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Christophe Courtin : L’échec de l’alternance au Togo par la voie des urnes
Publié le jeudi 25 juin 2015  |  Anc Togo


© AFP par ISSOUF SANOGO
Jean-Pierre Fabre, chef de file de l`opposition togolaise


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Dès 1963 le Togo a été le pionnier des coups d’Etat militaire en Afrique post indépendance. Alors que cette région connaît maintenant des évolutions démocratiques positives, le maintien au pouvoir d’un régime qui fait semblant de respecter formellement les règles du jeu démocratique risque d’avoir un effet contaminant sur les pays de la sous région aux institutions politiques fragiles.

En 2015 Togo innove encore. Curieusement la communauté internationale semble complaisante vis à vis du régime de ce pays sans réel poids géo stratégique et dont chacun connaît la violence potentielle, le niveau de corruption et l’extrême indigence des services publics. Cet article essaye de comprendre cette impossible alternance démocratique au Togo.

Le dimanche 3 mai 2015, la cour constitutionnelle du Togo a validé les résultats du scrutin du 25 avril 2015 annoncés par la CENI le 28 avril 2015. Après un scrutin à un tour émaillé de fraudes, de contestations, de menaces, et d’achats de conscience, ces résultats, si on accepte les chiffres proclamés par la cour constitutionnelle, donnent le candidat d’UNIR (Union pour la République, ex RPT) Faure Gnassingbé gagnant avec 58,77% des suffrages exprimés contre 35,19% pour le chef de file de l’opposition et candidat de la Coalition CAP 2015, Jean-Pierre Fabre président de l’ANC (Alliance Nationale pour le Changement) dont la stratégie aura été de jouer le jeu électoral jusqu’au bout. Faure Gnassingbé entame un troisième mandat, après avoir refusé la limitation du nombre de mandats.

Faure Gnassimbé a succédé à son père Gnassimbé Eyadéma en avril 2005 à l’issue d’un scrutin qui a fait 811 morts selon la ligue togolaise des droits de l’homme[1] (LTDH). Une famille est au pouvoir depuis 48 ans dans ce petit corridor sahélien qui relie la côte avec l’hinterland sahélien et où vivent de 6 millions de Togolais dont 88% n’ont connu que la famille Gnassimbé au pouvoir[2].

Après le régime coréen, celui du Togo détient le record de longévité dynastique. Lomé est un actif port en eau profonde géré par le groupe Bolloré. Avec le phosphate, il constitue la principale richesse du pays. Dans ce vieux territoire de négoce de comptoir, licite et illicite, la drogue surtout, un régime familial avec une armée clanique, protège sa rente politique et portuaire. L’indice de développement humain y a régressé entre 2006 et 2013 alors qu’il a augmenté dans les trois pays frontaliers.

Des réformes institutionnelles et électorales impossibles

Depuis l’accord cadre de Lomé en 1999 jusqu’au cadre permanent de dialogue et de concertation de 2012 en passant par les « 22 engagements », l’Accord Politique Global (APG) de 2006 et les recommandations de la Commission Vérité Justice et Réconciliation[3] (CVJR) de 2013, les cadres de dialogue politique se sont succédés.

La dernière tentative a échoué en juillet 2014. L’APG signé par tous les partis pour sortir de la crise de 2005 prévoyait le retour à la constitution de 1992 adoptée par référendum avant les modifications introduites en 2002 par le RPT qui permettaient au Général Eyadema de briguer un nouveau mandat. L’ANC a toujours défendu le strict respect de l’APG et de la constitution de 1992 qui prévoient la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux.

Cette ligne de négociation qui n’a pas pu aboutir à un compromis a donné du grain à moudre à la communication du régime et aux autres partis dits d’opposition sur la ‘’radicalité’’ de Jean-Pierre Fabre, communication appropriée par plusieurs chancelleries (Allemagne, Union Européenne) et relayée par le PNUD et le HCDH au Togo.

La guerre des images auprès des chancelleries

En 2012, Jean-Pierre Fabre souffrait d’un déficit d’image auprès des chancelleries, particulièrement de l’Union Européenne, acteur clef. Présenté comme un syndicaliste plutôt qu’un politique, un nouveau Gbagbo, un radical arrogant, cette image de Jean-Pierre Fabre était soigneusement relayée en chœur par le régime, le PNUD ou le HCDH, des observateurs politiques et une partie de la presse internationale.

Un travail de communication, entrepris par l’ANC et ses alliés, auprès des politiques dans les pays qui comptent au Togo a progressivement changé la donne. Mais la stratégie de sape orchestrée par le pouvoir pour diaboliser Jean-Pierre Fabre perdure auprès de certains acteurs de la société civile togolaise et une partie de la société civile française qui s’intéresse au Togo.

Le groupe Havas, contrôlé par le groupe Bolloré, était en charge de la communication du candidat Faure qui avait ainsi les moyens de mener une communication efficace auprès des médias internationaux. Comme à son habitude avec le régime togolais l’hebdomadaire Jeune Afrique a publié un publi-reportage valorisant l’image modernisatrice du président sortant. En prenant une position à équidistance des candidats, le représentant de RFI a joué le jeu de la communication d’UNIR à destination de l’opinion publique internationale. Comme en 2010, les résultats annoncés par la CENI et relayés immédiatement sans analyse par le journal Le Monde posent la question du rôle de ces médias internationaux.


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