité d’accompagnement, y relevant des milliers de cas de votes sans carte d’électeur, et de votes par usage abusif de procurations et de dérogations. Autant d’irrégularités et fraudes que CAP 2015, la coalition soutenant Jean-Pierre Fabre, dit tenir dans un document séparé, à la disposition de la presse. Nous ne l’avons pas vu, ce document.

Jean-Pierre Fabre s’est-il donc proclamé donc vainqueur sur seulement 26 commissions électorales ?

C’est cela. Au regard du Code électoral togolais et suivant l’accord dit du 24 avril 2015, conclu pour pallier aux insuffisances du dispositif électoral, ces irrégularités auraient dû faire l’objet, de la part de la Céni, de vérifications et d’investigations, sur la base des procès-verbaux des bureaux de vote et, le cas échéant, par le recomptage des bulletins de vote dans les urnes. Ce à quoi se seraient opposés le président de la Céni, le parti Unir, au pouvoir, ainsi que le Car, parti fondé par l’avocat Yao Agboyibo, qui ne présentait pourtant pas de candidat.

Ces 26 commissions locales, correspondent à 2 235 387 électeurs sur 3 509 258 inscrits, soit seulement 63,70% du corps électoral.

Oui, c’est cela. Et ces résultats partiels donneraient Jean-Pierre Fabre vainqueur, à 52,20 % des voix, contre 43,90 % pour le sortant.

De son côté, pour donner à la télévision une crédibilité à ses chiffres, le président Issifou Tabiou de la Céni a dû prendre soin de réviser à la baisse les chiffres de tous les procès-verbaux donnant un nombre de votants supérieur aux inscrits. D’où une certaine hésitation, qui n’a pas échappé aux téléspectateurs. Il a même promis de corriger certains chiffres. Et que dire du taux de participation particulièrement impressionnant dans ces circonscriptions litigieuses.

Le burlesque du 28 avril, à la télévision togolaise, ajouté à ce qu’il faut bien appeler une seconde proclamation de victoire, sur la base de 63 % du corps électoral, oblige à constater que le Togo, d’élection en élection, offre chaque fois un visage plus désolant. Et si, malgré tout, ce pays est quand même une démocratie, alors, il faut bien convenir que c’est une démocratie tétraplégique !
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