Togo - Les 3,3 milliards de FAGACE jettent le flou sur le rôle de chacune des parties prenantes L’hôtel 2 Février a été construit en 1980 et a longtemps été la fierté des Togolais qui ne s’étaient pas très tôt intéressés à sa gestion. Tombé en faillite pour mauvaise gestion avérée, ce joyau aujourd’hui rebaptisé Radisson Blu 2 Février est en rénovation pour, espère-t-on au niveau des autorités du pays, accueillir le sommet sur la sécurité maritime qui se tiendra en novembre prochain à Lomé. Mais les citoyens observeront-ils la même indifférence à l’heure de la transparence ? Dans la négative, il importe que dès à présent ils se préoccupent des sources de financement de la rénovation de cet hôtel. Surtout avec l’information rendue publique par l’agence de presse Ecofin le 8 juin dernier. La rénovation de l’hôtel Radisson Blu 2 Février se fait-elle par préfinancement ? Quels sont les termes du contrat qui lie l’Etat du Togo aux initiateurs du projet ?
Selon l’agence de presse Ecofin, le Conseil des Gouverneurs du Fonds africain de garantie et de coopération économique (FAGACE) a approuvé 5 projets au Burkina Faso, Mali, Togo, Côte d’Ivoire et Congo. «… En procédant à l’examen des points inscrits à son ordre du jour, le Conseil des Gouverneurs s’est particulièrement penché sur ledit rapport. Il a ainsi pris connaissance des résultats des travaux du Conseil d’Administration qui a, entre autres, approuvé les projets suivants: en aval, la création d’un centre d’hémodialyse au Burkina Faso à hauteur de 130 millions F CFA; la création d’un réseau de télécommunications de la société ATEL au Mali pour un montant de 4000 millions F CFA ; la réhabilitation de l’hôtel 2 Février au Togo à hauteur de 3300 millions F CFA ; le renforcement des capacités de production du Groupe Schekina de la Côte d’Ivoire à hauteur de 360 millions F CFA ; le renforcement des capacités d’intervention de la société Healthy Environment du Congo pour un montant de 329 millions F CFA », rapporte l’agence.
3,3 milliards de FCFA pour la réhabilitation de l’hôtel 2 Février au Togo. Que représente cette somme et quel usage en sera-t-il fait ? Ces questionnements trouvent leur essence dans le fait qu’en réalité, les chiffres avancés pour la rénovation de cet hôtel dépassent de loin les 3,3 milliards de FCFA.
En effet, lors du point de presse organisé le vendredi 27 février 2015 au cabinet du ministère de l’Economie et des Finances et rapporté par Radio Lomé, il est écrit : « L’HOTEL RADISSON BLU 2 FEVRIER bientôt fonctionnel :…C’est donc au coût de 27 millions de Dollars US que l’initiateur du projet, le groupe KALYAN HOSPITALITY DEVELLOPEMENT, en collaboration avec le Groupe CARLSON RESIDOR hôtel Group et la société de construction Sud-Africaine ZPC fera bientôt briller de ses 5 étoiles l’Hôtel 2 Février RADISSON BLU, avec des salles de conférences, un auditorium présidentiels, des zones de détentes, cinq restaurants, une discothèque, un casino, un spa et toutes sortes d’installations qui correspondent aux normes internationales… ».
27 millions de dollars, (13,5 milliards de FCFA), soit le quadruple du coût du projet approuvé par FAGACE. Un montant similaire avait été avancé par le premier attributaire, le groupe libyen LAAICO.
Dans une dépêche de l’agence Panapress du 7 novembre 2014, mois de la nationalisation de l’hôtel, il est écrit: « En juin 2008, le Pdg de LAAICO, Agili Mohamed, a signé la convention de rénovation de l’hôtel avec le directeur général de F.K. Construction, Kouri Fahim, lors d’une cérémonie officielle et le coût de la rénovation, selon le Pdg de LAAICO, était estimé à 21 millions d’euros pour une période de dix mois. Celui de la concession de gérance, n’avait pas été fourni à la presse ». 13,7 milliards de FCFA, c’est sensiblement le même montant que celui avancé lors du point de presse de février 2015. Mais combien coûtera la concession de ce joyau à l’Etat du Togo ? Parce que dans les deux situations, on a pris soin de ne pas communiquer le montant de la concession. Ce qui veut dire que même si le Togo arrive à rembourser les frais de rénovation, il restera redevable vis-à-vis de ceux qui sont actuellement en train de remettre à neuf l’hôtel.
Dans une autre rubrique, mis à part le prêt (ou le don ??) de FAGACE, comment les autorités en charge des finances s’y prennent-elles pour trouver la différence ? S’il est vrai qu’« …à cela, il est à noter que le projet emploiera 1500 personnes pour la phase de construction et plus de 500 personnes à l’ouverture », comme le rapporte Radio Lomé, il est plus urgent que les contribuables soient renseignés sur la durée de la concession, si concession il y aura d’une part, et sur les termes des négociations ayant abouti à l’attribution du projet à Kalyan Hospitality Development et associés d’autre part. Ceci, pour éviter à l’Etat du Togo des « double remboursements ». Car il semblerait que le concessionnaire du projet devrait préfinancer la rénovation, et alors on se demande à quoi serviraient les fonds de FAGACE.
Mais toute analyse bien faite, l’addition du projet risque d’être plus salée que ne le pense le citoyen lambda. « …De sources officielles, une commission d’évaluation sera mise en place et fera des propositions d’indemnisation à octroyer au partenaire libyen, la LAAICO, et l’Etat va solliciter un opérateur hôtelier de renom pour sa rénovation. Pour l’heure, aucune réaction du partenaire libyen n’est pas encore enregistrée à Lomé », a indiqué l’agence Panapress. Jusqu’à présent, c’est seulement le son de cloche en provenance des autorités togolaises qui se fait entendre et bien malin qui pourra dire avec exactitude les raisons de cette rupture de contrat. Et si demain la Libyan arab african investment company (LAAICO) sortait de son silence et décidait de s’en remettre à une justice supranationale ? Puisque, malgré la pile de raisons avancées par les autorités pour justifier la rupture de contrat, celles-ci parle déjà de « propositions d’indemnisation à octroyer au partenaire libyen ». Assez bizarre comme démarche. Une chose est certaine, il y aura des indemnisations qui viendront s’ajouter aux 13,5 milliards de FCFA. Et qui sait s’il n’existerait pas d’autres frais cachés qu’on prend soin de ne pas dévoiler, de peur d’effaroucher les citoyens.
Le passé récent doit apprendre au peuple togolais à être plus vigilant. Dossiers Togo électricité, ENI, députés de l’ANC, Kpatcha Gnassingbé et codétenus, Pascal Bodjona, et d’autres, mais pas des moindres. Le parcours de l’Etat du Togo, représenté par les autorités actuelles est jonché de condamnations qui se chiffrent en milliards de FCFA. Mais pour le moment, seul l’organisation du sommet de novembre à Lomé, semble être le Nobel des préoccupations des gouvernants actuels. Avec la géopolitique et la situation intérieure actuelles, nul ne peut affirmer si ce sommet aura lieu au Togo ou non et si les travaux finiront dans les temps. Dans l’affirmative et par rapport aux coûts de rénovation, nous osons croire qu’à l’heure du bilan, chacun pourra se dire : « le jeu valait vraiment la chandelle » ! Mais d’ici-là, l’urgence d’une communication transparente s’impose de la part du ministre de l’Economie et des Finances pour situer les contribuables sur la facture de la rénovation.