Togo - Les litiges fonciers et les conflits liés à la chefferie traditionnelle continuent de menacer la paix des différentes collectivités du pays. La politisation de la chefferie n’est plus à démontrer ; et pour cause, plusieurs localités ont connu les cas de doubles décrets de nomination des chefs de cantons et de villages. Depuis août 2014, le préfet du Golfe, Koffi Mélébou s’illustre maladroitement dans la désignation du chef du village Totsi Kpatéfi Cacavéli à Agoè, dans la banlieue nord de la ville de Lomé. Contre l’avis de la communauté et des notabilités de la collectivité Agbagbla, Koffi Mélébou tente d’imposer son choix.
Les faits
C’est depuis le mois d’août 2014 que le conflit de la chefferie traditionnelle a pris une autre ampleur dans le village de Totsi Kpatéfi Cacavéli. Le 12 août 2014, le préfet du Golfe, Koffi Mélébou a convoqué Togbui Kodjo Koudéaménou Akpabé II, actuel chef du village et ses notables pour leur annoncer que le ministre de l’Administration territoriale, Gilbert Bawara, a signé l’arrêté reconnaissant M. Elémawussi Koamivi Passah Aziamalé comme le nouveau chef de la localité. « Après étude des dossiers de Togbui Kodjo Koudéaménou Akpabé II et de M. Elémawussi Koamivi Passah Aziamalé, et à l’issue d’une enquête de Gendarmerie faite dans la localité, le ministre de l’Administration territoriale a reconnu la paternité de la chefferie de Totsi Kpatéfi à la famille Koudi Allaglo et signé un arrêté ministériel au sieur Elémawussi Koamivi Passah Aziamalé comme le nouveau chef de la localité de Totsi Kpatéfi », a expliqué le préfet.
Pour les populations, cette nomination n’était rien d’autre qu’une machination « orchestrée par le préfet du Golfe qui a induit son ministre en erreur ». L’indignation dans la localité a été grande et le collège des notables du village a entrepris des démarches administratives. Ils saisissent a cet effet le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, le préfet du Golfe lui-même et le chef canton d’Agoè-Nyivé, Togbui Edmond Sédzro IV.
Le 28 août 2014, au cours d’une réunion organisée au cabinet du ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, le ministre Gilbert Bawara a écouté les deux parties en présence du préfet du Golfe. Il a été alors décidé la suspension de l’arrêté du sieur Elémawussi Koamivi Passah Aziamalé, le temps de mener les enquêtes sur le terrain pour déterminer la paternité du trône. Le rendez-vous est fixé pour la période d’après l’élection présidentielle du 25 avril 2015.
Depuis cette rencontre, un semblant de paix est revenu dans la localité. Les rivalités étaient comme enterrées et le chef Kodjo Koudéaménou Akpabé II présidait aux destinées de sa communauté. Mais c’est sans compter avec les aspirations du préfet du Golfe taxé de « politiser la chefferie traditionnelle de son ressort », comme le font d’ailleurs ses collègues des autres préfectures. L’élection passée, il relance le processus de nomination d’Elémawussi Koamivi Passah Aziamalé. A travers le courrier N° 002 / 2015 /PG / SP en date du 03 Juin 2015, le préfet Koffi Mélébou ordonne à son protégé de commencer l’exercice du pouvoir en attendant la remise officielle de son arrêté. Une nouvelle qui ressuscite le conflit autour du trône de la collectivité Agbagbla.
La réaction du camp adverse a été immédiate et une réunion a été organisée pour dénoncer l’attitude du préfet du Golfe. Le 10 juin 2015, le collège des notables et les populations de Totsi-Kpatefi Cacaveli ont rappelé au préfet et au chef canton d’Agoè – Nyivé qu’ils ont déjà un chef traditionnel depuis 2009 et insisté sur le fait qu’ils ne se reconnaîtront jamais dans le chef qu’on tente de leur imposer. « Le seul chef du village de Totsi-Kpatefi Cacaveli demeure Togbui Kodjo Koudéaménou Akpabé II. La Collectivité dit non à ce coupe de force orchestré par nos autorités et tiendra pour responsables des conséquences qui en découleront le chef canton d’Agoé-Nyivé, le préfet du Golfe et le ministre de l’Administration territoriale », préviennent les populations.
De sources proches du dossier, on apprend que le préfet Koffi Mélébou aurait perçu un montant de 4 000 000 F CFA et des terrains sis à Vakpossito auprès du sieur Elémawussi Koamivi Passah Aziamalé. C’est donc pour le récompenser qu’il met tout en œuvre pour l’imposer comme chef traditionnel alors que des membres de la famille Aziamalé affirment ne pas être les héritiers du trône que convoite leur frère. Il nous revient aussi que le dossier déposé au nom de l’actuel chef traditionnel pour sa reconnaissance officielle a été soustrait des demandes de reconnaissance.
Brève chronologie de la succession dans la localité
Depuis sa création vers 1910, le village de Totsi-Kpatefi Cacaveli a connu plusieurs chefs traditionnels, tous issus de la grande famille Agbagbla. Togbui Akpabe Edoh fut le premier chef du village et régna de 1930 à 1935. Son frère Allaglo Koudi régna à sa place de 1935 à 1960 et légua le trône à Atsu Guidjigasu qui dirigea le village de 1961 au 12 Janvier 1970. Après sa mort, Ezion Gnavédji régna du 12 janvier 1970 au 11 octobre 1987, suivi d’Atsu Akla Koami, du 11 octobre 1987 au 1er avril 1992. Ezion Agbégnowou administra le village du 1er avril 1992 au 08 août 2009. Son arrêté ministériel portait le N° 218/ MIS. Togbui Kodjo Koudéaménou Akpabe II lui succède depuis le 08 août 2009.
Pour rappel, l’intronisation de l’actuel chef a vu la participation de plusieurs chefs traditionnels du canton d’Agoè-Nyivé. On peut citer, entre autres, Maman Saka Akoéba, Togbui Edjitor, Togbui Awoudji, Togbui Ehlan, Togbui Figa, Togbui Agbeve, Togbui Alakpa, Togbui Gamado Togbui Dovi, Togbui Awuya, Madame Sedzro III, etc. envoyés par feu Togbui Dénis Sedzro III, qui a lui-même signé le procès-verbal d’intronisation. Tout ceci, sous les yeux d’Elémawussi Koamivi Passah Aziamalé qui n’a manifesté aucune opposition. Aussi, c’est le grand frère de Elémawussi Koamivi Passah Aziamalé en la personne de Sévérin Amégbo qui a immolé le mouton ayant servi à introniser le chef Akpabe. Ce dernier ainsi que beaucoup de personnes de la famille Aziamale n’ont jamais compris le comportement et la motivation de leur jeune frère.
Si rien n’est fait, les déboires du préfet du Golfe risquent d’avoir des conséquences désastreuses pour cette collectivité. Les populations se préparent pour des manifestations de grande envergure dans les prochains jours, et il urge qu’une solution rapide soit trouvée.
