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Togo: Exploitation du phosphate : De la fluorose dentaire à la fluorose osseuse, de graves impacts sur la santé des riverains de l’usine de traitement à Kpémé
Publié le jeudi 9 juillet 2015  |  Actu EXPRESS


© Autre presse par dr
Le mines de la Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT)


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Vieillards rachitiques aux pieds ratatinés, alités et parfois paralysés, les populations vivant dans la zone minière de Kpémé souffrent indéniablement de l’exploitation du phosphate, jusqu’à ce que mort s’en suive. Suite d’une enquête sur la fluorose dentaire, un problème de santé publique autour duquel règne toujours un silence total.

La Société Nouvelle des Phosphates du Togo ( SNPT ) déverse les eaux usées du traitement de phosphate directement dans l’Océan Atlantique èa Kpémé, causant une pollution monstre pour les riverains, et pour la flore et la faune marine.

De la fluorose dentaire à la fluorose osseuse, les habitants d’Aglomé 1, Aglomé 2, Goumou Kopé et Séwatsri Kopé subissent impuissants, l’envers de l’exploitation du phosphate au Togo.

De jour comme de nuit, les riverains de l’usine de la Société Nouvelle des phosphates du Togo (SNPT) sont exposés aux poussières de phosphate qui empoisonnent leur vie. L’air, les eaux de boisson et autres repas sont tous contaminés.

Au-delà de la fluorose dentaire, caractéristique de la population d’Aglomé, avec des dents marbrées, la plupart des personnes du troisième âge souffrent de diverses maladies osseuses. Courbature, mal de dos, problèmes d’articulation osseuse, rhumatisme et arthrose sont entre autres signes cliniques perceptibles dans cette zone minière qui abrite l’usine de lavage du phosphate, la première ressource minière de ce petit pays de l’Afrique de l’ouest, le Togo.

16H, alors que le soleil traînait ses derniers rayons sur Aglome 2, Antoine Dégbé, allongé sur son canapé, pagne au rein, prenait son bain de soleil, non pour se bronzer mais pour dit-il soulager le mal qui le ronge depuis plus de deux décennies. «Grâce à ce bain de soleil, je vais pouvoir dormir cette nuit.

Les rayons solaires qui pénètrent mes articulations me donnent une sensation de soulagement », expliquait le vieillard de 80 ans, un ouvrier en retraite de l’Office Togolaise des Phosphates (OTP, ancienne appellation de la SNPT).
Effet de la fluorose osseuse chez les habitants riverains de l’usine de traitement du phosphate à Kpémé. Ci-dessus Antoine Dégbé (g) et les genoux usés de sa femme Anna Akossiwa Dégbé à Aglomé.

Tout a commencé en 1991, deux ans après sa retraite par des courbatures, le mal de dos, une raideur de la colonne vertébrale puis des douleurs au niveau des articulations et des os. « La douleur devient plus aigüe la nuit et les comprimés de paracétamol ne me soulagent plus. Malgré mes efforts, cette maudite maladie m’a cloué au lit. J’assiste impuissant à ma mort par ce rhumatisme qui me tue à petit feu », marmonnait le vieux grabataire, les larmes aux yeux.

Sa femme développe elle aussi la même maladie « Diarrhée, vomissement, vertige et fatigue générale durant pratiquement deux ans, ce sont mes genoux qui me font actuellement très mal. Sur conseil des personnes avisées, j’y ai noué une corde qui me soulage un peu. La nuit, je ne fais que trembloter. J’espère trouver un remède à cette maladie pour ne pas subir le même sort que mon mari. Sommes-nous les damnés de la terre ? » se demandait Anna Akossiwa Dégbé, la soixantaine révolue.

Effet de la fluorose osseuse chez les habitants riverains de l’usine de traitement du phosphate à Kpémé.

A quelques mètres du domicile d’Antoine Dégbé, réside Amouzou Amoni, un autre retraité de l’OTP qui souffre lui aussi des articulations osseuses, une maladie qui le rend pratiquement invalide. « Je ne peux plus faire dix mètres de marche sans m’écrouler. Mes pieds ne sont plus solides et c’est difficilement que je me déplace (…) Je n’arrive plus à m’agripper au bâton qui me sert de béquille. Je sens de la douleur partout, surtout au niveau des genoux, des coudes, des poignées et de la hanche » expliquait le vieux Amouzou, assis au seuil de son domicile, situé à une centaine de mètres de la cheminée de l’usine de lavage de phosphate de la SNPT.

Contrairement à Antoine qui trouve un semblant de soulagement grâce au bain de soleil, Amouzou lui ne supporte pas du tout les rayons solaires. Pour remède, il se contente de quelques comprimés de paracétamol et des gélules de Nifluril, un anti-inflammatoire à base d’acide niflumique.

Que ce soit à Aglomé 1, Aglomé 2, Goumou Kopé ou Séwatsri Kopé, les cas de maladies osseuses sont légions. Aux dernières nouvelles, Antoine Dégbé et Amouzou Amoni ont trépassés en début d’année. D’autres malades, laissés à leur triste sort, mourront aussi dans un silence total des responsables de la SNPT, mais surtout des gouvernants de ce pays.

«A l’opposé de la fluorose dentaire, la fluorose osseuse n’est pas visible à l’œil nu. Elle fait partie des cas cliniques, c’est-à-dire rares», explique le Pr Oniankitan, rhumatologue au Centre Hospitalier Régional de Lomé commune (Bon secours).

«Pour être sûr d’un cas de fluorose osseuse », poursuit le spécialiste, « des analyses médicales sont nécessaires. Il s’agit d’abord d’une série de radiographies notamment au niveau du coup, du dos, de la lombaire et du bassin, pour démontrer l’existence d’une arthrose (…) Il faut ensuite rechercher la présence du fluor dans le sang (fluorosemie ) et l’urine ( fluorosurie ), puis mettre en évidence la diminution du calcium dans le sang et l’urine du patient ».

Une étude indique les risques de contamination des os par le fluor

Une étude sur les impacts de l’exploitation du phosphate sur la santé des populations, menée par le Laboratoire de gestion, traitement et valorisation des déchets de la Faculté des sciences de l’Université de Lomé a établi que «la consommation de l’eau de puits et des produits de mer pollués ainsi que la respiration des poussières de phosphate se traduit par l’apparition de la fluorose dentaire chez de nombreux enfants et même chez certains adultes vivant autour de l’usine de Kpémé».

L’étude va plus loin en affirmant que «l’étape supérieure de cette intoxication est la fluorose osseuse, déjà signalée chez certains personnes contaminées ».

Pour le Pr Kissao Gnandi, membre de l’équipe d’enquête, « la pollution des eaux de puits a pour cause, l’infiltration des eaux de pluie à travers les sols pollués, l’intrusion de l’eau de mer polluée dans les aquifères côtiers et le dépôt des poussières de phosphate provenant de la cheminée ».

En effet les résultats de l’analyse physico-chimique des eaux résiduelles montre des teneurs très élevées en fluor aux niveaux des points de prélèvements situés derrière l’usine de Kpémé, là où le vent véhicule les grains de poussière de phosphate en provenance de la cheminée de l’usine (3,6375 mg/L) et en aval du rejet de l’effluent (2,071 mg/L), puis à Agbodrafo où se trouvent les déchets lourds.

Ces valeurs élevées du fluor dans l’eau après dissolution des grains, poursuit le rapport, prouvent que le fluor est incorporé dans la structure de l’apatite.

Un histogramme des concentrations du fluor dans les eaux de puits autour du site de traitement des phosphates de Kpémé (Figure 3), publié à la page 8 du même rapport montre un teneur d’environ 4 mg/L à Goumou Kopé, une concentration du fluor dans l’eau brute supérieure à 1,5 mg/L recommandée par l’OMS.

Entre résignation et réclamation, les populations sortent de leur torpeur

« Nous n’allons plus assister impuissants à notre mort programmée. Nous croyions que le phénomène s’arrêtait seulement au niveau des dents. A présent que nous sommes persuadés que nos os sont aussi attaqués, notre devoir est de saisir les autorités compétentes pour nous trouver un autre endroit. Les poussières de phosphate nous tuent à petit feu », a déclaré le Secrétaire du Chef du village d’Aglomé 2, Martin Kékeh.

Dans la foulée, un comité dirigé par le Chef Foly Koffi Dodji d’Aglomé 2 est mis sur pied pour la rédaction d’un mémorandum à l’endroit de la direction générale de la SNPT, du ministère togolais des Mines et l’Énergie, de la Présidence de la République togolaise, avec ampliation au bureau de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives ( ITIE ) au Togo.

Depuis son acceptation en octobre 2010 comme pays membre de l’ITIE, le gouvernement togolais n’a jamais engagé des discussions avec les victimes de l’exploitation du phosphate dans la zone minière de Kpémé : «L’Etat ne s’est jamais inquiété des conséquences de l’exploitation du phosphate sur la santé des populations riveraines, surtout nous qui sommes proche de l’usine de lavage du phosphate », déplore Martin Kékeh, très dépité.

«Que ce soit à Aglomé 1 où nous étions avant de nous déplacer à Aglomé 2, le problème demeure. La poussière de phosphate rentre dans nos chambres, dans nos valises, dans nos sauces et dans nos puits. Nos nourritures sont constamment couvertes de rejets de phosphate et c’est inévitable (…) Nous devons quitter Aglomé au risque d’en mourir mais où allons-nous nous réinstaller ? » s’interroge le Chef Foly Koffi Dodji d’Aglomé 2, visiblement désemparé face au drame que vit sa population.

Or la Directrice régionale en charge des pays francophones de l’Afrique de l’Ouest au Secrétariat international de l’ITIE à Oslo en Norvège nous expliquait en 2011 que l’acceptation du Togo dans ce processus est porteuse d’espoir pour les populations des zones minières. « Le gouvernement doit engager un dialogue avec les communautés et la société civile en général pour régler les problèmes liés à l’exploitation minière afin que cette dernière profite à tous », nous a confiée Marie-Ange Kalenga, lors de notre précédente enquête sur la fluorose dentaire (Voir Actu EXPRESS °147 du 17 mai 2011).

Actu EXPRESS N°341

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