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Le professeur Aimé Gogué décrypte le nouveau gouvernement
Publié le lundi 6 juillet 2015  |  Financial Afrik


© aLome.com par Lakente Bankhead
Aimé Gogué, candidat a la présidentielle 2015
Lomé, le 24 janvier 2015, Hotel de la Muget. Le Professeur Aimé Tchaboré Gogué a été désigné, samedi dernier, candidat à la présidentielle de cette année, au terme du congrès de l’Alliance des démocrates pour un développement intégral (ADDI).


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Propos recueillis par Messanh L., Lomé

Réunis en séance plénière lundi 29 juin 2015, les députés togolais ont donné leur quitus à la Déclaration de politique générale du nouveau Gouvernement togolais, présentée par son Premier Ministre, Sélom Klassou. Occasion aussi pour les députés de l’opposition, de faire connaitre leurs réserves.

Une position sur laquelle, le Professeur Aimé Gogué, économiste, ancien ministre du Plan et candidat malheureux à l’élection présidentielle togolaise du 25 avril dernier, est revenu au cours de cet entretien accordé à notre Rédaction, entretien élargi au débat sur le franc CFA et au dernier rapport de l’ONG américaine GFI, qui a épingle le Togo sur le terrain des flux illégaux de capitaux et d’évasion fiscale.



Professeur Gogué, bonjour. Un premier commentaire sur la nouvelle équipe gouvernementale?

Les togolais attendaient depuis longtemps, la publication de cette équipe gouvernementale. Depuis la présidentielle du 25 avril dernier, on a mis deux (2) mois pour la former. Mais malheureusement, nous avons été surpris par certains faits. Il faut reconnaitre au premier abord qu’il y a des gens, individuellement pris, qui paraissent assez compétents. Mais plusieurs points sont à relever.

Le premier, c’est que nous trouvons le gouvernement un peu pléthorique. Le deuxième, il y a une réduction du nombre des femmes, alors qu’on promeut une équité de genre.

Evidemment, il ne faut pas nommer une femme parce qu’elle est femme. Mais je crois que le pays dispose suffisamment de femmes assez compétentes pour pouvoir être promues et il faudra les promouvoir. Voir quatre (4) femmes sur 24, c’est quand même assez faible.
J’ai été également surpris par le fait que, dans ce gouvernement, on ait repris des anciens. Je me demande pour quelles raisons on les avait enlevés, pour les reprendre aujourd’hui, alors qu’on connait des difficultés très importantes. J’ai parcouru le pays lors des élections, et j’ai constaté qu’il y a des jeunes gens très compétents qui peuvent faire l’affaire. J’ai été surpris qu’on revienne en arrière, qu’on prenne d’autres. Ils ont peut être l’expérience ,mais le fait de les avoir sortis au préalable est une préoccupation.

Nous voyons aussi que revenir en arrière, et prendre des gens du RPT (Rassemblement du Peuple Togolais, Ancien parti au pouvoir, Ndlr), montre qu’effectivement, il y a un problème. Dans la mesure où on nous avait dit que UNIR (Union pour la République, Parti de Faure Gnassingbé) est dans la modernité, un parti de changement, revenir sur des anciens du RPT, voudrait dire que UNIR a du mal à cacher le RPT. Donc, c’est le RPT qui revient en force.


Nous croyons aussi que la gestion du pays ne va pas tellement changer, non pas parce que c’est des anciens, mais à l’allure de la structure de l’exécutif. Le Président de la République a un rôle très important à jouer, mais ramèner ces gens, c’est très dangereux. D’ailleurs, je profite de l’occasion pour présenter mes condoléances aux familles de ceux qui sont morts sur le site de WACEM à Tabligbo (où 5 personnes ont trouvé la mort dans la mort dans une explosion de cimenterie le 30 juin, Ndlr).

C’est choquant la façon dont le gouvernement a géré cette affaire. La population n’est pas informée, parce que la TVT (Télévision nationale) n’en a pas parlé dans son Journal de 20h, alors que le drame s’est passé l’après midi. C’est très grave. Ce qui montre que la volonté de changement n’est pas manifeste.

Enfin, parlant de réformes, on nous dira qu’il faut attendre. Mais la façon dont ça se présente, je n’ai pas l’impression que les gens qu’on a amenés soient pressés pour les opérer…


Une surprise tout de même, et qui peut-être n’en est pas une, la sortie de Kako Nubukpo, dont certaines sorties ces derniers temps, ont donné lieu à des polémiques, notamment concernant le franc CFA. Pensez-vous qu’il y ait un lien ?

Je ne peux pas l’affirmer. Voilà aussi un cas. Kako Nubukpo, techniquement, est compétent. Mais est-ce qu’il a pu travailler avec l’équipe gouvernementale dans son ensemble ? C’est un problème. Je regretterai si c’est sa position vis-à-vis du franc CFA qui a entrainé sa sortie du gouvernement. Vous n’êtes pas sans savoir que le problème du CFA s’impose à nous tous. Nous, économistes, nous posons la question de savoir s’il est indiqué actuellement, que le franc CFA soit rattaché exclusivement à l’euro.

Dans le passé, cela pouvait se défendre dans la mesure où les relations économiques commerciales et financières des pays africains de la zone ‘franc’ étaient plutôt liées à l’Europe. Si bien sûr on laisse de côté les autres problèmes, tels que le fonctionnement de la politique monétaire. Mais depuis quelques années, il y a une tendance vers les pays émergents asiatiques, la Chine et l’Inde notamment.
Donc, à partir de ce moment, il faudra revoir la politique de parité du franc CFA. Peut-être que c’est mieux que le Franc soit rattaché à un panier de monnaies et de devises qui tienne compte de l’importance de nos partenaires commerciaux et financiers.


Ensuite, comme Kako Nubukpo, beaucoup d’économistes, et nous-mêmes, nous nous interrogeons sur le fonctionnement de la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, Ndlr) et de la BEAC (Banque des États de l’Afrique Centrale, Ndlr).
Il est normal qu’en tant qu’économiste et chercheur, qu’il se pose des questions sur le fonctionnement d’un instrument aussi important pour le développement économique, qu’est la monnaie. Je crois que si c’est sa position vis-à-vis du franc CFA qui entraîné son départ du gouvernement, c’est un peu regrettable. Evidemment, quand on est dans un gouvernement, on parle moins. Mais en tant que chercheur, c’est son devoir pour le pays de partager ses connaissances et ses convictions.


Vous n’aviez pas voté pour la Déclaration de politique générale du gouvernement, pourquoi ?

D’abord, c’est difficile d’accorder une priorité à un gouvernement, qui chaque fois, répète les mêmes choses et n’agit pas. A priori, on ne peut pas savoir si ce qu’ils ont proposé sera mis en application. Dans le Programme de gouvernement, nous avions reconnu qu’il y a quelques avancées, avec l’accent qui est un peu mis sur la santé. C’est une bonne chose pour le pays, parce que les indicateurs sanitaires du pays ne sont pas bons (…).

Ensuite, il faut relever que nous ne sommes pas satisfaits par les réponses données sur les réformes. Et comme je l’avais dit, nous ne sommes pas convaincus que le gouvernement soit pressé pour les réaliser, de même que les élections locales.

Lors des élections, nous avons aussi remarqué une grande politisation de l’administration publique. Le gouvernement semble passer cela sous silence, alors que c’est un grand paramètre. Vous ne pouvez pas penser à une démocratisation du pays, lorsqu’il y a des déficiences aussi graves dans le fonctionnement de l’administration publique. Ils ont parlé de gestion axée sur les résultats, alors que les gens sont politisés. S’ils sont politisés, automatiquement, les nominations ne seront pas basées sur les performances, mais le militantisme des gens. (…) D’ailleurs, s’agissant de la gestion axée sur les résultats, dans les postes ministériels actuels, on ne voit pas clairement cette volonté d’aller vers une administration performante et des politiques publiques efficaces.


Nous soulevons également le problème de l’agriculture. Ils ont parlé d’augmentation de la production ; mais vous savez que nos paysans souffrent de problème de commercialisation également. Il y a beaucoup de gens qui ont des stocks de maïs alors que la demande extérieure existe. Nous avons parlé dernièrement du fonctionnement de l’ANSAT (Agence Nationale de la Sécurité Alimentaire), qui n’aide pas tellement les paysans.
Il y a tellement de choses, qui ont fait que nous ne pouvons pas donner notre confiance à ce Programme.

Dans un rapport rendu public le mois dernier par l’ONG américaine Global Financial Integrity (GFI), le Togo serait en tête des pays aujourd’hui lourdement affectés par des flux financiers illégaux et l’évasion fiscale. Quelle lecture en faites-vous?


Si c’était des flux financiers qui rentraient au Togo, nous aurions applaudi. Mais malheureusement, c’est des flux financiers qui sortent du Togo, et l’évasion fiscale également. En fait, avec la création de l’OTR (Office Togolais des Recettes), on pensait qu’il y aurait une dépolitisation de l’administration publique. Malheureusement, il y a des gens qui font l’évasion fiscale, mais ne sont pas poursuivis. Mais on demande du redressement fiscal aux gens qui ont travaillé pour des partis politiques. Certes, je suis d’accord, en tant qu’économiste, et je sais que le pays a besoin de ressources pour se développer. Je sais que c’est important de faire des redressements fiscaux pour des entreprises qui ne respectent pas les textes. Mais il ne faut pas que cela soit basé sur des critères politiques.


Comme l’a dit le Président de la République, il y a quelques personnes seulement qui profitent des richesses du pays ; il y a de détournements de richesses. La lutte contre la corruption n’est pas très élevée dans le pays, ce qui entraine cette fuite de capitaux qui sont nécessairement importants pour le développement. D’ailleurs, il est possible que le fait que le gouvernement privilégie tant la construction d’infrastructures, ne soit pas étranger à cette fuite de capitaux.
En effet, les infrastructures demandent beaucoup d’investissements. Mais vous voyez au moins la qualité des routes ?


Il est certain que c’est de là que des gens puisent d’argent, et il y a des fuites de capitaux. Par exemple, la voie de contournement à Alédjo, Bafilo et compagnies (dans le nord du pays), a été ouverte, il y a moins d’un an. Mais déjà, il y a des travaux de réfection. C’est compliqué. Les gens crient qu’il est bon de financer la construction d’infrastructures, mais la qualité et le niveau élevé de détournement de fonds de ces infrastructures, font poser des questions. Il est hautement possible que cette affaire de flux financiers illégaux soit liée à cette politique de grands travaux.

Mais les entreprises qui exécutent ces travaux ne sont pas toutes étrangères…?


Il y a peu d’entreprises locales qui font ces travaux. C’est surtout des entreprises étrangères. Et là encore, c’est un problème. Dans un pays, le rôle de l’Etat, c’est d’aider au développement des compétences nationales. Dans ce domaine d’infrastructures, il y a beaucoup de ressources qui sont investies. Il est possible que nos entreprises nationales ne disposent pas de capacités pour réaliser ces travaux, mais la politique nationale d’investissement devrait permettre de développer les compétences nationales, pour que d’ici quelques années, on ait des entreprises nationales, des champions nationaux, qui soient en mesure de prendre la relève, qui construise des routes. Actuellement, il n’y en a pas suffisamment.


Dernière question, Professeur, l’émergence économique du Togo d’ici 2030, un rêve ou relevant du possible ?


Avec les politiques et les dirigeants que nous avons, je n’en suis pas convaincu. Il faut que les togolais se lèvent, prennent leur destinée en main, pour que nous puissions y arriver. Et surtout, il faut que nous nous luttions individuellement contre la corruption…Aussi, l’émergence ne se décrète, il faut la financer par des politiques publiques responsables et soucieuses de la formation des compétences et aussi une gestion saine des affaires publiques…

Financial Afrik






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