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Le sens
Publié le lundi 15 juin 2015  |  Icilome


© aLome.com par Parfait
1er meeting du CAP 2015 depuis la proclamation des résultats provisoires du scrutin du 25 avril par la CENI: ces opposants contestent toujours les chiffres de la CENI.
Lomé, le 09 mai 2015. Terrain de BENIGLATO, centre-ville de Lomé. CAP 2015 reste ferme dans sa position de contestation des chiffres du scrutin du 25 avril donnés par la CENI et donne jusqu`au 15 mai à cette Commission pour retoucher les PV.


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Quelqu’un a eu l’amabilité de me dire que je fais de la critique du système Gnassingbé mon fonds de commerce. Je pourrais en convenir si on entendait le mot dans le sens de ce qui apporte quelque profit à quelqu’un. À qui mes écrits, non seulement mes articles politiques, mais aussi mes œuvres de fiction profitent-ils? Bien sûr, à moi d’abord, la satisfaction de communiquer avec mon prochain, mon lecteur, mais aussi à ce lecteur, mon interlocuteur.

Dans tous les cas, si l’un et l’autre sont enrichis dans ce commerce, ce n’est pas d’argent et il y a lieu de se demander en quoi consiste ce profit. C’est une question de sens. Or ce sens, on peut l’entendre comme signification, but, direction ou plus simplement, les cinq sens sans lesquels nous ne saurions vivre, je veux dire notre vie n’aurait aucun sens. Une vieille femme de chez nous, à qui son état ne permet pas de sortir souvent, lorsqu’il y a un événement important surtout, sort se mettre devant sa porte et regarder; lorsqu’on lui demande ce qu’elle fait là, elle répond :“ Mu to ne ma na nuđuđu ŋkuvi“. ( Je suis sortie pour donner à manger aux yeux ).


Nous avons là un exemple des différents sens que peut prendre le mot sens: but, justification, mais aussi direction, motivation…Il est évident que la vieille femme à qui le déplacement de la chambre où elle semble assignée jusqu’à la porte coûte quelques efforts physiques qu’elle ne serait peut-être pas prête à fournir tous les jours, à tout moment, si la récompense qu’elle en tire ne valait pas la peine que l’on se dérange pour elle.


Il est surtout évident que la nourriture des yeux ne se confond pas avec la pâte et la sauce dont elle se remplit plus ou moins la panse chaque jour. Il est clair que cette nourriture matérielle que constituent la pâte et la sauce ne suffit pas pour remplir la totalité de ses besoins en tant qu’humain. Tant de raisons qui donnent sens à son geste, à son acte. Et nous avons, nous concernant, à nous poser la question de savoir ce qui justifie tel mot, tel discours, tel acte que nous posons sur le plan politique. Pour quel type de nourriture nous disons tel mot, ou posons tel acte. Jésus, en pleine conversation avec la femme samaritaine, près du puits de Jacob, surprit ses disciples qui étaient allés acheter de la nourriture, car ils avaient tous eu faim. Ils le pressèrent de manger. Il leur répondit : « J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. »[1].


Le même Jésus, en visite chez Marthe et Marie, sœurs de son ami Lazare, dit à Marthe qui se mettait en quatre pour le servir copieusement, tandis que Marie, à ses pieds écoutait sa prédication : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et t’agites pour beaucoup de choses.
Or, une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la bonne part qui ne lui sera point ôtée. »[2]
Quelle est donc cette nourriture que certains de ceux qui s’agitent, se bousculent, se bagarrent, s’excitent, qui crient ou murmurent en cachette dans leur chambre « La viande ! La viande ! »[3]…ne connaissent pas ? Sur le plan politique bien entendu. Quelle est cette bonne part qui peut donner un sens, non seulement à notre vie individuelle en tant que citoyens et à la vie de notre pays en tant que nation ayant une direction, un avenir…que nous ignorons ou dont nous croyons pouvoir faire fi ?
Et, dans ce contexte, cela ne nous étonne pas que ce soient les plus habiles menteurs qui nous parlent de trahison. Même si ce mot peut avoir le sens dont on veut bien le charger. Podogan, un des personnages centraux de notre vie politique, pardon de ma pièce disait :


«A l’allure où va ce monde, j’ai l’impression que la prochaine étape sera celle où chaque individu sera capable d’attraper ses propres parents, de les couper en morceaux et d’aller les vendre au marché : « Brochettes de viande d’homme à 25 francs l’une ».[4]


Je ne sais pas combien coûte la brochette de viande de mouton en ce moment au Togo, mais je sais que ceux qui ont été capables et le sont encore( puisqu'ils n'ont jamais été ni inquiétés, ni punis et ne se sont jamais repentis de leurs actes ), d’attraper leurs prochains, de les taillader en morceaux au moyen d’une machette, ou de les rôtir, ou de les présenter saignants, sanglants sur le marché des postes politiques sont aussi ceux qui, pour bien vendre leurs marchandises nous parlent, d’un côté de trahison et de l’autre de paix, d’union, d’apaisement…tout le discours dont le sens me semble bien perdu ou au moins confus. Alors dans la confusion, on croit qu’il suffit de s’en prendre à ceux qui n’entendent pas les choses dans le même sens que nous.
Nous avions bien chanté, aux heures de gloire du RPT :
« RPT a nye xa nyoeđe.
Togovi đesiađe ne nō eme faa
Ne mie le xaa đo asi sε sε
Togo azũ gbãtō le Afrika duawo me… »
( Le RPT est un bon parti
Que chaque Togolais y adhère librement
Si nous prenons bien soin de ce parti
Le Togo sera le premier parmi les pays africains…).
C’était l'indicatif de notre radio nationale, le symbole sonore de notre pays à l'intérieur comme à l'extérieur, que l’on entendait à longueur de journée.


« À l’allure où va le monde », où nous nous sommes aperçus que cette adhésion libre n’avait pas de sens eu égard à la réalité des contraintes, des persécutions, des arrestations extrajudiciaires, des exclusions, des exécutions sommaires, des emprisonnements, des tortures, du terrorisme d'État, de l’absence de liberté vraie et de tous les abus de pouvoir…eh bien, nous avons cru que c’est l’enveloppe qui gêne et qu’en changeant l’enveloppe mais en conservant le même contenu, c’est-à-dire le même système, nous pouvons continuer à chanter que « Le Togo est le premier parmi les pays africains à faire ceci ou cela » et gare à quiconque chercherait à nous faire le constat du contraire. Au fond, ce que nous souhaitons, c’est ne jamais changer de sens en faisant semblant d’en avoir adopté un nouveau.
Et, nous connaissant cette faiblesse, quiconque voudra nous caresser dans le sens du poil, pourvu que ses propres intérêts soient saufs, nous dira toujours ce que nous souhaitons entendre. Pourquoi donc cela nous étonne et nous irrite-il ?


Aujourd'hui comme hier, le discours s'installe dans la perte ou la confusion de sens : nous disons bien élections, démocratie, institutions républicaines, développement, infrastructures, routes...Ce n'est pas qu'il n'y ait pas une apparence de tout cela, mais l'apparence, le trompe-l'œil ne peut avoir le même sens que la réalité souhaitée et parfois même, n'a aucun sens. Le sens dans le discours politique, vu sous l'angle du contenu, aussi bien du côté du pouvoir que du côté d'une certaine opposition, est terriblement vide, tragiquement vide. Nous rendrons-nous compte du vide et de ce à quoi il nous entraîne, avant qu'il soit ne trop tard?
La notion même d'opposition en politique, sauf pour ceux qui veulent se complaire dans un immobilisme teinté de mauvaise foi, mérite d'être pensée autrement, d'être redéfinie.



Et ce n'est pas à quelque puissance du monde que nous irions demander les recettes dont notre pays a besoin pour le changement politique en profondeur. Je n'ai pas la simplicité d'esprit, la suffisance stupide de ceux qui prétendent que nous n'avons pas besoin des autres pour faire ce que nous voulons faire chez nous, mais, même les bonnes choses qu'on veut nous donner ont des limites qu'il faut savoir ne pas dépasser. Les Allemands ne disent-ils pas : « Was zu viel ist, ist zu viel, auch von einer guten Sache ».


Qui veut-on convaincre qu'un régime fondé sur la violence et la fraude répétées est le meilleur du monde et ce qu'il y a de plus souhaitable pour ses citoyens? J'ai cru entendre encore récemment, de la part d'un diplomate allemand, le discours d'un certain ministre français de la droite dure, parlant d'Eyadema. Parfois, entre le vieux discours colonial marqué par la franche volonté de nous inculquer le complexe d'infériorité et la haine de soi, et le discours faussement laudateur d'aujourd'hui teinté du même esprit paternaliste, il est permis de se demander où est la différence. Et, certains ne sont-ils pas prêts à confondre ce besoin légitime de confiance en soi, avec le narcissisme collectif dans lequel viennent se fondre, selon la formule bien connue du RPT, nos narcissismes individuels?
« Ne wo be wo nyo , zũ e
Ne wo be wo nyra xã, zũ e ».
(Si on te dit que tu es beau, c’est une insulte
Si on te dit aussi que tu es laid, c’est une insulte.)
Dirai-je qu’il nous appartient de savoir quel sens donner au regard que l’autre porte sur nous ? Pourquoi, dans quel sens, tel peut nous dire que nous sommes beaux et tel autre que nous sommes laids, au lieu de nous laisser entraîner dans des débats imbéciles à cause d’un jugement quelconque venant de l’extérieur ?

« À l’allure où va le monde… » !


J’admets que chacun y aille de son allure, que chacun y aille dans son sens, sens comme signification et sens comme direction et but. Il y a quelques semaines, je disais (en fait, je l’avais prévu depuis longtemps ) que tout le monde allait défiler. C’est vrai que nous défilons tous, car l’immobilisme est insupportable aussi bien aux animaux qu’aux hommes que nous prétendons être. Mais tout est dans le sens où nous allons.
Jésus a souvent traité ses contemporains et compatriotes, en particulier les scribes et pharisiens (docteurs et savants !) d’insensés, sans aucune volonté de les blesser inutilement ou de les insulter.

Eh bien, lorsque nous ignorons ou piétinons le sens des discours que nous tenons, des valeurs que nous clamons, de la direction que nous prenons, du temps que nous perdons à tourner en rond, à aller et revenir, à vouloir être dans plusieurs défilés, à naviguer, même à contre-courant des aspirations du peuple togolais, masqués ou à visage découvert, à nous baigner dans plusieurs fleuves en même temps, à prolonger notre errance, ne sommes-nous pas des insensés ?

Sénouvo Agbota ZINSOU



[1][1] Jean 4, 32.
[2][2] Luc 10, 41-42.
[3][3] Saz La Tortue qui chante, éd. Hatier 1987 et 2002
[4][4] Idem, tableau V.

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