Le partenariat Roll Back Malaria (RBM) tire la sonnette d’alarme pour « mettre fin à un scandale qui dure alors que tous les outils sont à disposition pour y mettre fin ». Dans le cadre de la conférence internationale autour du développement qui s’ouvre lundi 13 juillet à Addis-Abeba (Ethiopie), le RBM publie de nouvelles stratégies pour relancer le financement international de la lutte contre le paludisme, qui touche en particulier l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud.
Cette maladie qui se transmet à l’homme par la piqûre de moustiques infectés tue chaque année dans le monde près de 600 000 personnes, dont la très grande majorité sont des enfants de moins de 5 ans. Le RMB, lancé en 1998 conjointement par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Unicef (le Fonds des Nations unies pour l’enfance), le Programme des Nations unies pour le développement et la Banque mondiale, a pour mission de coordonner la lutte contre le paludisme au niveau international. En 2000, les Nations unies ont inscrit ce combat parmi les Objectifs du millénaire en matière de développement.
Les résultats enregistrés depuis étaient jusqu’ici plus qu’encourageants. Le taux de mortalité due au paludisme a baissé de 47 % entre 2000 et 2013 ; ce qui représente 4,3 millions de vies sauvées grâce au système de prévention et de traitement mis en place dans les pays touchés – tests de dépistage, moustiquaires imprégnées d’insecticides, traitement à base d’artémisinine, etc.
Cri d’alarme
Mais pour la première fois depuis quinze ans, le financement international de la lutte contre le paludisme est en baisse par rapport à l’année précédente. Après un pic atteint en 2013 à 2,7 milliards de dollars, le combat contre la maladie n’a été financé qu’à hauteur de 2,5 milliards en 2014. Cette différence de 200 millions pourrait sembler une goutte d’eau dans cette bataille qui se joue à coups de milliard, mais la lutte contre le paludisme est très fragile. Cette baisse inattendue pourrait mettre en péril le travail réalisé jusque-là.
Le plan stratégique publié aujourd’hui par le partenariat Roll Back Malaria sonne comme une alerte : si la communauté internationale ne se remobilise pas, si les efforts entrepris jusqu’à présent ne sont pas maintenus, les bons résultats de ces dernières années risquent de ne pas durer. Pis, ils pourraient avoir été vains.
Les responsabilités semblent partagées entre les Etats qui alimentent habituellement le fonds mondial et les gouvernements des pays touchés par la maladie, dans cette crise qui touche l’aide au développement en général, pas seulement la lutte contre le paludisme. La crise économique a réorienté les priorités de certains bailleurs traditionnels. L’OMS se tourne donc de plus en plus vers des partenaires privés, entreprises ou particuliers. Avec un budget deux fois supérieur à celui de l’OMS, la Fondation Bill & Melinda Gates, par exemple, investit des sommes très importantes dans ce combat.
L’objectif d’un « monde sans paludisme » lancé par Roll Back Malaria nécessite en effet un financement important et pérenne. Le partenariat estime que 100 milliards de dollars devront être consacrés à la lutte contre la maladie d’ici à 2030 pour atteindre l’objectif de réduction de 90 % du taux de mortalité liée au paludisme (par rapport à 2015). Il rappelle surtout que les coûts d’un échec seraient supérieurs aux montants nécessaires pour atteindre les cibles de 2030.
Conséquences désastreuses
La lutte contre le paludisme, une maladie qui menace encore 3,2 milliards de personnes dans le monde – près de la moitié de la population mondiale est donc exposée – est très fragile, elle nécessite une attention de tous les instants et une mobilisation constante. Dans certains pays d’Asie par exemple, où le recul de la maladie est net, l’efficacité du traitement de référence est menacée par la prise de médicaments mal prescrits, sous-dosés ou par un mauvais suivi des prescriptions. Or ce phénomène de résistance au traitement de base s’approche dangereusement de l’Inde, pays qui compte 1,2 milliard d’habitants et où le paludisme est encore très présent.
Roll Back Malaria identifie clairement la cause de ces carences à un « affaiblissement des programmes de lutte », dû à un manque de ressources financières. Ce retour en arrière pourrait avoir des conséquences désastreuses, en particulier dans les régions où le nombre de cas a déjà commencé à diminuer et où, donc, l’immunité naturelle des populations décline, les rendant extrêmement vulnérables en cas de résurgence de la maladie. Par ailleurs, l’épidémie fulgurante d’Ebola qui a frappé l’Afrique subsaharienne a déréglé des systèmes de santé déjà fragiles, relançant le nombre de cas de paludisme non traités.
Au-delà de son impact sur la santé, en particulier des femmes et des enfants, le paludisme est une des causes – au moins autant qu’elle en est la conséquence – du maintien dans la pauvreté de plusieurs régions du monde. Il pèse sur l’activité économique des pays touchés, en augmentant l’absentéisme des travailleurs et en faisant baisser leur productivité, mais aussi sur l’éducation, et bien sûr sur les systèmes de santé publique. La fin de la grande pauvreté dans le monde passera donc par l’élimination du paludisme.